jeudi 8 mai 2025

Paris. Théâtre du Châtelet, le 23 juin 2012. Récital Susan Graham, mezzo-soprano. Malcolm Martineau, piano

A lire aussi
Assister à un récital de la mezo soprano américaine Susan Graham, c’est l’assurance de découvrir une grande leçon de chant et de musique, de parcourir les répertoires, les styles et les époques, toujours avec élégance et raffinement. Et cette soirée au Châtelet ne fait pas exception. Dès son entrée, on est saisi par le port de reine et le charisme de la chanteuse, rayonnante.

La leçon de musique de Susan Graham

Dès les premiers sons, elle instaure un climat intime et recueilli, avec « Tell me some pitying angel » de Purcell. Un bijou méconnu du compositeur de Didon et Enée, à la ligne de chant délicatement plaintive, pleine de ferveur et de larmes.
Dans « La mort d’Ophélie » de Berlioz, elle fait admirer la clarté de sa diction française ainsi que son art de la voix de tête, qu’elle laisse flotter en des piani impalpables et irisés, …de ceux qui font les grandes techniciennes.
La première partie du concert se poursuit avec la figure de Mignon, dépeinte par Schubert, Schumann, Liszt, Tchaikovski, Duparc et Wolf. Plusieurs visages de cette femme-enfant, tous servis par une grande dame du chant, mettant met sa maîtrise technique au seul service de la musique, qui s’en trouve magnifiée.
L’entracte passé, Susan Graham nous fait découvrir une pièce méconnue de Joseph Horovitz autour du personnage de Lady Macbeth, composée en 1970. Des extraits du texte de Shakespeare mis en musique, au plus près du texte, quasi recitar cantando, d’une grande force dramatique. La mezzo américaine y déploie sa grande et belle voix, avec une ampleur vocale et une conviction interprétative qui fait regretter qu’elle n’aborde pas le rôle vu par Verdi.
Avec les Fiançailles pour rire de Poulenc, elle retrouve la langue française qu’elle aime tant. Les pièces rapides la sentent moins à l’aise, comme si la vélocité du débit l’empêchait de sculpter véritablement les syllabes. Alors que les morceaux lents lui laissent le temps de ciseler de vraies voyelles pour mieux les déployer et réellement servir le texte.
Le célèbre « J’ai deux amants » extrait de L’Amour masqué de Messager, lui permet de mettre en valeur son humour ainsi que ses talents de comédiennes, et de faire définitivement fondre le public.
Dans les songs qui suivent, elle retourne à sa langue natale, et simultanément à un naturel vocal qu’elle n’a pas toujours, ne cherchant plus qu’à partager le texte avec les spectateurs, sans chercher à chanter ni à faire sonner sa voix.
Et le résultat est là, bluffant de simplicité. On retiendra notamment le « Sexy Lady » de Ben Moore, visiblement écrit pour elle, où elle déplore – avec humour – les rôles en pantalon que sa voix de mezzo l’oblige à sempiternellement chanter. La salle est décidément conquise, le fait savoir avec ferveur, et en redemande.

En bis, la chanteuse offre à son public le poignant « A Chloris » de Reynaldo Hahn. Dès les premières notes du piano, un silence religieux se fait dans l’assistance, et le temps semble s’arrêter, toute la salle étant suspendue aux lèvres de la chanteuse, qui laisse flotter sa voix et déroule dans un souffle comme infini la ligne immobile de cette mélodie envoûtante.
L’émotion dissipée, la mezzo se lance dans une épatante chanson de Stephen Sondheim, « The boy from… », dans laquelle la chanteuse narre sa passion silencieuse pour un jeune homme originaire du petit village de… Tacarembo La Tumbe Del Fuego Santa Malipas Zacatecas La Junta Del Sol Y Cruz. Un grand éclat de rire musical, à la bonne humeur communicative.
Pour achever cette soirée, Susan Graham propose « Connais-tu le pays », la romance de Mignon extraite de l’opéra éponyme d’Ambroise Thomas. Là encore, dans le public, tout se tait, laissant opérer la magie de cette musique. La voix de la mezzo se fait suave, tendre et rayonnante, murmurant ses premières phrases, dans une diction française d’une parfaite clarté, ciselant chaque voyelle, véritable bijou de finesse et de sensibilité.
La plus belle note de poésie et d’émotion pour mettre le point final à une très grande leçon de musique.

Paris. Théâtre du Châtelet, 23 juin 2012. Henry Purcell : Tell me, some pitying angel. Hector Berlioz : La mort d’Ophélie. Franz Schubert : Heiss mich nicht reden. Robert Schumann : So lasst mich scheinen. Franz Liszt : Kennst du das Land. Piotr Ilitch Tchaikovski : Niet, tolka tot kto znal. Henri Duparc : Romance de Mignon. Hugo Wolf : Kennst du das Land. Joseph Horovitz : Lady Macbeth. Francis Poulenc : Fiancailles pour rire. André Messager : L’Amour masqué, « J’ai deux amants ». Cole Porter : Nymph Errant, « The Physician ». Vernon Duke : Ages Ago. Ben Moore : Sexy Lady. Susan Graham, mezzo-soprano. Malcolm Martineau, piano

Derniers articles

OPMC / ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO. Kazuki Yamada, directeur artistique et musical ne souhaite pas prolonger son mandat actuel, s’achevant en août 2026

Dans un communiqué daté du 5 mai 2025, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo / OPMC annonce que le mandat du...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img