mardi 6 mai 2025

Poitiers. Cinéma « le Castille », le 28 septembre 2011. En direct du Royal Opera House de Londres. Gounod : Faust. Vittorio Grigolo (Faust); Angela Gheorghiu (Marguerite)… Evelino Pido, direction, David Mc Vicar, mise en scène

A lire aussi
Quand Faust embrase le Covent Garden

Le 28 septembre le cinéma CGR « Castille » de Poitiers accueille la retransmission du Faust de Charles Gounod (1818-1893) en direct du Covent Garden de Londres. Le public pictavien a donc pu apprécier sans modération une représentation dynamique grâce à la très belle mise en scène de David MacVicar et à une distribution en grande forme; et pour cette reprise, c’est une mezzo qui a été choisie pour chanter le rôle de Siébel (il peut arriver que ce rôle soit distribué à un ténor comme aux chorégies d’Orange en 2008). Si pour l’occasion le directeur artistique du Royal Opera House a réuni un plateau exceptionnel, dommage que le chef Evelino Pido est au mieux correct dans les trois premiers actes ; ou, sa direction, trop inégale en seconde partie.
Compte rendu par notre envoyée spéciale Hélène Biard


Mise en scène ébouriffante

David McVicar met en scène cette production londonienne, qui se déroule en même temps que le Faust parisien (mis en scène par Jean Louis Martinoty) donné actuellement à l’Opéra Bastille, a transposé avec bonheur l’action à l’époque de la guerre franco-prussienne de 1870. D’autre part se servir du pacte entre Faust et le diable comme fil rouge est une idée d’autant plus judicieuse qu’elle est utilisée en pointillés tant par les costumes (le jeune Faust qui fait une apparition déguisé en diable au second acte par exemple) que par des éléments de décors hilarants (l’enseigne « cabaret l’Enfer » au troisième acte qui devient le lieu de la première rencontre de Faust et de Marguerite). Si l’utilisation du corps de ballet, notamment dans le cinquième acte pour le sabbat et pour la suite de Méphisto est une excellente idée, qu’a à faire ici … l’étrange accoutrement du diable, habillé en femme, pendant toute la première partie du cinquième acte (scène de Walpurgis et sabbat)?
Malgré ce détail, la mise en scène de Mc Vicar, agrémentée de costumes magnifiques et de décors somptueux, parfois surprenants, fonctionne parfaitement d’autant qu’elle foisonne d’idées impulsant une dynamique remarquablement servie par une distribution qui joue parfaitement le jeu et entraine du même coup le public dans un monde qu’il ne s’attendait certainement pas à (re)visiter.


Plateau vocal au top

Pour cette reprise de Faust, la première présentation de la production de David Mc Vicar date de 2004, le directeur artistique du Royal Opera House a réuni une distribution remarquable qui prend un réel plaisir à se trouver sur scène. Vittorio Grigolo campe un Faust tout à fait honorable; la diction n’est pas toujours parfaite, le registre grave est parfois écrasé ; la voix est quelque peu forçée dans les aigus mais nous apprécions néanmoins la volonté du ténor de bien faire et de faire passer son personnage par une large palette de sentiments et d’émotions sans verser à aucun moment dans l’excès. On ne peut pas reprocher au jeune ténor italien un investissement scénique total surtout quand on le voit entrer dans la peau de son personnage avec un bonheur évident qui fait plaisir à voir; à noter qu’au moment des saluts Grigolo déjà très applaudi a provoqué une salve d’acclamations en arborant un t-shirt avec un « I love London » imprimé en gras dans le dos…

Angela Gheorghiu incarne une Marguerite irréprochable même si la soprano roumaine a parfois tendance à surjouer; quel dommage que Marguerite soit privée de tout le début du quatrième acte et notament de son aria « Il ne revient pas » dans lequel Gheorghiu eût fait merveille après le très bel air des bijoux du troisième acte. C’est aussi « La Gheorghiu » qui assure la présentation de la soirée au public des 450 salles de cinéma dans lesquelles Faust était retransmis; et elle le fait avec beaucoup de simplicité dans un anglais d’une limpidité exemplaire. René Pape campe un Méphistophélès impeccable tant vocalement que scéniquement ; pourquoi alors la sérénade du quatrième acte est-elle prise avec un tempo aussi lent? La diction est quasi parfaite ce qui est d’autant plus remarquable que la basse allemande ne parle pas un mot de français.

Néanmoins nous aurions peut-être pu espérer que certaines des entrées du diable soient un peu plus fracassantes, à commencer par l’apparition de Méphisto dans le cabinet du vieux Faust; et quelle étrange idée donc d’habiller le démon en femme dans toute la scène de Walpurgis… Ce détail semble d’autant plus saugrenu que, une fois que le ballet est lancé, Faust et Méphisto sont en retrait jusqu’à l’apparition de Marguerite qui attend la mort dans sa prison. Dans la distribution des rôles secondaires, Dmitri Hvorostovsky est un Valentin de luxe et même si certains mots ou expressions sont parfois écorchés, son léger accent ne manque pas de charme; l’apparition de Valentin dans le ballet du sabbat est un épisode qui ne manque pas de piquant et qui nous permet aussi d’apprécier le talent d’acteur du baryton russe.

La mezzo canadienne Michèle Losier qui chante Siébel est la révélation de la soirée; la voix est jeune, fraîche et prometteuse donnant au jeune et fidèle ami de Marguerite un aspect juvénile qui lui va plutôt bien. La jeune femme pourrait bien devenir l’une des grandes voix de sa génération si elle gère sa carrière avec sagesse. Daniel Grice (Wagner) et Carole Wilson (dame Marthe Schwertlein) complètent avec bonheur un plateau vocal dans l’ensemble excellent malgré quelques imperfections ici et la notamment en ce qui concerne la diction. Le choeur du Royal Opera House remarquablement préparé par son chef donne de très belles choses à voir et à entendre pendant toute la soirée. Si la diction est parfois perfectible, les choristes font un travail préparatoire remarquable faisant honneur à l’oeuvre de Gounod. Quant au corps de ballet, même si sa principale intervention se situe dans le sabbat du dernier acte qui est magistralement dansé, il s’intègre parfaitement au spectacle tel que l’a conçu Mc Vicar. Imaginer de donner une suite à Méphisto, afin de souligner son pouvoir malfaisant s’avère être une excellente idée.


Direction en manque de souffle

Dans la fosse, Evelino Pido qui dirige l’orchestre du Royal Opera House a eu la malheureuse idée de faire passer à la trappe tout le début du quatrième acte privant ainsi le public du second air de Marguerite « Il ne revient pas », du dialogue de la jeune fille avec le fidèle Siébel et du début de la scène de l’église. Si les trois premiers actes sont dirigés de façon honorable, les deux derniers sont plus inégaux; nous notons aussi que le tempo trop lent de la sérénade n’aide vraiment pas René Pape qui du coup ne semble plus à son aise. Sur l’ensemble de la soirée la direction est au mieux correcte et même si le chef italien connaît bien son sujet, cette fâcheuse tendance à couper parfois plusieurs scènes ou mélodies s’avère nuisible à la compréhension de l’oeuvre, encore que Faust, qui fait partie des opéras majeurs du répertoire romantique français, soit assez facilement compréhensible par les néophytes.

Dans l’ensemble, ce Faust est grandement réussi grâce à un plateau vocal exceptionnel qui prend à son compte, et sans aucun effort une mise en scène vivante, convaincante toujours, parfois hilarante. Peut-être un chef, plus dynamique et une partition plus complète, auraient-ils donné le petit plus qui manquait à la soirée … pourtant d’une qualité déjà exceptionnelle. Reste à attendre une éventuelle sortie en dvd pour ceux qui ne verront pas les dernières représentations. Chez Opus Arte? A surveiller…
Emi a déjà édité le dvd de la création de la production avec Gheorghiu déjà, mais aussi Alagna, Terfel et Koch sous la direction de Pappano (2004)

Poitiers. Cinéma « le Castille », le 28 septembre 2011. En direct du Royal Opera House de Londres. Charles Gounod (1818-1893) : Faust. avecVittorio Grigolo (Faust); Angela Gheorghiu (Marguerite); René pape (Méphistophélès); Dmitri Hvorostovsky (Valentin); Michèle Losier (Siébel); Daniel Grice (Wagner); Carole Wilson (dame Marthe Schwertlein); choeur et orchestre du Royal Opera House; Evelino Pido (direction). David Mc Vicar (mise en scène); Brigitte Reiffenstuel (costumes); Charles Edwards (décors)

Derniers articles

ONPL ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE. MAHLER : Symphonie n°1 « TITAN ». NANTES, le 4 puis ANGERS, le 5 juin 2025. KORNGOLD :...

Pour ce concert symphonique spectaculaire, l’ONPL ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE invite le violoniste Blake Pouliot pour...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img