Dès le début du XIXe siècle, Félix Mendelssohn-Bartoldy (1809-1847) utilise lui aussi la comédie du dramaturge anglais; en 1826, le compositeur hambourgeois, alors âgé de dix-sept ans, ne compose qu’une ouverture sans avoir, à ce moment, l’intention d’y revenir. C’est cependant en 1843, après que le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV lui ait passé commande d’une musique de scène, que Mendelssohn remet Le songe d’une nuit d’été sur le métier et compose une suite pétillante qui traduit avec bonheur ce que Shakespeare a écrit en vers à l’extrême fin du XVIe siècle.
En ce premier dimanche d’automne et pour donner vie à l’oeuvre du musicien allemand, les responsables de l’Abbaye Royale de Fontevraud invitent l’Orchestre National des Pays de la Loire, le choeur de femmes de l’Orchestre National des Pays de la Loire, le comédien Éric Genovese et les deux sopranos Trine Wilsberg Lund et Valentina Coladonato.
Nuit d’été à Fontevraud
Dès les premières notes de l’ouverture, le chef John Axelrod met la barre très haut avec une fougue et une vigueur bienvenues même si la gestuelle est parfois quelque peu surprenante. La méthode semble cependant efficace puisque les musiciens survoltés jouent avec un bel enthousiasme; John Axelrod ne laisse d’ailleurs rien au hasard dans l’interprétation de la musique de Mendelssohn dont certaines parties, comme la célébrissime marche nuptiale. Le compositeur introduit néanmoins dans son oeuvre quelques « pauses » musicales où le récitant narre l’histoire de Titania, Obéron, des deux couples amoureux et du peuple des fées.
C’est Philippe Drancy qui prend la partie « théâtrale » de l’oeuvre à son compte et déclame les vers de Mendelssohn avec beaucoup de talent : la voix chaude, ronde et ferme du comédien, dont la diction est par ailleurs quasi parfaite, résonne sous les voûtes de l’abbaye avec clarté et fermeté. La complicité entre le chef, qui se prend au jeu avec un bonheur évident, et le comédien donne une pâte particulière à l’ensemble. Si on peut regretter que les interventions du choeur de femmes et des deux chanteuses, Trine Wilsberg Lund et Valentina Coladonato, soient aussi nombreuses que trop fugaces, Mendelssohn leur a donné de fort belles pages à chanter. Quel dommage, néanmoins, que le texte s’envole et tourbillonne dans l’abbatiale au point de rendre l’ensemble incompréhensible, d’autant que la diction des solistes et des choristes est visiblement excellente. Cependant le travail réalisé en amont permet au choeur de se transcender et de tenir tête tant à Genovese qu’aux solistes.
Malgré la courte durée du Songe, une heure seulement, l’interprétation pleine d’entrain aborde sans jamais pourtant l’atteindre l’univers fantastique et très particulier dont Shakespeare a jadis jeté les bases avec une comédie burlesque et pétillante de vie. S’il est impossible de rendre littéralement le côté parfois loufoque de l’oeuvre du dramaturge anglais, Mendelssohn en a donné une lecture très personnelle et très libre qui permet au public de voyager dans la forêt d’Obéron et de Titania. La main ferme et vigoureuse du chef américain restitue une nuit d’été dynamique et toute en finesse.
Abbaye Royale de Fontevraud. Eglise abbatiale, le 23 septembre 2012. Félix Mendelssohn-Bartoldy (1809-1847); Le songe d’une nuit d’été, musique de scène tirée de la pièce éponyme de William Shakespeare. Trine Wilsberg Lund, soprano; Valentina Coladonato, soprano; Philippe Drancy, récitant. Orchestre National des Pays de la Loire; choeur de femmes de l’Orchestre National des Pays de la Loire. John Axelrod, direction. Par notre envoyée spéciale, Hélène Biard.