lundi 28 avril 2025

Patrick Barbier: Naples en fêteEditions Grasset

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Théâtre, musique et castrats au XVIIIè forment « l’ordinaire » social et culturel de la cité parthénopéenne, phare artistique européen avec Londres et Paris et qui fournira grâce à l’activité de ses conservatoires de jeunes garçons musiciens, toutes les cours royales et princières à l’époque des Lumières. Après avoir interrogé et révélé l’essor des castrats napolitains au XVIIIè dans divers ouvrages, Patrick Barbier s’intéresse ici au portrait de la Naples du second Baroque: celle florissante sur le plan des arts et de l’activité musicale sous le règne du premier Bourbon napolitain, Charles de Bourbon, jusqu’à ce qu’il devienne roi d’Espagne en 1759.

Fêtes musicales dans la Naples baroque

Venise a ses Ospedali (pour jeunes filles), Naples, ses Conservatoires pour garçons: un pari gagnant puisque au fur et à mesure des années, les musiciens napolitains ainsi formés dans les 4 institutions municipales (compositeurs, castrats, instrumentistes…), s’imposent partout en Europe. Venise cultive les talents sédentaires, confinés masqués dans ses églises et orphelinats; Naples exporte le génie musicien de ses enfants masculins, missionnaires et ambassadeurs d’un nouveau style lyrique qui sait se vendre hors les murs de la cité … Vivaldi est en ce sens une exception: le Vénitien n’a cessé de renouveler son art et de voyager, affrontant d’ailleurs de plein fouet la concurrence des Napolitains.

L’auteur s’intéresse au profil de la ville, bruyante, raffinée, active et laborieuse, organisée et hiérarchisée; il ressuscite même le quotidien d’un jeune garçon apprenti dans le conservatoire de La Pietà dei Turchini, Giovanni Pellegrino, castrat contralto, auditionné par l’immense Leonardo Leo et qui suit la formation napolitaine pendant 8 années parmi les nombreux figlioli de l’institution…

Aux cotés des fondations charitables, destinées à la professionnalisation des orphelins et des miséreux, l’enseignement privé porte aussi ses fruits (et non des moindres): le compositeur Porpora forme chez lui cinq des plus grands castrats du XVIIIè, incarnant l’âge d’or des divi à Naples: Porporino son favori avec Cafarelli ; Farinelli, et les milanais Salimbeni et Appiani.

Mais la grande affaire napolitaine au XVIIIè demeure la scène et l’opéra: bien que non mélomane fervent, Charles de Bourbon édifie l’un des théâtres les plus actifs et les plus spectaculaires alors (aux côtés de San Bartolomeo édifié au XVIIè), prestigieux par ses dimensions comme par la qualité de ses programmations. Le San Carlo reprend à son compte l’essor des opéras comiques nés au Fiorentini, théâtre rival du San Bartolomeo qui à partir de 1709, accueille et cultive la veine délirante et buffa de l’opéra comptant le concours des plus célèbres auteurs: Broschi, Pergolèse, Leo, Piccinni, Cimarosa, Paisiello… Inauguré en 1737, le San Carlo construit par Charles est l’arme la mieux organisée du règne, s’appuyant sur un orchestre de fosse de près de 60 musiciens permanents (!), sur le déploiement des décors et des machineries (grâce au travail des décorateurs ingénieurs dont avant Vincenzo Re, Righini qui réussit entre autres le fameux Achille de Sarro pour l’inauguration du théâtre). Voici quelques entrées d’une période florissante où Naples la superbe a fait la preuve de son génie culturel.

Flamboyante et délirante, Naples invente autant que Venise au siècle précédent, l’opéra baroque. Le texte vivant, documenté, complet ressuscite l’éclat et l’activité d’une ville parmi les plus attachantes qui soient, véritable temple du délire musical et théâtral dont raffole toute l’Europe princière. Captivant.

Patrick Barbier: Naples en fête. ISBN: 978 2 246 771913. 320 pages. Editions Grasset. Parution: novembre 2012.

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