Lisztéen de grande classe (il a fait paraître un ouvrage sur le compositeur hongrois comme écrivain en 2011), pédagogue recherché, le pianiste italien multi récompensé Michele Campanella élargit encore son champs de recherche dans ce nouvel opus. Adepte des lectures maîtrisées entre haute technicité et profondeur, sobriété et poésie, l’excellent pianiste retrouve pour le label Odradek, une partenaire particulièrement choisie avec laquelle il cultive des affinités créatives comme ce nouveau double album le démontre : Michele Campanella réalise en complicité avec Monica Leone (son épouse à la ville) tout un cycle de pièces pour piano à quatre mains de Schubert (1797 – 1828). Le corpus pianistique ainsi sélectionné est relativement peu exploré, pourtant d’une grande richesse poétique et expressive.
Les deux interprètes regroupent les pièces les plus significatives de l’écriture Schubertienne, dévoilant aussi l’évolution stylistique de la Fantaisie D9 de 1811… à la Fantaisie D940 de 1828 (année de sa mort). Un intervalle durant lequel l’imagination et la conception musicale de Schubert traverse de multiples jalons, alliant charme, gravité voire introspection vertigineuse. En dépit de la fugacité de son existence terrestre, Schubert laisse en héritage, un catalogue musical d’une vérité personnelle souvent bouleversante.
La vitalité du jeu à 4 mains (et 2 pianos pour les « 6 Grandes Marches » D819) souligne combien dans la diversité des caractères et des rythmes, l’œuvre de Schubert est plurielle mais d’une étonnante cohérence poétique.
Aux Variations sur un thème original D813 (1824) associant mélodies élégantes et motricité dansante, répondent les quatre Polonaises D599 et le Deutscher und Ländler D618 qui regorgent d’idées musicales entre bonhommie et insouciance…
Originellement écrite pour l’orgue, la fugue en mi mineur D952, transcrite à quatre mains, date également de 1828. Elle souligne la dernière manière d’un Schubert rattrapé par la maladie.
Au centre de l’approche, ample et très contrastée, avec ses reprises évolutives aux modulations d’une rare subtilité, la Fantaisie en fa mineur D940 est une pièce majeure qui exige imaginaire, fluidité, intensité. Grande finesse aussi dans la réalisation de chaque reprise… Les deux pianistes Michele Campanella et Monica Leone en expriment toute l’énergie de transformation et l’intériorité parfois douloureuse, jusqu’à sa conclusion tragique, où la reprise du motif musical conclut le cycle comme une ultime expérience intime et nostalgique. « C’est l’une des œuvres les plus importantes de 1828, année où Schubert atteignit les sommets de la musique », précise Michele Campanella. Le compositeur y délivre un message personnel, autobiographique, d’une sombre et impérieuse sincérité. Double cd événement. Michele Campanella et Monica Leone se produisent ensemble depuis de nombreuses années, dans un répertoire allant de Bach à Bartók. L’alchimie de leur duo pianistique se dévoile avec éclat dans ce nouveau programme discographique en 2 cd, réunissant donc 9 pièces et cycles parmi les plus personnels de Franz Schubert. Prochaine critique à venir sur CLASSIQUENEWS.COM