lundi 28 avril 2025

Antoine Van Dyck (1599-1641),François Langlois en costume de savoyard.

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Marchand en objets d’art, libraire recherché, François de Langlois, né à Chartres en 1588, rencontre probablement le peintre Van Dyck dans les années 1620, en Italie. Il fréquente tous deux, Nicolas Lanier, leur ami commun.
Vers 1625, Langlois fait le voyage à Londres comme marchand de peintures, pour présenter au roi Charles Ier et au duc de Buckingham, quelques toiles de premier choix.

C’est là encore, comme souvent dans le cas des portraits de Van Dyck, la présence du goût et de la culture, qui ont suscité la réalisation de l’oeuvre.
Raffinement, style, élégance, discernement en tout et sur tout, le milieu social et humain qui est celui de van Dyck, désigne l’élite de son époque.
Il est le peintre officiel du Souverain d’Angleterre et l’incarnation d’un esthétisme subtil qui allie naturel et culture.
Langlois s’installera ensuite comme marchands de livres et de gravures à Paris, rue Saint-Jacques à l’enseigne « Aux Colonnes d’Hercule« .
Par la suite, en 1637 puis 1641, Langlois fait à nouveau le voyage à Londres où il est certainement l’intermédiaire qui permettra à Van Dyck, d’acquérir une peinture convoitée, signée par un peintre adulé et dont il puise sa propre amnière : L’Arioste de Titien. A sa mort en 1647, sa veuve reprend le commerce aidé par son second époux, Pierre II Mariette. C’est avec le petit-fils de Langlois, Pierre-Jean Mariette (1694-1774) que l’art du négoce en objets d’art atteindra un sommet de sélection et de finesse de goût. Mariette reste au XVIIIème siècle, une figure essentielle du marché de l’art en France.

Le portrait succède à un dessin saisi sur le vif que les spécialistes ont daté des années 1632/1634. Le portrait à l’huile aurait suivi de quelques années. Langlois y paraît dans la force de l’âge, sans complaisance ni affèteries sans familiarité non plus. C’est là toute la nuance d’un Van Dyck au sommet de son art. Le modèle pourrait avoir 45/50 ans.

Le portrait aurait été peint au moment où Langlois, à Londres, entre 1637 et 1641, négocie pour le peintre, l’acquisition du L’Arioste de Titien. L’heureux propriétaire voulut-il remercier son ami en lui offrant un portrait de sa main? Quoiqu’il en soit, peintre et modèle ici, malgré les apparences, se rejoignent autour d’une même vénération pour un maître du passé, Titien dont Van Dyck reprend la palette richement chromatique, la fluidité nerveuse et sanguine de la touche. La rusticité du registre n’empêche pas l’allusion discrète mais essentielle à un génie du raffinement pictural.

L’époque est à la détente, en particulier dans les milieux les plus aisés et les plus lettrés. La noblesse comme la haute bourgeoise, et les « fournisseurs » des grandes familles, comme l’était Langlois. La nature, déjà, un siècle avant le pastoralisme d’un Rameau, l’éloge du bon sauvage de Rousseau, avant la bergerie de Versailles ou la laiteirie de Rambouillet souhaitées par Marie-Antoinette, est un état recherché. N’y voyait-on pas alors la manifestation de cette Arcadie des poètes, peinte par les grands vénitiens : Bellini, Giorgione, surtout, Titien?
L’homme en accord avec la nature pouvait y jouir d’une paix amoureuse, comme nous le chantent poètes et peintres. La musique est au coeur de cet accord. En elle, par elle, résonnent les sons de cette unité paradisiaque. En souhaitant retourner à la Nature, les nobles et les princes manifestent leur nostalgie de l’âge d’or.

En costume de savoyard
, costume typique des campagnes, Langlois joue de la musette, qui est un petit biniou. L’instrument aura un succès éclatant jusqu’au XVIII ème siècle où Rameau l’utilisera pour les chants élégiaques et les célébrations bienheureuses de ses tragédies lyriques.
Ici, pas de machinerie ni de dignité urbaines, ni sophistication ni pose. Le modèle est remarquablement saisi sur le vif, le buste pris en trois-quart sur un plan fuyant vers le paysage. Le dynamisme très discret de la composition, tient à l’agencement de la mise générale selon une croix : droite de la flûte de l’instrument sur lequel s’exercent ou jouent les doigts ; autre droite plus explicite, alignant, le museau du chien dans le coin inférieur gauche, le coude et la manche du bras droit, le dessin des autres plis du vêtement. Le rôle de ces deux lignes formant croix, est de se croiser à l’endroit exact de l’action proprement dite, le jeu des mains. Centre où le regard focalise, l’instrument est minutieusement décrit.

Mais la qualité du portrait vient du visage, lui aussi saisi en un instantané « musical » : bouche entrouverte, regard vivant cherchant une approbation, le marchant musicien fredonne une chanson campagnarde.
Urbain, civilisé, Langlois aimait passionément la musique. D’ailleurs, un autre peintre, Claude Vignon, l’a portraituré en musicien également, mais jouant de la sourdeline, un genre de cornemuse, quelques années avant Van Dyck.

Le chapeau, la simplicité des vêtements qui refusent tout symbole, toute indication de l’homme de goût et du marchand d’art, l’aplat en ocre presque austère qui sert de fond, confirment la volonté de simplicité rustique.
Dans cette épure qui cible les qualités humaines plutôt que le rang social et la dignité culturelle du modèle, Van Dyck a surtout peint, le portrait d’un ami, d’un proche dont il partageait la passion de la musique.
En homme de goût, le peintre employait musiciens et chanteurs pour divertir ses amis ou égayer les longues séances de poses de ses modèles.

Illustrations
Antoine Van Dyck, Français Langlois (1635/1637), National Gallery, Londres.
Titien, portrait présumé de L’Arioste, National Gallery, Londres.

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