samedi 28 juin 2025

CRITIQUE, opéra. NANTES, le 25 juin 2025. Messe pour une planète fragile : Guillaume Hazebrouck, Antjie Krog, création mondiale. chœurs amateurs : Le Petit Chœur Nantais, Choeur des collèges, chœur de femmes, chœur d’Angers Nantes Opéra, Ensemble Frasques, Rémi Durupt / Guillaume Gatteau

A lire aussi

Après un premier projet du même type [Les Sauvages, 2021], réalisé par la même équipe artistique, Angers Nantes Opéra [ANO] qui a particulièrement bien relevé les défis des pratiques amateurs, propose une performance inventive, forte, à plusieurs titres exemplaires en associant professionnels et amateurs.

 

 

De quoi casser définitivement cette image élitiste et réservée du genre opéra et des théâtres lyriques : depuis qu’il en est le directeur, Alain Surans dont cette saison 2025-2026 est la dernière, a su renouveler l’activité et les actions d’une maison d’opéra. Centré sur la voix et les pratiques amateurs, aux côtés des productions opératiques proprement dites, les salles [de Nantes et Angers] sont devenues des lieux d’expérimentation ouverts où le citoyen peut participer et faire entendre sa voix. Les ateliers plébiscitées, « ça va mieux en chantant », le démontrent comme ce soir cette Messe oratorio réalisée en création mondiale. On peut penser que le spectacle présenté ce soir est une extension comme le prolongement des dits ateliers dont il partage le même principe : la pratique amateurs encadrée par les chanteurs professionnels du chœur d’ANO.

 

Ressources et performances
des chœurs amateurs

C’est même une remarquable production qui réussit ses principaux enjeux, pédagogique et intergénérationel, artistique et engagé. Impliquer ainsi 40 collégiens et aussi Le Petit chœur Nantais [constitué d’une vingtaine d’enfants de tous les quartiers de Nantes, âgés entre 8 et 16 ans], dans une production que porte un texte poétique aussi dénonciateur, violent, incisif… est le plus sûr moyen de sensibiliser les plus jeunes à l’expérience artistique ; même implication totale pour le 3ème chœur, le choeur des femmes du quartier de La Bottière à Nantes ; c’est un projet inclusif et participatif d’autant plus juste ici que le texte mis en musique constitue une alerte impérieuse pour sauver la planète,… et l’humanité puisque l’un et l’autre sont indissolublement liés. Outre l’engagement total des jeunes artistes et des musiciens professionnels, l’impact du spectacle découle du texte, raffiné, sensuel, cru signée de l’autrice africaner Antjie Krog [née en 1952].
Publié en 2020, le manifeste porte toutes les souffrances d’une planète et d’une humanité en souffrance, c’est une célébration de la fragilité de la planète comme la dénonciation de la barbarie que l’homme continue de perpétrer contre lui-même …
On se souviendra du tableau, digne d’un opéra, où le chœur frontal exprime avec force l’esprit de vengeance du Dies Irae, cependant que la femme noire, pythie hallucinée [Nayel Hoxo] abîmée dans la douleur, évoque des scènes d’horreur et de misère inimaginables … Comme l’air de la mezzo [Florencia Machado, artiste du chœur d’ANO] et sa bouleversante chanson qui sanctifie avec raison toute l’élégance de la themanda trianda, l’herbe rouille, emblématique des paysages d’Afrique et d’Australie.

Confrontés à des images aussi puissantes et tout à la fois poétiquement stimulantes, les jeunes interprètes auront été plus que tout autres sensibilisés à la destruction globale que l’homme opère sur la Nature et sur toutes les espèces sauvages, comme sur lui-même.

 

Sur scène où dans la salle, les enfants et pré adolescents participent activement à l’injonction à agir ; ils parlent, murmurent, crient, gémissent, chantent portés par le chœur d’Angers Nantes Opéra, pilier vocal de la création, exposé, acteur central des principales séquences [Dies Irae, Lacrimosa,…]
Cette Messe revêt la puissance d’un oratorio proposant des tableaux d’une exceptionnelle violence en associant solistes, chœurs multiples et fosse constamment percutante, souvent grave, bien rythmée grâce à la direction de Rémi Durupt dont le geste fédérateur, assure l’équilibre entre les masses chorales, entre les récits parlés et la partie instrumentale en fosse [les instrumentistes de l’ensemble Frasques] ;

Quelle planète allons-nous transmette aux générations futures ? La Messe souligne l’urgence à agir et concrètement dans la réalisation du spectacle, souligne l’extrême fragilité du vivant, l’impuissance des plus engagés. La mer de plastic, l’eau polluée, l’air vicié… Le texte rétablit ce lien viscéral entre la planète et l’humanité ; si la première s’effondre, l’autre suivra. Percutant dans le fond, risqué et innovant dans sa forme, le spectacle souligne avec éloquence, les bénéfices féconds que produit la rencontre entre amateurs et professionnels

 

 

__________________________________
CRITIQUE, opéra. NANTES, le 25 juin 2025. Messe pour une planète fragile : Guillaume Hazebrouck, Antjie Krog, création mondiale. chœurs amateurs : Le Petit Chœur Nantais, Choeur des collèges, chœur de femmes, chœur d’Angers Nantes Opéra, Ensemble Frasques, Rémi Durupt / Guillaume Gatteau.
Derniers articles

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img