JS Bach, génie théâtral !
L’on ne peut que souscrire à l’enthousiasme de notre collaborateur Alexandre Pham, témoin du concert originel à Ambronay: « Aucune réserve face à ce nouvel accomplissement présenté par le chef argentin Leonardo Garcia Alarcon, pour le second soir du Festival (ndlr: 13 septembre 2011) soit 3 cantates profanes d’un Bach déconcertant de facétie raffinée, de délire dramatique, dont le génie poétique et la délectation à ciseler un orchestre toujours articulé et somptueux, éblouit d’airs en récitatifs, de choeurs en intermèdes.
Outre l’éclat de l’orchestre, la superbe tenue des choristes (en particulier « les vents virevoltants » qui ouvrent la BWV201), notons la séduction particulière du plateau de solistes réunis autour du chef: à part une exception (le ténor Makoto Sakurada, pas assez libéré, pas assez naturellement délirant comme le sont tout autrement ses partenaires), la distribution atteint la perfection, en particulier la soprano Céline Scheen et le contre ténor Clint Van der Linde; si la cantatrice séduit par sa facilité théâtrale, son souci de la projection juste, sa souple musicalité captivent précisément dans l’aria de la volupté de la BWV 213; préambule à un geste sans défaut pour un Momus impeccable dans la 201: son dernier récitatif, de conclusion, assurant l’empire de Phébus tout en épinglant l’imbécilité du jugement de Midas, est un modèle d’articulation naturelle!
Perfection vocale, somptuosité instrumentale. Même timbre somptueux et puissant, clair et ciselé de Clint Van der Linde, irréprochable pendant toute la soirée, qui laisse une incarnation saisissante d’Hercule, à la croisée des chemins entre vice et vertu, doublé dans son deuxième air (avec 2è alto en écho), du premier hautbois, volubile et aérien, des Agrémens. (…) Toujours habité par son sujet, ivre de couleurs et d’accents les plus nuancés, le chef veille au grain: au galbe des flûtes, des hautbois, surtout des cors et des trompettes très souvent sollicités (qui donnent ce caractère solennelle et parfois d’une martiale grandeur) … »
et de conclure:
« … Un résultat d’autant plus remarquable que la lecture renouvelle l’image de Bach: contre la figure du musicien discipliné et respectueux des bienséances si contraignantes à Leipzig, le compositeur ici s’autorise toutes les licences, invente, provoque, surprend… c’est dire combien Jean-Sébastien Bach est le plus révolutionnaire des musiciens de son temps. »
(lire la critique intégrale du concert « Bach dramma » à Ambronay, septembre 2011).
Edité en avril 2012, le coffret cd et dvd confirme les affinités superlatives d’un chef et d’un lieu: Ambronay sait cultiver depuis toujours la jeunesse et le talent, le défrichement et l’inédit; depuis qu’il est en résidence en Rhône Alpes, le jeune chef argentin montre édition après édition, disque après disque, la justesse et le courage d’un geste défricheur qui sait revitaliser l’approche des oeuvres. Après son étonnant Falvetti, Vespro a San Marco, Didon et Enée de Purcell, Judas Maccabeus de Haendel, surtout l’inoubliable album des madrigaux de Barbara Strozzi, ce nouvel album confirme la maturité d’un très grand chef, d’autant plus surprenant chez Bach… dont il réforme là encore notre connaissance. Bravo maestro !
Jean Sébastien Bach. Bach Dramma. Cantates profanes BWV 205, 213, 201. Céline Scheen, Clint Van der Linde, Fabio Trümpy, Makoto Sakurada, Christian Immler, Alejandro Meerapfel. Choeur de chambre de Namur. Les Agrémens. Leonardo Garcia Alarcon, direction. Enregistrement réalisé à Namur en septembre 2011 . 2 cd Ambronay éditions (+ bonus dvd : cantate BWV 213).Réf.: AMY 031