Portrait
Voilà un compositeur si proche de nous et dont le cinéma a démontré l’actualité du sentiment. Louis Malle (Les Amants, 1958), Litvak (Aimez vous Brahms d’après le roman de Sagan, en 1961) ont participé au mythe Brahms pour le XXème siècle. Pourtant D’Indy symbolise une position française encore partagée de part le Rhin, jusqu’à la seconde guerre: Brahms habile n’était qu’un bon faiseur… sans toucher l’âme. Celui qui aimait tant Berlioz, Couperin et la Carmen de Bizet, n’en fut guère remercié dans l’Hexagone… Même froideur constatée par Tchaïkovski! Du côté germanique, ce respect poli comme une mise à distance se brise pour atteindre des sommets de critique franche: ni Wagner ni Strauss n’ont partagé l’enthousiasme de Schumann à Dusseldorf. Heureusement, Richter, Bülow, Joachim se passionnent aux côtés et après Schumann pour le génie de Brahms. Bach, Beethoven, Brahms: sainte et nouvelle trilogie musicale!
Alors d’où vient cet engouement moderne à l’encontre de celui qui ses yeux couleurs d’azur et son grand front olympien, fit tomber tous les coeurs féminins… sauf celui de son immortelle bien aimée, Clara, épouse Schumann, de 14 années son aînée-, avec laquelle il entretiendra cependant une amitié proche exceptionnelle sa vie durant.
L’homme sut rester tel que lui-même, simple et naturel, doux et contemplatif, en dépit de son air parfois bougon et sauvage… A mille lieues d’un Wagner, d’abord révolutionnaire puis bourgeois épris de luxe… Musique de chambre et symphonies, d’un puissant lyrisme, si personnel et aussi si classique; Requiem à part, tout simplement humain… l’oeuvre de Johannes sait enflammer sans déborder. Et pourtant le coeur du musicien s’embrasa très souvent, en particulier pour Clara, qu’il soutint pendant l’internement de Robert, à laquelle il fit une déclaration définitive, après laquelle il songea au suicide…
Pour Clara…
Passionné comme Schumann par Hoffmann, amoureux de belle peinture dont celle des musées et de Adolf Menzel qui fut son ami et dont les sujets peints expriment une atmosphère affective proche; admirateur de Beethoven, plus reconnu à Vienne qu’à Hambourg sa ville natale (qui lui refuse les postes convoités), Johannes est pour ses contemporains et ses amis, un être généreux, fiable, colosse fraternel et fidèle. Sa dévotion et son aide pour Clara, y compris quand la veuve s’engagea à recomposer le catalogue des oeuvres de son époux défunt… en témoignent. Il y a chez lui une abnégation qui étonne et rayonne. Comme s’il n’avait fondé sa propre vie qu’en fonction de cet amour-là: Johannes Brahms meurt en avril 1897 à Vienne – à l’âge de 64 ans-, un an seulement après le décès de sa chère Clara… Le compositeur est immense et l’homme, admirable.
France Musique
Grands compositeurs
Du 3 au 7 mai 2010 à 13h
Illustrations: Johannes Brahms (DR)
