Cabaret Berlin
La scène sauvage
Arte
Lundi 24 mai 2010 à 22h
1918, la grande guerre se tord dans ses ultimes torsions homicides… Berlin vit au diapason d’une époque trépidante, prise entre deux cataclysmes mondiaux… jusqu’en 1933. Images d’archives en noir et blanc: agitation dans les coulisses, derniers raccords maquillage… préparation du Cabaret qui s’ouvre à la revue: danses et show à la Broadway, gesticule, hypnose les foules par le rythme moins les paroles. Cabaret Berlin: la scène sauvage apprend à rire sans pleurer. S’enivrer pour oublier. C’est l’apprentissage de la cruauté et du cynisme sur un rythme réglé avec génie par Kurt Weil… L’homme tue l’homme comme il l’a montré pendant la guerre. Entre numéros de théâtre et contexte de déroute qui voit la fin de l’Empire, les partisans du régime parlementaire et les antimilitaristes se dégrisent au Cabaret.
Danse sur un volcan
Les chansonnières assènent leurs paroles froides et réalistes… de nombreux documents d’époque ressuscitent l’évocation berlinoise à l’époque de la frêle et vacillante République de Weimar: la bourse précipite un retour trop fragile à la consommation. Weimar avait incarné un rêve démocratique (vote des femmes, nouveau poids des syndicats, assurance chômage…).
Dans le ballet des flons flons, le vide captive les spectateurs: le culte du vide et de l’image s’impose aux masses qui croient vivre l’extase des plus riches. En définitive, qui consomme qui?
C’est l’heure des dadaïstes, de la fondation du parti communiste allemand par Rosa Luxembourg, des désillusions en chaîne…
Tout au long du documentaire, plusieurs voix off racontent les conflits politiques, les désirs et tensions d’une société épuisée par la guerre, ivre d’une nouvelle ère pacifiste et démocratique… La modernité s’invente dans ces documents pleins d’espérance et de lassitude., où les lolitas américanisées fument et jouent les ingénues vipèrines… L’histoire s’emballe et la démocratie allemande ne se relèvera pas de la crise de 1929… Cabaret Berlin raconte l’histoire d’une scène miroir de son époque… Après un début un peu long, le rythme des images et des commentaires s’impose: une époque, ses facettes fascinantes, ses brûlures et ses fantasmes se déroule devant nos yeux. Souvent les commentaires tombent justes, disent vrai. Toute une civilisation coincée entre deux guerres, tente de s’en sortir: pas facile. Le film est éloquent.
Cabaret miroir
Après « Du Shtetl à Broadway », Fabienne Rousso-Lenoir façonne pour Arte, un nouveau documentaire musical. Intégralement composé de nombreuses et rares archives cinématographiques -grands classiques du cinéma allemand, mais aussi fictions tirées de l’oubli, films institutionnels, publicitaires, ou documentaires de l’époque- restaurées et passées en haute définition, « Cabaret Berlin » nous fait découvrir « la véritable histoire du Cabaret », de 1918 à 1933, en explorant ces petites scènes artistiques et politiques qui ont marqué de façon indélébile l’histoire du spectacle et dont l’influence se fait toujours sentir. Expressionnisme, dadaïsme, nouvelle objectivité, constructivisme… tous les courants de l’avant-garde y réunissent leurs disciplines: les cabarets berlinois reflètent en un miroir grossissant la courte et convulsive histoire de la République de Weimar, des années 1919 à 1933, accompagnant ses métamorphoses, de l’inflation à la stabilisation, de la crise de 29 à la montée du nazisme.
Prenant pour objet critique la foisonnante réalité politique et sociale de l’époque, le film se déroule lui-même comme un spectacle de cabaret, mené en voix off par l’acteur et chanteur allemand Ulrich Tukur, introduisant et commentant les enregistrements originaux de chansons souvent satiriques où l’on retrouve notamment Marlene Dietrich, Margo Lion, Lotte Lenya, Valeska Gert, Kurt Gerron, Paul Grätz, les Comedian Harmonists, sur des textes et musiques de Friedrich Holländer, Bertolt Brecht, Kurt Weill, Rudolf Nelson, Werner Richard Heymann, Hanns Eisler, Misha Spoliansky…
Cabaret Berlin: la scène sauvage. Documentaire. Auteure-réalisatrice : Fabienne Rousso-Lenoir
Coproduction : ARTE France, Bel-Air Media (2010, 60mn)