mardi 6 mai 2025

Sanxay. Théâtre antique, le 12 août 2011. Bizet: Carmen. Avec Géraldine Chauvet (Carmen), Thiago Arancam (Don José), Asmik Grigorian (Micaela). Didier Lucchesi, direction. Jack Gervais, mise en scène

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Quand Carmen s’invite à Sanxay. Pour sa douzième édition les « soirées lyriques » de Sanxay, petite bourgade de la Vienne située à une trentaine de kilomètres de Poitiers, accueille Carmen le célébrissime opéra romantique français composé entre 1873 et 1875 par Georges Bizet (1838-1875) sur un livret de Ludovic Halévy et Henri Meilhac d’après la nouvelle éponyme de Prosper Mérimée. Créé le 3 Mars 1875 à l’Opéra Comique, Carmen reçut un accueil catastrophique tant de la part du public que de la critique et ne trouva que fort peu de défenseurs. C’est l’un d’eux qui annonça sans sourciller et avec quelques jours d’avance l’incroyable triomphe planétaire de la bohémienne que Bizet ne devait cependant jamais complètement voir ni savourer : le compositeur russe Piotr Illitch Tchaïkovsky séduit par la musique de l’ardente et insolente bohémienne prit fait et cause pour son collègue; aujourd’hui encore les airs de Carmen, Don José et Escamillo sont fredonnés partout dans le monde. Déjà programmée à Sanxay en 2001, Carmen fait peau neuve pour son retour aux soirées lyriques de Sanxay : nouvelle mise en scène, nouveaux costumes, nouveaux décors et nouvelle distribution. Les responsables du festival ont réussi leur pari : attirer un public nombreux sur chacune des quatre soirées et même si la production n’est pas parfaite, l’ensemble ne manque pas d’arguments, à regarder et à écouter.

Une mise en scène un peu trop sage
Jack Gervais qui est en charge de la mise en scène et des lumières de cette nouvelle production donne certe une vision sympathique de l’oeuvre; néanmoins il est visiblement peu inspiré par le premier acte qui ne décolle jamais vraiment. C’est à partir du deuxième acte que nous entrons enfin dans le vif du sujet; si les quelques pas de flamenco qui ouvrent la seconde partie sont agréables à regarder, revoir les danseurs au début du troisième et du quatrième actes nous a semblé superflu même si nous ne remettons pas en cause le talent de la troupe invitée pour l’occasion. L’arrivée de Micaela montée sur un âne au campement des contrebandiers est certes une bonne idée mais peut-être l’animal aurait il mérité de monter sur la rampe un bref moment pour prendre sa part des applaudissements. Au dernier acte l’arrivée de certains protagonistes montés à cheval est également une idée intéressante, mais rendus nerveux par la musique est les applaudissements du public, les chevaux avaient quelque peine à rester en place manifestant ouvertement leur impatience par des tentatives de retraite toutes avortées par les cavaliers. Si le décor unique en forme d’arène permet grâce à quelques éléments mobiles de se retrouver sur une place de village, dans une taverne ou dans la montagne, seul le fond de scène rappelle sans ambiguité l’Espagne arabo-andalouse. Nous aurions cependant apprécié que le dernier acte soit un tantinet plus vivant : la fête qui accompagne les courses de Séville est figée et peu attirante; même si le public sait déjà comment l’opéra va se terminer, nous aurions aimé voir un peu plus de mouvement qu’il n’y en avait. Dans cette production il y avait donc beaucoup d’idées tout juste esquissées et qui auraient grandement mérité d’être développées.

Quand la jeunesse cotoie l’expérience
Christophe Blugeon, le directeur artistique des soirées lyriques fait ici confiance à de jeunes artistes dont les voix vaillantes et fraiches donnent aux personnages qu’ils incarnent une image à la fois juvénile et pleine d’espoir. Ainsi la toute jeune soprano lithuanienne Asmik Grigorian, qui fait pour l’occasion ses débuts en France, incarne une prometteuse Micaela; si la diction est loin d’être parfaite et le premier acte laborieux elle réussit notamment son air du troisième acte « C’est des contrebandiers le refuge ordinaire… Je dis que rien ne m’épouvante ». Le brésilien Thiago Arancam qui campe Don José entamme la soirée un peu en retrait, puis connait aussi quelques soucis avec le français même si globalement il reste compréhensible; vocalement, Arancam est un José solide même s’il ne peut éviter quelques fausses notes dans le duo avec Micaela au premier acte, il nous donne cependant à entendre un très beau « La fleur que tu m’avais jetée ». Géraldine Chauvet qui chante le rôle-titre incarne une Carmen mordante et insolente; la mezzo française éprouve les facettes du rôle depuis un petit moment tant en France qu’à l’étranger : elle donne le ton de la soirée même si le premier acte est d’une lenteur souvent gênante pour tous les chanteurs; la habanera et la séguedille, entre autres, sont chantées avec intelligence et justesse. La jeune basse Alexander Vinogradov compose un Escamillo, vocalement irréprochable mais quelle diction aléatoire, nombre de syllabes sont avalées, et même si « Votre toast, je peux vous le rendre » fait partie des tubes, la mélodie n’en perd pas moins une petite partie de son charme.
Pour les rôles secondaires nous retrouvons des artistes de grande valeur qui contribuent par leur habitude de la scène à donner à la soirée de très beaux moments de théâtre et de musique; saluons les très belles performances de Philippe Duminy et de Jean Marie Delpas, Dancaïre et Zuniga de luxe, mais aussi de Florian Sempey, Moralès très prometteur, de Sarah Vaysset (Frasquita), Aline Martin (Mercedès) et de Paul Rosner qui mériterait mieux qu’un rôle aussi court que le Remendado. Le choeur des soirées lyriques bien préparé par son chef Stefano Visconti fait honneur à cette Carmen dont la distribution est globalement excellente malgré quelques imperfections.

Un orchestre honnête sans plus
Didier Lucchesi dirige l’orchestre des soirées lyriques avec intelligence mais à certains moments il donne l’impression de venir au pupitre sans réelle motivation: du coup la musique de Carmen ne sonne pas comme elle aurait dû le faire. La musique de Bizet exige plus de dynamisme surtout après le passage des danseurs de flamenco qui se produisaient a capella.
Cette nouvelle production de Carmen est certes agréable à écouter avec sur scène une distribution rassemblant jeunes chanteurs prometteurs et artistes confirmés. Si la mise en scène aurait mérité d’être plus fouillée, moins pesante au premier acte et moins figée au dernier acte, le spectacle global a le mérite de souligner le tempérament encore perfectible d’authentiques acteurs chanteurs.

Sanxay. Théâtre antique, le 12 Août 2011. Carmen opéra en quatre actes de Georges Bizet (1838 1875) sur un livret de Ludovic Halévyet Henri Meilhac. Avec GéGeorges Bizet (1838 1875), Géraldine Chauvet (Carmen), Thiago Arancam (Don José), Asmik Grigorian (Mickaela), Alexander Vinokourov (Escamillo), Jean Marie Delpas (Zuniga), Philippe Duminy (Dancaïre), Paul Rosner (le Remendado), Florian Sempey (Moralès), Sarah Vaysset (Frasquita), Aline Martin (Mercédès). Choeur et orchestre des Soirées Lyriques de Sanxay; Didier Lucchesi, direction. Jack Gervais, mise en scène et éclairages; Jean Marc Druais, décors.

Compte rendu de Carm
en de Bizet. Par notre envoyée spéciale, Hélène Biard
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