lundi 5 mai 2025

Leonardo da Vinci: derniers mystères dévoilésArte, dimanche 8 avril 2012 à 15h45

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Peinture, restauration

Leonardo restauré

Arte, documentaire
Dimanche 8 avril 2012 à 15h45

Et si Leonardo n’avait pas révélé tous ses mystères? Des messages subliminaux inscrits dans la matière de ses tableaux… dont le premier parmi les plus aboutis et les plus intimes du Maître: Sainte-Anne et la Vierge. L’œuvre au terme d’un cycle minutieux d’analyses et d’observation a été scrupuleusement restaurée, c’est à dire dans une large mesure, débarrassée de ses vernis successifs qui jaunis (oxydés avec le temps) avaient considérablement masqué l’équilibre originel des nuances, le rapport des couleurs, la maîtrise des modelés…

Brumes debussytes, vapeurs wagnériennes

Au cœur du système figuratif de Leonardo règne ce trait précis et arachnéen, cette touche illisible mais habile et structurée, illusionniste; cette conception du modelé qui semble faire surgir les formes de l’ombre. Aucun artiste mieux que Leonardo n’a maîtrisé ce sfumato suggestif, voile de matière transparente qui efface tout contour trop appuyé. Chaque tableau semble matérialiser avec un rendu photographique, la pure vision née d’un songe, lui-même produit de l’esprit: ici beau idéal et exigence intellectuelle fusionnent. L’esthétisme de Leonardo comme celui de Michel-Ange est l’un des plus puissants et des plus originaux qui soient.

Si l’œuvre est demeurée inachevée, elle est néanmoins celle préférée du peintre, avec La Joconde (peinte à la même période) et Saint-Jean Baptiste… Toutes les oeuvres appartiennent au musée du Louvre, le seul ensemble muséographique qui possède le plus grand nombre de tableaux de Leonardo (12 au total!). La Sainte-Anne propose un renouvellement considérable de la représentation sacrée: la filiation de la mère à sa fille (Anne, Marie); de la Mère à son fils (Marie, le Christ) … figurée enlacée, fusionnée dans un paysage lunaire et minéral ne cesse de fasciner; Freud y reconnaît la vision d’un milan, rêve transcrit par Leonardo et confession à peine consciente de l’homosexualité du peintre de la Renaissance… Sur le plan artistique et pictural, la Sainte-Anne est une somme technique, l’aboutissement d’expérimentations personnelles dans lesquelles le peintre livre un testament humaniste et philosophique voire spirituel dont on commence à prendre la mesure… grâce à la restauration qui vient de s’achever.

L’oeuvre s’expose au Louvre en une exposition événement du 29 mars au 25 juin 2012 (l‘ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci)


Les secrets de la Sainte-Anne du Louvre

Arte renouvelle son offre documentaire avec ce nouveau cyle exemplaire de reportages éclairant le sens des grands chef d’oeuvre picturaux du Louvre. Au programme plusieurs oeuvres maîtresses que l’on pensait connaître et dont chaque film dévoile plusieurs aspects cachés, méconnus voire inédits. A ce titre, le film dédié à l’histoire mouvementée de la toile de Nicolas Poussin qui est pour le XVIIè français ce qu’est Leonardo pour la peinture du XVIè, demeure captivant et parfaitement retracé. Mené comme une enquête, le film interroge la provenance de l’oeuvre, le profil de ses collectionneurs successifs, et évidemment la genèse de sa création comme les enjeux du sujet, le sens et les symboles de ce qu’en fait le peintre…

Plus intéressant encore, le reportage qui se concentre sur la récente restauration de la Sainte-Anne de Leonardo (mené en 2011 et 2012) dont les étapes n’ont pas manqué, génie de Leonardo oblige-, de provoquer scandales et vifs débats; de composer un véritable feuilleton médiatique; les journaux ressortant alors les vieilles alarmes (dépassées) des clans conservateurs: inquiets voire pétrifiés face à ce qu’il s considèrent comme une intervention à très haut risque pour le panneau de bois peint par le plus grand génie de la Renaissance.


L’eau en cascades…

En suivant les épisodes de cette saga captivante, le spectateur, confronté de très près à l’activité de la restauratrice comprend la nature de l’intervention (qui va jusqu’au frottage mécanique à la surface du panneau! : on comprend que les puristes aient des frissons d’horreur…), mesure l’apport du traitement chimique et scientifique ainsi décidé: les couleurs d’origine sont retrouvées, comme les rapports ombre/lumière c’est à dire ce modelé si singulier s’agissant de Leonardo, dans la représentation des formes dans la lumière. Ainsi, le paysage et ses bleus lointains sont-ils enfin intelligibles (avec moulte détails: pont, maisons, village, ligne des crêtes montagneuses…); ainsi, le drapé bleu de la Vierge, celui qui, quand on couche la toile à l’horizontal à la forme d’un vautour (un milan précisément selon le propre songe relaté par Leonardo), dont tout ou presque des ombres était illisible depuis des siècles; sans omettre surtout, l’implantation des figures dans leur espace: un cadre restitué où l’eau s’écoule partout en cascades (côté gauche de la composition), constituant une atmosphère liquide et humide associée à la précision minérale des rochers également omniprésents. Le sol où se tiennent Sainte-Anne, La Vierge et l’Enfant pourrait être une espèce de promontoire, voire un îlot entouré d’eau coulante et jaillissante: nouveaux éléments pour une future interpétation qui ne tardera pas à se préciser.

Tout cela nourrit un nouveau dossier Sainte-Anne, d’autant que les amateurs de peinture pourront aller constater les vertus de la restauration (achevée en février 2012) et ses nouveaux apports visuels dans le cadre de l’exposition que consacre le Louvre à cette « restauration du siècle ». Le cas Leonardo fait d’autant plus l’actualité de ce début 2012 que l’on vient de découvrir au Palazzo Vecchio de Florence, la bataille d’Anghiari derrière la fresque de Vasari: une découverte exceptionnelle car on pensait la composition de Leonardo perdue!

Ce que livre le film aussi, précise la technique du peintre et le statut singulier de l’oeuvre dans son processus créatif: la Sainte-Anne apparaît telle une oeuvre en perpétuel chantier, de 1500 (début des dessins et des esquisses) à 1519 (décès du Maître), de son commencement (au même moment que la Joconde jusqu’à la mort du Maître en France); Leonardo invente, reprend, corrige, maquille, réinvente tout au long des années, livrant in fine, une oeuvre aux lectures multiples qui au fil des années, a connu une apparence diverse selon les idées du peintre; ainsi, la restauration qui a opéré un amincissement des vernis historiques, a dévoilé le dessin d’une première coiffe en tissu, recouvrant la chevelure d’Anne (ainsi coiffé comme une matrone).
De même, Leonardo dans un second état, a rajeuni les traits de la mère de la Vierge, rapprochant les deux visages comme s’il s’agissait d’un portrait et de son double (l’image idéalisée, fantasmée selon Freud qui s’est beaucoup penché sur la peinture, de la mère de Leonardo, mère biologique, mère adoptive: traits lisses sans rides, échappant aux marques du temps, d’une juvénilité éternelle, signe de la divinité et de la pureté d’âme; c’est là que le film se montre le plus passionnant car il y est précisément évoquée la technique finale du peintre: au cours du séchage de la matière picturale, Leonardo diluerait son dessin pictural en ajoutant un diluant afin de « fondre » les traits; d’où cet aspect estompé, l’absence de toute précision marquée dans les traits des visages; même si certains détails comme la ligne des sourcils ou certains détails des yeux sont nettement dessinés au pinceau fin… idem pour le dessin des feuilles de l’arbre présent à droite de la composition: la précision illusionniste du pinceau, -elle aussi dévoilée par la restauration-, est subjugante.

Le documentaire renseigne sur l’écriture du peintre au-delà de nos attentes, rendant davantage éngimatique et fascinante l’image finale.
Comment interpréter l’idée de faire assoir Marie sur les genoux de sa mère? Comment justifier ce paysage plus minéral que végétal? L’oxydation du vert d’origine utilisé pour le feuillage de l’arbre, virant au brun (et ce, de façon irréversible) renforce cet aspect de la composition. Où s’arrête précisément le contour de l’eau qui vient caresser les doigts de pieds de la mère de la Vierge au bas du tableau? Autant d’eau pourrait à juste titre symboliser le Baptême, son symbolisme central dans la religion chrétienne. Magistral donc incontournable. Attention, Arte diffuse le même jour, deux films complémentaires: la restauration de l’oeuvre puis l’examen des peintures de Leonardo au Louvre par un collège d’experts et de spécialistes de son style.

programme spécial Leonardo da Vinci

Dimanche 8 avril 2012
15h45: La restauration du siècle. Documentaire, 2012, 52 mn
16h40: La vie cachée des oeuvres: plusieurs spécialistes et experts de Leonardo étudient un choix de peintures originales signées par le peintre. Examen collégial.

Illustrations: Leonardo (portrait), Sainte-Anne et la Vierge (avant la restauration de 2012)
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