Tchaïkovski
Symphonie n°4 en fa mineur
France Musique
Dimanche 29 avril 2012 à 14h
Symphonie du destin, superbe symphonie de Piotr Illiytch Tchaïkovski, la 4è Symphonie (1877-1878) s’impose tel déjà un accomplissement autobiographique mais aussi l’aboutissement des recherches du compositeur orchestrateur. Le doute, l’angoisse, la malédiction (en liaison avec sa sexualité douloureuse qui ébranle jusqu’à son identité profonde et son rapport aux femmes…) construisent l’ambivalence et l’hypertension d’un ouvrage marqué par la conscience de la mort et de l’impuissance qui prélude évidemment à la dernière Symphonie n°6 (1893). L’impuissance s’exprime dès le premier mouvement dans l’énoncé du fatum… il n’est que le rêve pour compenser l’obligation à la résignation… Ce court instant de repli salvateur se répand dans l’Andantino (2è mouvement): le héros s’adonne au songe réparateur non sans éprouver un regard amer voire mélancolique quant à un passé dont le cours lui échappe totalement…
Autre échappée, l’ivresse du Scherzo, dont l’activité indécise entre joie et malheur exprime cette ambivalence au coeur de l’existence. Le compositeur a particulièrement soigné l’orchestration où se précise le thème « rustique » et vulgaire d’une chansonnette à laquelle est associée aussi un défilé militaire lointain (entonné aux cuivres)… alliance d’images musicales qui annonce déjà Mahler, autre symphoniste si autobiographique.
Dans le finale, Tchaïkovski recycle le thème du Ier mouvement; usage cyclique qui assoit l’unité de la Symphonie: la force nouvelle du mouvement final vient du thème de la fête populaire russe: trouvons une source nouvelle de réconfort dans les plaisirs les plus simples avec les autres.
La 4è symphonie est contemporaine du poème symphonique Francesca da Rimini (1876) et de la Sonate pour piano n°2 (1878). Elle s’inscrit dans la relation de Piotr avec sa nouvelle protectrice, la comtesse Von Meck avec laquelle il commence alors une abondante correspondance épistolaire (si précieuse pour comprendre pas à pas le cheminement de la pensée musicale: la partition est dédié justement à Nedja Von Meck, « son meilleur ami » et Tchaïkovski prend soin dans ses lettres d’expliciter le programme du cycle concerné); il s’agit aussi pour Piotr d’alterner écriture de la 4è et composition pour son nouvel opéra Eugène Onéguine… C’est une oeuvre charnière dans laquelle le poète musicien prend pleinement conscience de sa singularité, dans la souffrance comme l’espérance.