jeudi 3 juillet 2025

Collection « entrée » (Deutsche Grammophon)Poulenc, Tchaïkovski, Saint-Saëns, Schubert…

A lire aussi

Collection « entrée »
(Deutsche Grammophon)

Deutsche Grammophon sort une première série de titres aux programmes alléchants, comprenant quelques versions indiscutables grâce à l’inspiration de grands interprètes (Schubert par Sinopoli, Poulenc par Osawa, Concerto pour piano de Tchaïkovski par Karajan et Lazar Berman…). En complément, les notices sont rédigées en s’adressant au plus grand nombre, claires, explicitant l’oeuvre mouvement par mouvement. De quoi réussir son « entrée » dans la « grande musique »… Voilà de quoi régaler les néophytes désireux de posséder quelques « premières » versions qui viendront conforter leur passion musicale. Les connaisseurs pourront quant à eux repérer quelques titres incontournables à prix très doux. Première vague de parutions, publiées fin juillet 2007. Le classement de notre présente sélection respecte l’ordre alphabétique des compositeurs.

Francis Poulenc (1899-1963)
Gloria, concerto pour orgue, Concert Champêtre pour clavecin. Seiji Osawa
Aucun doute, le souffle tragique et le lyrisme éperdu qui émanent de ses gravures labellisées « Osawa grande époque », méritent le meilleur accueil. Le chef qui a dirigé l’opéra de Poulenc, Dialogues de Carmélites sur la scène de l’Opéra de Paris avait déjà saisi l’audience par cette tension jamais diluée, parsemée d’éclairs tragiques d’une tendresse foudroyante. Même impression pour l’excellente tenue du Concerto pour orgue. A ceux qui pensent que la musique de Poulenc est truffée de galanteries néo-baroques et autres pépites néo-classiques, voilà une série de lectures investies qui rejette toute froide ironie, tout constat de superficialité creuse. Eloquent et prenant.

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Symphonie n°3 en ut mineur opus 78 « avec orgue »: Michael Matthes, orgue. Orchestre de l’Opéra Bastille, direction: Myung-Whun Chung. Le Carnaval des animaux, « grande fantaisie zoologique »: Alfons et Aloys Kontarsky (piano), Wolfgang Herzer (violoncelle), Orchestre Philharmonique de Vienne, direction: Karl Böhm. Danse Macabre, poème symphonique opus 40: Boston Pops, direction: Arthur Fiedler.
Aux côtés de la dernière Symphonie du compositeur, l’album présente deux exemples de partitions « illustratives » dont le raffinement orchestral, dans le mode descriptif, dévoile le génie de Saint-Saëns dans l’art de suggérer. A la mémoire de Liszt (qui oeuvra tant pour la reconnaissance des oeuvres de son confrère Français dont la création de Samson et Dalila, créé à Weimar), la Symphonie n°3 est créée à Londres, le 19 mai 1886. Ampleur orchestrale qui culmine dans le finale en do majeur, adagio et son tapis de cordes permettant à l’orgue d’étirer sa calme grandeur… 1886 toujours, Saint-Saëns âgé de 51 ans, commet cette fantaisie zoologique qui lui permet de gagner la postérité sur le mode « léger », lui qui n’aspirait à la postérité que comme compositeur sérieux. Voilà un Carnaval des plus « grotesque », généreux en effets parodiques, rare en gravité et rigueur. Du caractère et de la fantaisie, les instrumentistes réunis autour de Böhm n’en manquent pas… Parodies à la Berlioz (danse des éléphants), à la Offenbach aussi (tortues), auto-citations: Saint-Saëns montre qu’il peut exceller dans le grotesque et les pièces (14 au total) de caractère… Le « diabolisme » virtuose, à la fois glaçant et fascinant du violon indiquait dans l’inspiration de Saint-Saëns, l’instrument comme voix désignée pour conduire sa Danse Macabre. Composée en 1874, la Danse, minuit sonné aux cordes, entame une valse effrénée mêlant rictus aigres et Dies Irae. Chung brode parfois et de façon confuse le lyrisme du concerto pour orgue. Böhm tient ses effectifs, souscieux d’articulation sans sentimentalité, quand à La Danse Macabre, elle ricane avec en prime, spasmes et aigreurs d’outre-tombe.

Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie n°8 en si mineur D. 759 « inachevée ». Symphonie n°9 en ut majeur D. 944 « la grande »: Staatskapelle de Dresde, direction: Giuseppe Sinopoli.
Symphonie n°8. La Syphilis empêche Schubert de terminer le troisième mouvement de sa Symphonie D.759 commencée (pour les deux premiers mouvements, en 1822). Inachevée, l’oeuvre bipartite est cependant d’une totale maîtrise et ne sera créée qu’en 1865, 37 après la mort de son auteur! L’ampleur drammatique des deux mouvements inscrit le tempérament de Schubert dans les profondeur de la psyché, quand ses précédentes symphonies révélaient l’admiration à Haydn et à Mozart. Ici se livre le Schubert errant, traversé par le sentiment du gouffre (même s’il meurt six années plus tard). Sinopoli construit une vaste architecture aux résonances à la fois lugubres, solitaires mais nobles (cette hauteur de ton…). Le thèmes des bois qui ouvre le second mouvement (andante con moto) est articulé avec un éclat surnaturel: l’ombre de Chateaubriand et ses clameurs de ténèbres surgissent… Symphonie n°9. L’admiration des artistes entre eux se révèle parfois décisive. On connaît le culte voué par Matisse et Picasso à leur maître, Cézanne. Il en alla de même de Mendelssohn et de Schumann vis à vis de leur prédécesseur, Schubert. Le premier créa la partition en 1839, soit 13 ans après que Schubert l’ait composé (1825-1826); le second, découvrit le chef d’oeuvre à Vienne et en rapporta le manuscrit à Leipzig pour la faire jouer par Mendelssohn, son ami. Oeuvre visionnaire qui redéfinit les proportions de l’écriture symphonique, en format et en durée (plus d’une heure). Le finale (1200 mesures!) pré Brucknérien…. ampleur, démesure, vertiges de la fin, à l’annonce et aux frémissements de la mort vécus par un compositeur à peine trentenaire… Sinopoli conduit « son » orchestre de Dresde, de manière magistrale, obtenant sans appui, la profondeur et l’éclat de la suggestion la plus humaine. Bouleversant. De loin, cette gravure est le must des titres de la collection que nous avons écoutés.

Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893)
Concerto pour piano et orchestre n°1 en si bémol majeur opus 23: Lazar Berman, piano. Orchestre Philharmonique de Berlin, direction: Herbert von Karajan. Concerto pour violon et orchestre en ré majeur opus 35: Gidon Kremer, violon. Orchestre Philharmonique de Berlin, direction: Lorin Maazel.
Superbe vision enflammée que celle déployée par un Karajan en lévitation, comme pris de vertige par sa propre sonorité. Heureusement le chef et son soliste se retrouvent dans l’andantino central, il est vrai, noté « simplice »: caractère de l’enfance et même de l’insouciance, véritablement approché et exprimé. La cadence à vive allure du troisième et ultime mouvement fait entendre mille effets à l’orchestre. Dans cette euphorie instrumentale, Lazar Berman parvient à quelques nuances dynamiques, magistralement tenues entre mezzo forte et pianissimo. La fusion constante entre orchestre et chef est excitante. Même orchestre, mais autre chef dans le Concerto pour violon: fidèle à sa réputation, Maazel cisèle jusqu’à la coquetterie la brillance du son auquel la sensibilité du violon de Gidon Kremer, espiègle et volage, apporte un soupçon de délicatesse naturelle. Et même de tendre intériorité dans la Canzonetta qui coule comme un souvenir de berceuse, préservé depuis l’enfance là aussi. Le disque privilégie les rencontres au sommet. Que l’on trouve parfois une note défaillante de style, la musicalité est préservée. Deux chefs ici de conception distincte, laissent respirer et s’épanouir le chant noble et personnel de deux solistes admirables.

Derniers articles

OPÉRA DE RENNES, nouvelle saison 2025 – 2026. Rinaldo, La Calisto, Comedy, Cendrillon, Lucia di Lammermoor, Curlew River, Robinson Crusoé…

La saison 2025 - 2026 de l’Opéra de Rennes s’annonce des plus variées : en mêlant les genres, les...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img