Puissant athlète
Le prélude et fugue du rare Taneyev tient de l’exercice de style. Les moyens techniques, requis par celui qui fut le professeur de Scriabine, sont inouïs. David Kadouch arrive au terme de sa partie épuisé, mais heureux : il est sorti vainqueur du labyrinthe en tuant le monstre de la technique par KO. Démonstration réussie pour le jeune virtuose.
En deuxième partie la magnifique partition de Moussorgski, Les tableaux d’une exposition, va sous ces doigts audacieux, sonner magnifique et puissante. Même la promenade devient une attaque impérieuse. Toute la partition ne souffrira pas autant du combat mené par David Kadouche. La richesse mélodique, harmonique et rythmique de cet enchaînement de pièces variées, très habiles, brille de milles feux. Les histoires sont lointaines et partout le beau piano, techniquement impeccable est mis en valeur. Point de chant mélancolique dans il vecchio castello, point d’humour dans les poussins, ni de fraîcheur dans les Tuileries, rien de fantastique dans Gnomus, ni de terreur dans les catacombes… partout du grand piano !
La Grande porte de Kiev verra le triomphe de l’instrument Roi promu au rang d’orchestre symphonique. La construction est parfaite, les plans tous présents, les effets puissants tous réalisés. Beau technicien, David Kadouch, rassuré sur ce point, gagnerai l’assentiment d’une partie du public en recherchant la délicatesse de toucher de certains de ses maîtres comme Perraia, Pollini ou Barenboim, leurs subtiles nuances et leur capacité à faire oublier parfois que l’instrument est de percussion. Cette ivresse de jeunesse est celle d’un grand virtuose fier de ses moyens (à juste titre). La musique dans sa complexité demande autre chose, une vision et une capacité d’évocation poétique ce soir absentes.
Toulouse. Cloître des Jacobins. 22 septembre 2011. Frantz Liszt Liszt (1811-1886) : Variations sur Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen, S.179 ; Claude Debussy (1862-1918) : Préludes extraits ; Serge Taneyev ( 1856-1915) : Prélude et Fugue en sol dièse mineur, op.29 ; Modest Moussorgski ( 1839-1881) : Les Tableaux d’une exposition. David Kadouch, piano.