lundi 5 mai 2025

Palestrina, le prince de la musique. DocumentaireArte, dimanche 29 avril 2012 à 16h30

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Palestrina
Prince de la musique

Arte, dimanche 29 avril 2012 à 16h30
Documentaire, portrait (2009)

Le film souligne l’apport musical du grand Gianetto Palestrina (Giovanni Pier Luigi Palestrina: 1525-1590) à la musique, dans une période charnière marquée par la fin de la Renaissance et l’aube baroque…
Contrairement à l’esthétique défendue par Monteverdi au début du XVIIè, Palestrina, en homme de la Renaissance, défend la liberté supérieure de la musique sur le texte: plus que les mots, les notes savent exprimer toutes les nuances de la pensée et le système architectural de l’univers; elles expriment surtout l’ordre céleste et la perfection divine. La musique pour Palestrina est une science étroitement proche des mathématiques ; toutes les oeuvres de Palestrina évoquent une vision souveraine directement inspirée par l’harmonie des choeurs angéliques et divins…

Le film mêle étroitement travail des interprètes contemporains et séquences fictionnelles qui restituent les étapes importantes de la vie de Palestrina: organiste virtuose dès ses 19 ans à Palestrina, le jeune Gianetto (qui porte dès lors le nom de sa ville de naissance) développe très tôt sa propre conception de la musique: une musique libérée des mots et du texte dont la lumière céleste et toujours ascensionnelle rend visible et audible, la perfection divine.

Au Vatican, Palestrina connaît tous les rouages, occupent maints postes selon les pontifes en place, surtout éprouve la barbarie des intrigues; très vite, il affronte la concurrence du franco-flamand Lassus avec lequel cependant il partage le même souci de la musique profane et populaire (chacun, compositeur célébré pour les oeuvres sacrées, s’intéresse tout autant au madrigal; d’ailleurs, ils prouvent la supériorité de la musique en montrant qu’une même musique peut transcender un texte qu’il soit profane ou sacré; ce que fera après eux, Monteverdi ou Bach…).

Palestrina bénéficie tout d’abord de la nommination du Cardinal del Monte (le protecteur du Caravage) élu pape sous le nom de Jules III (Rome, mars 1550): l’ancien évèque de Palestrina appelle Giovanetto (le musicien le plus talentueux de Palestrina) pour diriger le choeur de Saint-Pierre, suscitant la colère des solistes chanteurs déjà en place. Le jeune Palestrina favori de Jules III, compose des madrigaux libertins pour la villa papale, la Villa Giulia qui abrite toute une colonie de jeunes artistes… Palestrina incarne cet idéal italien défendu à Rome par Jules III alors que depuis le début du siècle règne sans partage, la colonie des compositeurs et chanteurs franco-flamands à Saint-Pierre. Le compositeur âgé à peine de 30 ans est nommé chanteur du pape à vie…
Mais Jules III meurt en mars 1555 et son successeur Marcel II avec lequel Palestrina souhaitait réformer davantage la musique de la Contre Réforme selon sa propre esthétique, décède 3 semaines seulement après son élection!

Destitué du chœur de saint-Pierre par Paul IV

Quand Paul IV arrive sur le trône pontifical, Palestrina perd tous ses privilèges: il est congédié avec Domenico Ferrabosco du choeur de Saint-Pierre: humiliation suprême dont il ne se remettra jamais en réalité et qui fondera une profonde rancoeur comme un désir de revanche personnelle; il lui est reproché sa voix trop faible (!) et le fait qu’il soit marié…
La crise spirituelle et artistique qui le ronge, le conduit à une retraite immédiate autant qu’absolue: il se retire et disparaît de Rome, quittant femme et enfants…pour revenir avec un style renforcé, frappant par l’équilibre de son écriture verticale comme horizontale; la mesure chez Palestrina fait le miracle de son art et de sa musique.
Sans poste ni appui au Vatican, Palestrina affine son style dont la polyphonie ne perturbe pas la lisibilité de chaque ligne vocale, l’intelligibilité du verbe, atteignant une même pureté linguistique que celle du chant grégorien strictement horizontal (où pour le coup le mot est constamment compréhensible).
La Messe Ut ré mi fa sol la incarne ce temps de la maturité, d’autant que Palestrina peut en dévoiler la perfection nouvelle à Sainte-Marie Majeure où il est nommé maître de chœur. Il y a étudié enfant; il y revient professeur, détenteur d’une manière impressionnante par sa profondeur, sa délicatesse, son raffinement. Selon ses propres mots, les voix, d’essence divine, doivent s’élever, portant par leur grâce intérieure, la magie du verbe. Pour Palestrina, la musique est bien le miroir et le langage de l’âme, c’est pourquoi elle est inépuisable et intarrissable. En cela, Palestrina partage avec Leonardo Da Vinci, une même conception de la création artistique: inspiré par un idéal transcendant et supérieur, chaque auteur rend visible, l’invisible; exprime l’harmonie secrète du monde et la perfection du Dieu-Nature.

Retour sous Pie IV

Avec le nouveau pape Pie IV, lequel achève le Concile de Trente, Palestrina revient en grâce au Vatican: son style équilibré et clair, lumineux et raffiné, même s’il est hautement sensuel, répond à l’exigence esthétique de la Contre-Réforme et ses nouvelles conceptions musicales: art franc, intelligible, spectaculaire (toutes les valeurs défendues et développée ensuite à l’heure baroque: au moment de la Réforme luthérienne, Rome entend reconquérir les âmes ferventes grâce à l’art).
Détachée du verbe, donc moins dramatique qu’éthérée et abstraite, la polyphonie de Palestrina séduit immédiatement Pie IV, mais aussi les jésuites qui viennent de fonder le Collegium Germanicum: les jésuites comprennent aussitôt l’impact direct de la musique de Palestrina sur les fidèles; sa nouvelle Messe, dédié au défunt Marcel II, Missa Pape Marcelli, incarne ses nouvelles tendances… Professeur puis compositeur pour les Jésuites, Palestrina participe avec un succès retentissant à l’essor de l’art de la Contre-Réforme.
Adulé, vénéré, célébré, Palestrina est le compositeur le plus célèbre à Rome: il a pu rejoindre la Capella Giulia (à défaut du choeur de Saint-Pierre dont il avait été écarté manu militari), il est l’invité du Cardinal d’Este en sa villa de Tivoli; il y réside régulièrement et retrouve un calme fécond à sa créativité.
Mais la gloire disparaît bientôt quand survient une tragédie familiale: ses deux fils meurt de la peste et sa femme décède de la grippe… En pleine crise, Palestrina compose à Tivoli plusieurs madrigaux, accomplissement sur le mode profane d’une sensibilité finalement très soucieuse de l’intelligibilité du texte.
Seconde retraite solitaire, le maître de choeur à Sainte Marie Majeure, compositeur et professeur au Collegio Germanico, disparaît totalement… pour revenir avec une décision surprenante, celle d’entrer dans les ordres! Pie IV accède à sa demande.
Mais Palestrina n’est pas fait pour une vie de reclus pénitent: il épouse en seconde noce, la veuve du fourreur du Pape, Virginia Ormulli, riche veuve qui lui permet outre de retrouver goût à la composition, mais aussi, surtout, d’imprimer toute son oeuvre (le grand défi de sa vie!): ainsi 16 volumes voient le jour, récapitulant près de 400 oeuvres différentes. Jamais à la fin de sa carrière, Palestrina n’aura autant composé et aussi rapidement. Sa vie est à la mesure de son oeuvre: singulière, unique, impressionnante.
Si l’on écarte les délires des infographistes et du scénariste autour du thème de l’olive, le film diffusé par Arte s’évère très riche et d’un apport documentaire lumineux…

Documentaire de Georg Brintrup (Allemagne/Italie, 2009, 52mn)

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