Franz Liszt
200 ans de la naissance
Bicentenaire 2011
Franz Liszt
Christus, 1873
L’événement s’inscrit dans le cadre du World Liszt Day consistant à donner Christus simultanément dans une quinzaine de villes travers le monde (Budapest, Vienne, Prague, Bayreuth, Istanbul, Séoul…).
Habité par la création d’une nouvelle musique religieuse, propre à attirer les foules dans les églises, Liszt entend réconcilier théâtre et religion grâce à une écriture « humanitaire »; « à la fois dramatique et sacrée, pompeuse et simple, pathétique et grave, ardente et échevelée, tempétueuse et calme, sereine et tendre »… en somme, il s’agit d’une musique totale, renouant avec les premiers oratorios baroques romains du début du XVIIè dans leur volonté d’ouverture, d’évangélisation, de passion accessible et engageante. Oeuvre de toute une vie, avec La Légende de Sainte Cécile (antérieure), l’oratorio Christus (S.3) est terminé dès 1866 mais n’est créé -intégralement-, qu’en 1873 à Weimar sous la direction du compositeur.
La partition comprend trois parties: Noël, après l’Epiphanie, enfin Passion et résurrection. L’Oratorio de Noël frappe par ses évocations paradisiaques et angéliques (la harpe exprimant le battement des ailes des anges célestes); ses réminicsences palestriniennes rigoureuses (Stabat Mater speciosa); très souvent, les seuls instruments sans les voix (choristes et solistes) produisent l’atmosphère requise et le sujet sacré concerné (chant des bergers à la crèche, les trois rois mages)…
Après l’Epiphanie, les béatitudes renforcent le message du Christ (intervention de l’Evangéliste dont la voix est confiée au baryton solo) sur fond palestrinien. Le Paster noster, pour le choeur a cappella à 7 est en la bémol majeur, tonalité amoureuse chez Liszt. Puis, le compositeur évoque la fondation de l’Eglise à partir de l’engagement de Pierre (Tu es Pierre, et sur cette Pierre ja bâtirai mon église; Simon, fils de Jean, m’aimes tu plus que tout?). Le miracle qui suit fait entendre l’une des tempêtes les plus saisissantes de la littérature Lisztéenne (langage chromatique agitato): Jésus (baryton) calme le déchaînement des éléments, selon le texte de Matthieu. Des flots impétueux, Liszt évoque ensuite le passage à la mer calme en un souffle symphonique irrésistible.
Enfin, pour conclure sa seconde partie, Liszt mêle astucieusement quatuor de solistes et choeur en une magnifique section chorale finale.
Dans Passion et Résurrection, Liszt affirme ses audaces et ses expérimentations: Tristis est anima mea, d’après Marc, diversifie forme et écriture pour cibler l’intensité expressive: gamme tzigane, réminiscences de Tristan, diatonisme… Puis, le Stabat Mater dolorosa, pendant crucial du Stabat Mater speciosa de la première partie se distingue par son développement formel (plus de 30 mn): c’est le point culminant du dramatisme sacré de l’oratorio. En fa mineur, la pièce mêle rondo et sonate, privilégie le choeur, les solistes, l’orchestre. O Filii et filiae frappe par l’intimisme de son écriture palestrinienne (accords parfaits enchaînés sans modulation).
L’arche trypartite de Liszt s’achève avec le Resurrexit qui convoque tous les effectifs: c’est une récapitulation mélodique, un résumé de l’oratorio entier, menant vers une conclusion orchestralement flamboyante.
Liszt inventeur et visionnaire éclate le cadre de l’oratorio; ici, la cohérence n’est pas dans l’action et le sujet dramatique: la diversité des formes et des idées musicales troublent même l’idée de continuité; c’est par un jeu complexe et de références et de citations internes que le compositeur assure et réussit la profonde cohésion de son oeuvre Christus, l’une des plus ambitieuses de son catalogue.