mercredi 7 mai 2025

Blagnac. Odyssud, les 10 et 11 décembre 2011. Le Carnaval Baroque. Conception et direction artistique : Vincent Dumestre ; mise en scène et chorégraphie : Cécile Roussat

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Le rêve n’a pas besoin de gros moyens pour fonctionner. Vincent Dumestre et Cécile Roussat ont su créer un spectacle total, raptant le public tant du quotidien que du sérieux sclérosé du monde adulte. De nombreux rires lâchés et dépassant le simple exercice social, des applaudissements couvrant la musique, des battements de mains spontanés, une standing ovation le premier soir, prouvent la puissance de ce spectacle qui se sert de moyens extrêmement simples pour créer un monde onirique d’une grande richesse. Pendant le Carnaval tout, ou presque était permis dans cette Rome pudibonde, dominée par les Papes qui interdisaient la scène aux femmes. Dès les premiers instants du spectacle, une voix a capella sort du noir. L’oeil du spectateur s’habitue et s’aiguise alors que l’oreille se tend. D’autres voix rejoignent la première et une procession, un à un, fait apparaître des hommes encapuchonnés portant une bougie. C’est l’hiver, la neige tombe. On enterre ce qui a fait soucis et les pulsions de la vie peuvent s’inviter. L’oeil et l’oreille seront à la fête. Les musiciens sur un praticable à gauche et dans une belle lumière dorée, nous régalent de leurs timbres harmonieux. Les 2 valets Arlequins, donnent le ton, léger et surprenant, et les chanteurs arrivent richement costumés. Il sera, dans des textes truculents, question de bien manger et bien boire. Il est logique que le mouvement, et dans les trois dimensions, fasse son apparition. Tout va ensuite s’enchaîner avec habileté et virtuosité pour faire passer à chacun un moment inoubliable. Tous les arts de la scène vont se mêler. Magie, danse, musique, théâtre, chant, mime, agrès, sauts, portés, jonglage. Tous les artistes sont merveilleux d’engagement et de respect du travail de l’autre. On ne sait que retenir mais il est certain que chacun aura sa perle et son trésor dans son cœur au sortir de ce voyage ayant duré une belle heure. Les voix sont superbes et les instrumentistes si virtuoses que leur aisance est totale. Vincent Dumestre joue de nombreux instruments et ne dirige que très peu, mais son attention à chaque acrobate assure la cohésion du spectacle. Les jeunes athlètes sont avant tout danseurs tant le travail de Cécile Roussat est exigeant. Moments rares de force herculéenne, de souplesse digne des singes les plus taquins, jeux de scène comique de la commedia dell’arte, poses mélancoliques, … etc. Le chant si sensuel de Hugues Primart apporte la poésie de la nuit avec une scène de sommeil enivrante. Cette vision si sensible est un sommet d’émotion.

Carnaval Baroque: un sommet de poésie

Mais la violence des rapports humains que le Carnaval révèle est très présente aussi, dans des rixes esthétiques réglées comme un ballet, des meurtres empathiques, ou des chutes le long de la barre et de la corde. Cette utilisation des trois dimensions de la scène, la parfaite adéquation des mouvements avec la musique, tous concours à une unité qui loin de superposer les arts et les émotions les relie en un tout cohérent. Avec des bougies, un bout de corde, des cageots, tout un monde est créé comme du temps de l’enfance, en sa noblesse inaliénable, lorsque l’émerveillement était possible de tous petits riens. Ce spectacle unique est baroque et dix septièmiste, mais surtout intemporel en sa force de persuasion décuplée. À Carnaval tout est permis, même à l’Homme stréssé et si imbu de son sérieux du XXI° siècle, de retrouver le plaisir de rire y compris de lui-même. Que du bonheur en deux soirées, qui ont passé bien trop vite ! Merci à tous ces merveilleux artistes d’horizons si divers, de mettre le meilleur de leur art au service d’un projet si généreux. La mise en scène de Cécile Roussat est un modèle d’intelligence, de sensibilité et d’humour. Les choix musicaux de Vincent Dumestre sont parfaits, et c’est grand plaisir de retrouver des extraits de son enregistrement de l’inénarrable Il Fasolo. Ce spectacle a 5 ans et compte cinquante représentations. Sa maturité ne diminue pas son enthousiasme, les nouveaux acrobates sont parfaitement intégrés, tant l’esprit de troupe, un peu la marque de fabrique du Poème Harmonique, règne partout. Un spectacle à guetter et à partager avec tous ceux que vous aimez, enfants et amis !

Blagnac. Odyssud. 10 et 11 décembre 2011. Le Carnaval Baroque. Conception et direction artistique : Vincent Dumestre ; Mise en scène et chorégraphie : Cécile Roussat ; Costumes : Chantal Rousseau ; Scénographie : François Destors ; Eclairage : Christophe Naillet ; Maquillage : Julie Coffinières ; Alto : Bruno Le Levreur ; Ténors : Serge Goubioud et Hugues Primard ; Basse : Emmanuel Vistorky ; Mimes, acrobates, guitares : Stefano Amori et Julien Lubek ; Acrobates : Ahmed Saïd, Olivier Landre, Quentin Bancal, Antoine Hélou, Rocco Le Flem ; Musiques de Maletti, Il Fasolo, Kapsberger, Monteverdi ; Musiciens du Poème Harmonique ; Direction : Vincent Dumestre.

Illustration: © Ch.Ganet

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