mardi 6 mai 2025

Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 mars 2011. Grieg, Elgar, Franck : Sonates pour violon et piano ; Vadim Repin, violon ; Nikolaï Lugansky, piano.

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Ce soir ce n’est pas un grand orchestre ou une grande voix qui vient séduire les spectateurs des Grands Interprètes à Toulouse mais la fine fleur des instrumentistes solistes, associés pour le meilleur de la fragile musique de chambre. C’est l’un des mystères de la vaste salle de la Halle-aux-Grains que de permettre une écoute si fine de sons infimes comme de grands élans symphoniques. Vadim Repin est un des plus grands violonistes du moment et Nikolaï Luganski ne lui cède en rien en notoriété dans la cour des meilleurs pianistes. L’association de leurs talents et surtout de leur écoute musicale fait de leur duo une vraie paire de délicats chambristes loin de toute tentative hégémonique people. Il ne s’agit pas d’une somme de valeurs ajoutées mais bien d’une création musicale nouvelle. Ce n’est pas la grandeur de leur art qui séduit le plus mais une belle complicité produisant un confort musical rare. Placé de manière à se voir difficilement c’est leur écoute qui fait fonctionner leur duo. Le programme est original et exigeant car toutes les œuvres ne sont pas de la même hauteur. La sonate de Grieg joue d’avantage sur opposition et complémentarité que la fusion des timbres. Leur interprétation est respectueuse et tenue, sans excès de romantisme ou de lyrisme. Les éléments nationaux qui utilisent des danses norvégiennes anciennes ne sont pas trop mis en avant, pas plus que l’aspect dansé. Interprétation avant tout musicale, permettant cette écoute alternative des instruments traités en parfaite égalité à tour de rôle. La concentration des deux musiciens est également source de maîtrise sans la liberté que l’avenir du concert va leur apporter. Cette sonate assez aimée des instrumentistes a bénéficié d’une interprétation avant tout respectueuse et sage.


Luganski et Repin,
chambristes admirables

La sonate d’Elgar est bien plus rare, et même assez peu connue. Musicien plutôt officiel, la sonate pour violon et piano résulte d’un goût personnel du compositeur en fin de vie créatrice et ne relève pas d’une commande officielle. Marqué par la Première guerre mondiale et lui-même convalescent suite à une opération, le compositeur produit une partition assez personnelle par la tonalité angoissée de la mineur et les moments plus inquiets que rayonnants. Lui-même violoniste il est clair que l’instrument à cordes frottées est favorisé en ce qui concerne les mélodies et que l’écriture semble couler de source. Mais là non plus il n’y a jamais de fusion entre les deux instruments et alternance et équilibre dominent les interventions de chacun. Le post-romantisme sombre des mouvements extrêmes sans être séduisant n’est pas sans charmes. C’est toutefois le mouvement central, fantomatique qui permet les élans les plus émouvants. Nos deux interprètes sont plus engagés et s’offrent d’avantage d’abandon et d’élans dans cette rare sonate au goût un peu suranné.

Après l’entracte il faut admettre que la sonate de César Franck offre enfin cette fusion de timbres et d’âme que seules les plus belles sonates savent trouver. Cette œuvre savante et très construite, garde une composition cyclique mais a aussi une grande capacité à renouveler le genre de la sonate. Admirable partition qui pourrait bien être la « Sonate de Vinteuil » qui toucha Swann sous la plume de Proust. La profondeur de l’inspiration égale l’admirable construction. Enfin les qualités suprêmes des interprètes sont utilisées pour notre plus grand bonheur. Très engagés et prenant de nombreux risques Vadim Repin ose des nuances et des couleurs extrêmes. Nikolaï Luganski chante et vibre admirablement, dominant toutes les exigences de la partition. La virtuosité purement pianistique est sublimée au profit d’une émotion palpable. L’inspiration de cette sonate, la qualité de l’interprétation se rencontrent au sommet de l’art.
Le parti pris de ces deux interprètes qui osent confronter des compositeurs si divers est intéressant car l’ordre dans lequel les œuvres sont proposées permet de les apprécier toutes trois, mais il est certain que la Sonate de Franck est d’une autre hauteur.
Cette deuxième partie de concert transporte le public qui obtient deux bis permettant au violoniste de briller de mille feux, convoquant la danse chez Brahms (danse hongroise) et Bartok (danses roumaines).
Vadim Repin est ainsi ovationné et fêté comme un dieu du violon et Lugansky, amical et souriant, lui offre un soutien royal. Quand deux artistes de cette trempe s’engagent à ce niveau, le résultat est superbe.

Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 mars 2011. Edvard Grieg (1843-1907) : Sonate pour violon et piano n°2 en sol majeur, op.13 ; Edward Elgar (1857-1934) : Sonate pour violon et piano en mi mineur, op.82 ; César Franck (1822-1890) : Sonate pour violon et piano en la majeur ; Vadim Repin, violon ; Nikolaï Lugansky, piano.

Illustration : Harald Hoffmann

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