Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)
Cadmus et Hermione, 1673
Paris, Opéra-Comique. Du 21 au 27 janvier 2008
Vincent Dumestre, direction
Benjamin Lazar, mise en scène
Thésée, 1675
Paris, Tce. Du 20 au 29 février 2008
Emmanuelle Haïm, direction
Jean-Louis Martinoty, mise en scène
Lully revival?
Deux tragédies lullystes en ce début 2008? Le palmarès relève d’un record car sur les scènes lyriques, les opéras de Jean-Baptiste Lully comme ceux de Jean-Philippe Rameau demeurent illégitimement absents. La Capitale maquerait-elle un grand retour de l’opéra baroque français? D’autant que chaque production lyrique est dirigée par un représentant désormais reconnu de la nouvelle génération baroqueuse: Vincent Dumestre pour Cadmus, Emmanuelle Haïm pour Thésée. Cadmus (1673) « ouvre » la série des tragédies en musique créées par le musicien italien pour Louis XIV. Thésée (1675) confirme l’essor d’un genre musical et théâtral désormais dédié à la gloire du plus grand souverain du XVII ème siècle européen. Dans leur suite devaient s’inscrire dans la même réussite: le célèbre Atys (1676), Persée (1682), Phaëton (1683), Amadis (1684), Roland (1685), Armide (1686)… autant d’ouvrages dont les références du livret renvoient aux faits du règne, qu’il s’agisse des victoires du Roi-Soleil, ou des péripéties de sa cour à Versailles… L’on aurait tort de réduire l’oeuvre de Lully à celle d’un faiseur de commandes, serviteur sans idées, attaché au service du monarque français. Le style Lully incarne certes la grandeur et la solennité d’une époque, mais aussi un apothéose dans l’histoire de l’art hexagonal, grâce en particulier au duo que le musicien a composé avec le poète librettiste Philippe Quinault. Tous deux ont élaboré une langue musicale particulièrement aboutie, naturelle et ciselée, où verbe et musique se sont accordés comme jamais. Violoniste, danseur, Lully montre à chacun de ses opéras, une maîtrise époustouflante qui s’appuie sur la connaissance précise de la langue de Racine.
Cadmus, 1673
Créé le 27 avril 1673, le premier ouvrage lyrique de Lully connaît un triomphe immédiat. Dans la suite des ouvrages qu’il a conçu avec Cavalli pour le mariage de Louis XIV, période qui assure sa formation dans l’assimilation de l’opéra vénitien, Lully fixe désormais les règles du style français classique: un prologue, cinq actes, avec une ouverture à la française sur le schéma lent, vif, lent. L’orchestre est composé de cinq parties lire à ce propos notre entretien vidéo avec Hugo Reyne à propos de Lully et de l’Orchestre français baroque). Quinault et Lully renforcent la projection du texte grâce à une déclamation spécifique, chant articulé inspiré par l’élocution des acteurs raciniens. L’influence des comédies-ballets, réalisées avec Molière, se fait sentir, en particulier dans les récitatifs, mêlés aux airs et aux divertissements dansés. Persistance de l’opéra vénitien, la présence de deux rôles comiques: le compagnon de Cadmus, Arbas, qui est sans courage, et la vieille nourrice amatrice de jeunes hommes. Le Roi de Tyr, Cadmus recherche sa soeur Europe et souhaite délivrer sa bien-aimée Hermione, fille de Mars et de Vénus, retenue prisonnière par le géant Draco. Aidé par Pallas Athéna, Cadmus doit combattre le dragon de Mars, qu’il vainc. A la demande du dieu de la guerre insatisfait, Cadmus plante dans la terre, les dents du dragon, lesquelles semées se changent en combattants hostiles à Cadmus. En plus de cette soldatesque imprévue, Cadmus doit aussi vaincre Draco et d’autes géants. Avec l’aide de Pallas, le héros peut enfin s’unir à Hermione, y compris malgré l’action elle aussi hostile de Junon qui souhaitait désunir le couple amoureux. Enfin, le peuple de Tyr chante la paix et l’amour.
Lire notre présentation de la production de Cadmus et Hermione présentée par Le Poème Harmonique sous la direction de Vincent Dumestre. A l’affiche de l’Opéra-Comique, du 21 au 27 janvier 2008
France Musique diffuse Cadmus en direct de l’Opéra Comique, samedi 26 janvier 2008 à 19h
Thésée, 1675
Représentée devant le Roi, le 11 janvier 1675. Là encore, le héros revient de la guerre… pour défaire les obstacles de nouvelles épreuves. Thésée aime Aeglé, également convoité par le roi des Athéniens, Egée. De son côté, la magicienne Médée, rivale d’Aeglé, aime Thésée. Médée tente d’atteindre et d’effrayer Aeglé en lui imposant des visions terribles. La magicienne, véritable manipulatrice entreprend ensuite le rival de Thésée, Egée et lui offre d’empoisonner son rival mais au moment où Egée tend la coupe empoisonnée à Thésée, celui-ci fait la preuve de son origine, en brandissant l’épée de son père. Egée reconnaît aussitôt son propre fils, renonce à Aeglé, offrant la main de cette dernière à Thésée. Furieuse, Médée détruit le palais royal d’Athènes mais Minerve paraît et le reconstruit aussi facilement qu’il avait été détruit. Avant Armide, plus tardif, Thésée demeure à l’affiche de l’Académie Royale de musique pendant près d’un siècle: c’est le modèle continuement commenté et estimé dans le goût des spectateurs, véritable référence du style classique français. Quinault évacue la fantaisie comique pour l’effusion et la tendresse, l’héroïsme et la vertu des personnages principaux. Si Cadmus et Alceste avaient essuyé quelques critiques vis à vis de ce mélange des genres, comique et tragique, d’origine vénitienne, Thésée confirme l’absence de ce métissage poétique: tout oeuvre pour la célébration des vertus du héros. Et pour relancer le rythme de l’action: pas d’intrigues secondaires mais pour rompre le fil de l’action héroïque, le recours à la magie et au merveilleux.
Livre
Lire aussi l’essai biographique que publie Actes Sud, au sein de sa collection « Classica »: Jean-Baptiste Lully par Vincent Borel. Parution: Janvier 2008. itinéraire d’un roturier florentin devenu par la
force de son génie et aussi un applomb certain, le premier musicien de
Louis XIV et l’inventeur de l’opéra français (tragédie en musique). Un
texte essentiel de belle facture qui s’inscrit opportunément dans le
regain de faveur des oeuvres lyriques du musicien.
Illustrations:
(1) Jean-Baptiste Lully
(2) Louis XIV, danseur dans le ballet de la Nuit
(3) Louis XIV dansant un menuet à Versailles