La Belle Epoque de Massenet
En couverture, le visuel créé pour la création de l’opéra de tous les défis pour Massenet: Esclarmonde (voir page 101 du présent ouvrage), présenté triomphalement en 1889 à l’Opéra-Comique, avec la nouvelle muse du compositeur, la soprano américaine Sibyl Sanderson qui en chantant le rôle de la magicienne Esclarmonde inaugure une galerie d’héroïnes lyriques d’un nouveau type, si spécifique à l’écriture de Massenet, et qui s’enrichit après Esclarmonde, de figures telles Thaïs puis Manon. Rien que cela. On l’aura compris: le catalogue de l’actuelle exposition présentée sous le même titre au Palais Garnier: « La belle époque de Massenet » éclaire bien des pans d’une carrière qui souffre encore de préjugés, d’images abusives ou réductrices… Massenet, sucré et minaudant, parfait « salonard », c’est à dire en rien un génie… gagne après lecture de la publication une image nouvelle qui vient à propos pour le centenaire de sa naissance en 2012.
En liaison avec le choix des objets et documents exposés, une riche iconographie (photographies des chanteurs créateurs, accessoires de scène, documents d’archives…) restitue par l’image ce contexte humain, social, artistique qui attestent tous à leur mesure du phénomène Massenet de son vivant: un géant de la scène lyrique, particulièrement joué à Paris, à l’Opéra et à l’Opéra-Comique. C’est aussi un travailleur acharné, mondain quand il faut, jouant de son réseau pour faire créer ses ouvrages et maintenir toujours son nom sur les affiches des théâtres d’opéra, de Paris à Monte Carlo… entre autres.
De leurs côtés, les textes reprécisent la carrière de Massenet dans son époque, son apprentissage musical, ses admirations (Thomas, Reyer), surtout, un par un, présentent chacun des opéras du compositeur; même son incursion fugitive dans le genre purement instrumental est évoqué. C’est surtout la conception théâtrale et l’intelligence dramatique de Massenet qui est magistralement dévoilée, comme l’exploration de l’idéal féminin qui parcourt tout l’oeuvre; à ce titre les nombreuses photographies des chanteuses créatrices des grandes héroïnes de Massenet retiennent l’attention: Mary Garden (Thaïs), Marie Heilbronn (Manon), Sibyl Sanderson (Esclarmonde), Marie Delma (Charlotte), Emma Calvé (La Navarraise), Jeanne Campredon (Junia dans Roma, Opéra de Paris, 1912)… Les auteurs identifient également, et de façon passionnante, les traces du compositeur jusque dans la littérature contemporaine en particulier chez Marcel Proust… résonances et correspondances riches là encore en découvertes majeures sur une époque où les auteurs de tous genres entretenaient des rapports féconds. C’est aussi le Massenet scénographe qui n’hésite pas à annoter la mise en scène de Werther (Opéra Comique, 1893) en musicien soucieux de vraisemblance dans le jeu des chanteurs acteurs…
Ainsi vous l’aurez compris, en couverture, c’est l’une des plus délirantes inventions de Massenet, Esclarmonde (emblème d’un wagnérisme à la française) qui scrute l’éternité et attend avec raison, ce qu’apporte le présent catalogue, complété par l’exposition à voir absolument, la réhabilitation/réestimation tant attendue du génial Jules Massenet. Lecture incontournable.
La Belle Epoque de Massenet. Catalogue de l’exposition présentée au Palais Garnier à Paris, Bibliothèque Musée de l’Opéra, du 14 décembre au 13 mai 2011. Editions Gourcuff Gradenigo, 240 pages. 39 euros. ISBN: 9 782353 401185