mercredi 7 mai 2025

Puteaux (92). Rencontres musicales, le 13 décembre 2010. Récital de June Anderson, soprano. Jeff Cohen, piano. L’art du bel canto.

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Diva bellinienne
Premier concert du 3è festival Les Rencontres Musicales à Puteaux, sous le signe du beau chant, celui encore si riche et si subtile de la soprano américaine June Anderson (première chanteuse non italienne à remporter le Prix Bellini d’Oro). Accompagnée par son compatriote Jeff Cohen, la diva adulée dès les années 1980, reine des pianissimi et des passages en douceur, qui sait colorer et nuancer en particulier dans Rossini et Bellini, a donné une leçon de bel canto marquante par sa musicalité souveraine, son port aristocratique (dans une robe aux reflets bronze, signée Maurizio Galante), cette élégance propre aux cantatrices exaucées et comblées qui ont atteint les sommets lyriques, une distinction qui lui permet de rejoindre le club très fermé des divas assolutas actuelles… au sommet duquel rayonne l’incontestable et si attachante Renée Fleming, … une autre américaine. Au sein des belliniennes légendaires, June Anderson rejoint ce cercle tout autant restreint des Callas, Sutherland, Caballé et Gruberova: la diva américaine rappelait à Puteaux, devenu temple bellinien pendant le festival de décembre, qu’il ne s’agit pas seulement de savoir chanter : il faut encore nuancer, articuler, phraser… Le bel canto véritable, ici défendu par les organisateurs du festival, est un art particulier souvent exceptionnel et rare où l’interprète doit savoir privilégier la finesse plutôt que la puissance. C’est un style spécifique et exemplaire qui s’adapte autant au chant italien que français. La présence d’airs français comme italiens, tout au long de la programmation, de ce récital June Anderson aux épreuves du Concours Bellini 2010, nous le rappelait.

Invitée pour l’édition précédente (décembre 2009), June Anderson avait dû pour raison de santé, décliner sa participation déjà très attendue, et remplacée au pied levé par Inva Mula. Celle qui chanta Norma sous la direction de Marco Guidarini (directeur du Festival) étonne toujours par la maîtrise d’une vocalità réputée (et avec raisons) pour sa maestrià belcantiste.

Evidemment, thématique du festival oblige, pleins feux sur l’art bellinien: le sicilien est mort à Puteaux en 1835 (sur le chantier des Puritani dont il remit le manuscrit achevé avant de s’éteindre aux portes de Paris, le 21 septembre 1835 précisément. D’autant que cette année, les Rencontres Musicales lancent leur premier Concours international de Bel Canto Vincenzo Bellini (demi finale à 12 chanteurs le 16 décembre, puis finale à 6 chanteurs le 18 décembre pour la clôture du Festival): il n’y a donc pas meilleure occasion pour célébrer en France, en 2010, l’art vocal légué par l’auteur de Norma. Soulignons la valeur des Puritani (Les Puritains) dont une bonne version vient de sortir au dvd, illuminée par la voix de ténor vedette Juan Diego Florez, idéal dans le rôle d’Arturo Talbot, alliant vaillance et suprême ductilité d’une voix experte en phrasés). June Anderson nous fait voyager de Rossini (« l’air du saule » de Desdémone », Otello composé en 1816), à Bellini naturellement, dévoilant le feu tragique immédiat de l’air de son premier opéra Adelson e Salvini (1825): « Dopo l’oscuro nembo » qui préfigure « O quanto Volte » de Giuletta dans I Capuletti e i Montechi (1830)… Art suprême de la nuance, des phrasés ciselés, avec ce legato où s’écoulent langueur infinie et mélancolie profonde, en une extase suspendue, essence du romantisme italien: la soprano captive, par l’intensité et la musicalité d’un art qui respire, articule, se passionne aussi, mais avec toujours une émission parfaite, une intonation juste et cette couleur blessée, depuis longtemps dédiée, et donc idéale-, aux héroïnes tragiques, solitaires, sacrifiées.

Bel Canto à Puteaux

De Norma (1831) et Amina (La Sonnambula, 1831): tout y est parfait de sentiments, de rayonnement, de pudeur.
Celle qui a toujours cultivé une affection particulière pour la France, choisit aussi de chanter trois mélodies françaises dont la diction laisse admiratif: ne chantera-t-elle pas en juin 2011 sur la scène liégeoise, à l’Opéra Royal de Wallonie, Salomé de Richard Strauss, dans la version …. française? La palette des couleurs serties par un timbre de velours, cette émission allusive où le verbe poétique se fait chant de l’âme d’une subtilité millimétrée chez Henri Duparc: Chanson triste, Extase et surtout La vie antérieure d’après Baudelaire. Qu’espérer de mieux que cette voix évocatrice, parfaitement articulée, aux nuances si raffinées et fauves?
En fin de programme, June Anderson esquive un rapide et trop fugace salut de la main: elle n’a jamais aimé les ovations appuyées ni les foules trop admiratives… Tout exprimer sur scène, offrir cette blessure vocale qui fait renaître la pâmoison extatique des héroïnes belliniennes … puis disparaître en coulisses. Le lendemain, la diva donnait une masterclass (mardi 14 décembre 2010), séance de travail ouverte au public, où chacun aura pu mesurer avec quelle passion et générosité la soprano est aussi sur le terrain de la transmission une pédagogue entière, exigeante qui ne manque pas d’humour ni de facétie active.
Prochains rendez-vous à Puteaux autour des Rencontres Musicales, véritable festival d’opéra romantique italien, les deux sessions du 1er Concours International de Bel Canto Vincenzo Bellini : demi finale le 16 décembre 2010 (entrée libre jusqu’à 15h: ensuite fermeture des portes pour la demi finale), puis finale le 18 décembre 2010 (soirée de gala). Reportage vidéo exclusif à venir sur classiquenews.com.

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