vendredi 29 mars 2024

Angers. Le Quai, le 11 mai 2011. Gaetano Donizetti : L’Elisir d’Amore. Edgar Ernesto Ramirez, Tatiana Lisnic, Yuri Kissin… Thomas Rösner, direction. Richard Brunel, mise en scène

A lire aussi
Après Lille, Rouen et Saint-Etienne, c’est au tour d’Angers-Nantes Opéra d’accueillir cette remarquable production de l’Elisir d’Amore imaginée par Richard Brunel. Toujours aussi finement menée et dirigée, elle sait parler à notre époque et toucher pleinement, grâce à toute la mélancolie qu’elle contient et qui compose principalement les personnages de Nemorino et Dulcamara.
Entièrement renouvelée, la distribution offre de belles surprises.


Un Elixir qui fait mouche

Saluons une Giannetta plus marquante qu’à l’ordinaire, campée avec force par Stéphanie Loris, au timbre cristallin et aux aigus percutants, très audible jusque parmi les chœurs.
Le Belcore du baryton Jeremy Carpenter fait étalage de son physique avantageux et de son timbre sombre, mais, comme beaucoup de titulaires actuels du rôle, il se montre plus fruste que raffiné, avec une émission peu régulière et un phrasé sommaire, qui semblent devenir la marque visible du machisme de ce militaire brutal dans sa tentative de séduction.
Dulcamara désabusé mais plein de malice dans son numéro de bonimenteur, Yuri Kissin attire la sympathie par son jeu drôle et fin, ainsi que par sa grande présence scénique. En revanche, malgré un timbre intéressant, le chanteur convainc moins, la faute en incombant à des sonorités souvent sur la gorge et dans la bouche, peu résonantes et sans grande portée, notamment dans un aigu encore fragile et souvent opaque, et à un sillabato peu précis, insuffisamment maîtrisé.
Le couple central de cette œuvre, quant à lui, remporte tous les suffrages.
Nous étions heureux de retrouver la soprano moldave Tatiana Lisnic, nous n’avons pas été déçus. Pourtant annoncée souffrante à l’entracte, elle éblouit par sa maîtrise totale du rôle, tant vocale que scénique, semblant paradoxalement en grande forme. Son Adina révèle la juste nature du rôle, véritable soprano lyrique, à l’instrument corsé, au médium charnu et aux graves sonores, et doté d’un aigu rond et libre, d’une parfaite agilité et de trilles parfaitement battus. Physiquement et vocalement, elle fait irrésistiblement penser à Mariella Devia, ce qui n’est pas un mince compliment. Elle apparaît très à l’aise sur scène, prenant plaisir à incarner la mutine jeune femme, semblant unie par une grande complicité à son partenaire.
Nemorino touchant et rayonnant, le jeune ténor mexicain Edgar Ernesto Ramirez fait figure de révélation. Dès le début de son premier air, on est charmés par sa voix lumineuse, parfaitement placée, haute et claire, magnifiée par un legato de grande école et un superbe sens du texte, capable des nuances les plus raffinées, à l’émission toujours moelleuse et sur le souffle, jusque dans des vocalises sans reproche, un accomplissement technique et musical lui permettant de suspendre le temps à travers une « Furtiva lagrima » magnifiquement phrasée et bouleversante d’émotion. Il donne l’impression de ne faire qu’un avec son personnage, qu’il incarne avec une vérité attachante et une fragilité attendrissante. Un nouveau talent à suivre de très près.
Très beaux chœurs d’Angers-Nantes Opéra, comme toujours parfaitement préparés, homogènes et très musiciens.
Conduisant avec finesse un Orchestre des Pays de la Loire léger, transparent et sans lourdeur, Thomas Rösner fait chanter les cordes et briller les vents, toujours en suivant les chanteurs et en les soutenant avec attention.

Angers. Le Quai, 11 mai 2011. Gaetano Donizetti : L’Elisir d’Amore. Livret de Felice Romani. Avec Nemorino : Edgar Ernesto Ramirez ; Adina : Tatiana Lisnic ; Dulcamara : Yuri Kissin ; Belcore : Jeremy Carpenter ; Giannetta : Stéphanie Loris. Choeur d’Angers-Nantes Opéra. Orchestre National des Pays de la Loire. Thomas Rösner, direction musicale ; Mise en scène : Richard Brunel. Assistant à la mise en scène : Matthieu Roy ; Scénographie : Marc Lainé ; Costumes : Claire Risterucci ; Lumières : Mathias Roche ; Dramaturgie : Catherine Ailloud-Nicolas ; Chef de chœur : Sandrine Abello ; Chefs de chant : Julien Dupré et Hélène Peyrat

Illustration: Nemorino: Edgar Ernesto Ramirez. Adina: Tatiana Lisnic. Belcore: Jeremy Carpenter © Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2024. LULLY : Atys (version de concert). Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie / Alexis Kossenko (direction).

Fruit de nombreuses années de recherches musicologiques, la nouvelle version d’Atys (1676) de Jean-Baptiste Lully proposée par le Centre...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img