lundi 12 mai 2025

Franck, Schumann: QuintettesEnsemble Syntonia, 2006 (1 cd Loreley)

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Franck au sommet

Le Quintette de Schumann fait des émules et inspirent toute une lignée de compositeurs romantiques marqués par l’idéal Schumannien: de Spohr à Borodine et Rubinstein sans omettre Brahms, le fils spirituel en Allemagne,
et en France; Saint-Saëns Castillon, surtout César Franck revendiquent en l’assumant l’influence de Schumann.
La partition de Franck est d’autant plus essentielle que l’oeuvre devient manifeste du renouveau de la musique de chambre en France, inspirant à son tour Fauré, Hahn, Schmitt, Koechlin, mais aussi Pierné et Vierne.
Supposé exprimer la passion de Franck pour son élève Augusta Holmès, le Quintette de Franck est en réalité composé dès 1878 pour participer à un concours favorisant sa renommée et sa possible entrée au Conservatoire.
Profonde et passionnelle, la partition fait la démonstration du génie franckiste dans sa plus pure expression: Lisztienne dans bien des aspects, et même radical voire exacerbée, trop assurément au regard de Saint-Saëns le
dédicataire, guère convaincu par de tels transports, jugés hors sujets dans une forme chambriste. L’élan, le souffle, le dramatisme débordent le cadre et avec quel génie quand les interprètes savent en souligner les multiples facettes. Le Schumann est d’une eau lumineuse et impétueuse à la fois. Notre coup de coeur s’établit surtout sur le Quintette de Franck, sauvagement et subtilement abordé en une lecture prenante du début à la fin…

Dès le Molto moderato quasi lento: l’énoncé est idéalement âpre; les frottements amers y dessinent l’inéluctable d’un accablement tragique (réexposition du premier thème…). Le sentiment est toujours juste, la tension continue, les accents fouettés près à rugir: c’est une superbe réalisation qui montre combien le propos de Franck interroge le cadre et la forme; exalté par son sujet, le compositeur semble ouvrir de nouvelles perspectives pour la formation chambriste. Et déterminés, francs voire incisifs, les instrumentistes réalisent un superbe numéro d’équilibristes, sachant souligner dans le flux, les éclats harmoniques qui surprennent; les pauses distanciées plus évanescentes; chacun en accord avec l’autre, assurent flexibilité et versatilité… Assurant la continuité des humeurs affleurantes, Syntonia atteint une souplesse permanente qui forme cette houle organique, tempête et murmure, propre au Franck défricheur, explorateur, habité par la rage de chercher et de trouver… Pour réinventer cette versatilité française qui égale les plus grands germaniques: Schumann et Brahms.
Puis, dans le Lento con molto sentimento, après la houle qui tempête comme une irrépressible déclaration, place à l’énigmatique; un climat suspendu où l’étrange vaporeux le cède à la pure rêverie… où ce flottement de l’indéterminé n’empêche cependant pas le dévoilement en filigrane d’un certain caractère endeuillé, poison d’une nostalgie agitée, et peu à peu dévorante. Le changement à 6’50 est superbement négocié: renversement dans une quête de plus en plus angoissée marquée par l’accomplissement de l’inéluctable. Rien n’est résolu…
L’Allegro non troppo, ma con fuoco marque le point ultime d’une nouvelle hypersensibilité: frétillements d’insectes qui restituent au mouvement son activité organique… Traversée, nocturne avec ses éclairs, course de plus en plus prenante et lumineuse abandonnant progressivement sa densité: les musiciens même dans les tutti atteignent une transparence qui colorent différemment chaque réexposition des thèmes: plutôt métamorphoses que répétitions récapitulatives, chaque réitération d’un motif signifie l’avancée de ce qui est à l’œuvre. On apprécie d’ un bout à l’autre ce geste onctueux, ciselé et d’une articulation magistrale des Syntonia, souverains et habités jusque dans les deux derniers tutti conclusifs: deux accents de triomphe d’un Franck au zénith de son inspiration. Disque majeur. Sa réédition en 2011 est donc des plus recommandée.

Robert Schumann (1810-1856): Quintette avec piano en mi b Majeur op.44. César Franck (1822-1890): Quintette avec piano en fa mineur. Ensemble Syntonia. Pascal Oddon et Thibault Noally, violons. Anne-Aurore Anstett, alto. Patrick Langot, violoncelle. Romain David, piano. Enregistré du 7 au 11 août 2006 à l’église réformée de Beaulieu sur Mer

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