L’or du Rhin
Das Rheingold, 1869
France Musique
La tribune des critiques de disques
Dimanche 28 février 2010 à 10h
A l’occasion du grand retour de L’Anneau du Nibelung sur la scène de l’Opéra national de Paris (Opéra Bastille, à partir du 4 mars 2010) France Musique fait le point sur l’oeuvre au travers des meilleurs enregistrements discographiques… Tour d’horizon des interprétations et enjeux de l’oeuvre, en particulier le premier volet du festival scénique, son prologue: L’Or du Rhin (Das Rheingold, 1869).
Le Prologue de la Tétralogie est créé le 22 septembre 1869 à Munich. Soucieux d’édifier son propre théâtre élaboré selon ses conceptions scénographique, pour un théâtre total, Wagner réalise son rêve grâce au financement apporté par Louis II de Bavière: Bayreuth est édifié à partir de 1871. En août 1876, la première Tétralogie, représentée dans son intégralité y voit le jour…
Wagner écrit d’abord le livret du cycle musical: il commence par la narration
sur la mort de Siegfried (qui deviendra Le Crépuscule des Dieux); puis,
souhaitant remonter à la jeunesse du héros, le compositeur écrit
Siegfried; pour dévoiler l’origine de ses parents, il conçoit ensuite
La Walkyrie (amour des jumeaux Siegmund et Sieglinde). Enfin, en
dernière étape d’écriture, Wagner compose la trame de L’Or du Rhin.
Dans le prélude, il s’agit d’évoquer le monde d’avant les hommes: quand
toute civilisation est alors dominée par la loi et la puissance des
dieux lesquels manipulent géants et Nibelungen (peuple d’ouvriers
agissant dans les entrailles de la terre). C’est un monde hiérarchisé
dont l’harmonie initiale a été brisé quand est apparu le désir de
puissance totale incarné par l’anneau. Cet anneau provient de l’Or du
Rhin, dérobé par le nain Albérich qui au début de l’ouvrage fait le
serment de renoncer à l’amour pour posséder le monde. C’est lui qui façonne, à partir de l’or volé aux filles du Rhin, l’anneau maléfique: à tous ceux qui s’en empare, le bijou magique apporte souffrance et mort.
En fait, c’est
Wotan, le dieu des dieux qui subtilise l’anneau au nain trop naïf…
En souhaitant posséder le monde, dieux, géants et nains apportent le
chaos. Les conflits d’intérêts, l’ambition, le mensonge et la
trahison règnent dès lors: la fin des dieux est proche et il n’est pas
certain que les hommes soient plus méritants que les dieux…
Dans L’or du Rhin, se mêlent les idées de Wagner sur le capitalisme
naissant (l’exploitation de l’homme par l’homme, l’esclavagisme
industriel, la loi désormais souveraine de l’argent et du profit…)
mais aussi ses lectures de Shopenhauer. Nul ne saurait écarter dans la
partition ses symboles politiques: tout ici dénonce en une ironie
permanente, la barbarie de chaque prise de pouvoir, l’inhumanité de
chaque manipulation. Si Wagner écrit comme nous l’avons vu, le livret de L’Or du Rhin en dernier, il en compose la musique avant les autres volets de la Tétralogie: le compositeur une nouvelle musique, flot continu qui est une source ininterrompue de mélodies entremêlées, les fameux
leitmotive dont la combinaison et le développement propre structurent
tout le cycle musical. Wagner conçoit un cycle entier sans rupture,
composé de quatre scènes représentées sans pause.
Si le reste de l’action suit une descente aux enfers, suscitant terreur
et morts, – on ne compte plus les victimes sur l’autel du pouvoir-,
L’or du Rhin fascine dès son ouverture: la féerie et la résonance d’un
commencement du monde, encore vierge et préservé, se font entendre.
Le Ring est composé sur une longue période (près de 20 années),
interrompu par la composition de Tristan et des Maîtres Chanteurs,
unique partition dont le dénouement est heureux.
L’Or du Rhin, Das Rheingold
Synopsis des 4 scènes enchaînées
1. Le Nibelung Alberich, nain hideux s’empare de l’Or défendu par les filles du Rhin au fond du fleuve. Il promet de renoncer à l’amour et s’engage ainsi à forger un anneau afin de détenir le pouvoir absolu.
2. Le dieu des dieux Wotan, accuse livraison du château qu’il s’est fait construire grâce aux deux géants Fasolt et Fafner: pour récompense, il leur a promis Freia, déesse de l’amour et de la jeunesse. Mais aidé de Loge, Wotan échafaude un autre plan: s’il parvient à récupérer l’or volé par le nain Albérich aux filles du Rhin, il le leur versera à la place de Freia. Préférant l’or à la jeunesse et à l’amour, les géants acceptent: Wotant et Loge descendent au Nibelheim.
3. Dans les entrailles de la terre, Alberich dirige en despote le peuple des Nibelungen grâce à l’anneau. En outre, il a forcé son frère Mime à lui forger un heaume magique grâce auquel il peut revêtir l’apparence qu’il veut: un dragon, comme un petit crapaud… aussitôt Wotant et Loge s’empare de lui et lui dérobe butin et anneau.
4. Alberich dépossédé et trompé maudit l’anneau: chacun de ses propriétaires souffrira: l’anneau apportera violence et mort, jalousie, envie, destruction. Wotan entend garder or et anneau mais Erda le rappelle au respect de la parole donnée: il remet le tout aux Géants… lesquels ne tardent pas à s’étriper pour détenir le butin. Fafner tue son frère Fasolt. Alors que les filles du Rhin exhortent les dieux à leur redonner l’or pour rétablir l’harmonie du monde… trop fiers, Wotan et sa troupe prennent possession de leur palais mais loge annonce déjà leur chute prochaine…