Télé. Arte. Arvo Pärt : le paradis perdu. Dimanche 27 septembre 2015, minuit. Portrait du compositeur estonien Arvo Pärt, célébrité majeure de la musique contemporaine,- l’équivalent de Boulez en France ou de Rautavara en Finlande. Orthodoxe croyant, Pärt a du quitté son pays natal dès 1980 sous la pression du régime soviétique, a gagné Vienne avant de s’établir à Berlin où il réside aujourd’hui. Portrait d’un compositeur très réservé, fervent sincère, pour ses 80 ans (né en 1935) dont la musique peut exprimer certes la prière d’un croyant, mais surtout l’exigence d’une conscience humaniste qui pose clairement la question du sens profond de la musique comme miroir de la condition humaine. Chaque partition peut s’entendre comme un questionnement libre, mordant parfois, suspendu souvent (comme en témoigne le cycle Fratres de 1977, révision de 1980 pour violon et piano qu’il faut absolument écouter dans l’interprétation du violoniste Gidon Kremer accompagné par Keith Jarrett). Ses œuvres hypnotiques, spirituelles, suspendues et planantes, intitulées en latin, en allemand mettent en scène des textes souvent sacrés mais pas uniquement, où jaillissent souvent l’onde des cordes en tutti saturés ou en crescendos énigmatiques, et l’éclair des percussions toujours très présentes (son fameux style tintinabulum, et souvent dans une spatialisation réverbérée. Adam’s passion est l’une des oeuvres les plus récentes de Pärt : réflexion sur la malédiction originelle qui pèse depuis toujours sur l’espèce humaine, sa possible mais délicate rémission… ce qu’exprime le plus souvent le chant rentré, instrumental, symphonique ou choral, aux puissantes inflexions tragiques alternant avec des épisodes d’absolu murmure enivré…
Le documentaire édité en 2015 suit le compositeur une année durant pendant laquelle il s’est rendu en Estonie, au Vatican et au japon où il a reçu la très prestigieuse distinction, le Praemium Imperiale. En illustration, plusieurs extraits du spectacle Adam’s Passion (créé à Tallinn la ville natale de Pärt en mai 2015), composé de 3 oeuvres majeures de Pärt, mises en scène par Bob Wilson (dont le fameux Adam’s Lament, récente partition de 2011 critiquée et présentée dans les colonnes de classiquenews : LIRE le compte rendu critique du cd Adam’s Lament d’Arvo Pärt, ECM New series. Le docu est suivi logiquement à 00h55, du spectacle Adam’s Passion.
Extrait de la critique du cd Adam’s Lament d’Arvo Pärt : Arvo Pärt: Adam’s Lament (2011): Voici assurément l’un des enregistrements les plus fascinants du compositeur contemporain estonien, Arvo Pärt. Fidèle depuis toujours à l’œuvre et au travail du musicien, le label ECM signe ici une réalisation exemplaire. Le connaisseur comme le néophyte y (re)trouvent la palette expressive d’une étonnante diversité propre au créateur contemporain. S’il ne se dit pas croyant (c’est à dire affilié à une religion particulière), – même s’il s’est converti au culte orthodoxe, Pärt s’est toujours scrupuleusement gardé de prêcher en musique-; son écriture diffuse un sentiment de plénitude, portée par une aspiration inextinguible vers l’Ailleurs; c’est aussi comme en témoignent les deux berceuses écrites en 2002 pour Jordi Savall (et son ensemble Hesperion XXI), une âme inspirée capable d’atteindre jusqu’à l’innocence de l’enfant qui demeure en chacun de nous.Curieux effet de continuité entre la nouvelle pièce Adam’s Lament et le Beatus Petronius (1990-2001) qui lui succède; les deux pièces s’enchaînent (et même se répondent idéalement), par un effet de murmure pacifiant au terme des déflagrations d’Adam’s lament, murmure exprimé dès le début du Beatus en un climat suspendu immédiat… ; même recueillement aérien, suspension des mondes flottants, et surtout état indistinct entre ravissement et suprême compassion qui est l’antichambre vers cet autre monde, espace et infini à la fois, vers lequel tend toute l’oeuvre d’Arvo Pärt. S’il était un langage propre à nous abstraire de toute réalité matérielle, la musique de l’Estonien en écrirait le texte référentiel.Avec sa musique si sensorielle, les yeux se ferment et l’âme s’ouvre, s’affranchissant de toute nécessité. Avec ce nouvel opus à ajouter à un corpus déjà magistral en accomplissement du même type, le compositeur reste constant dans son irrépressible quête, porté par l’inextinguible certitude de ses propres visions.Pour autant, doué d’harmonies planantes, Arvo Pärt sait aussi saisir avec parfois violence: si le Beatus Petronius est caressant et d’un balancement hypnotique, Adam’s Lament est d’une architecture élargie et d’un mouvement très dramatique. La pièce est dédiée à l’Archimandrite Sophrony, Sakharov et son message regroupe deux valeurs: humilité et amour..
LIRE notre critique de Adam’s Lament d’Arvo Pärt (1 cd ECM new series, 2011)