lundi 5 mai 2025

Georges Bizet, Carmen (1875) Toulouse, Capitole. Du 12 au 22 avril 2007

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Georges Bizet
Carmen
, 1875

Toulouse, Capitole
Du 12 au 22 avril 2007

Une chose « gaie »,
un traitement « serré »


Dans la correspondance du compositeur, Carmen apparaît sous sa plume comme une oeuvre légère mais pittoresque, « serrée », c’est à dire d’une intensité continue, au dramatisme tragique inéluctable. Pour enrichir la riche texture de l’action fatale, Bizet ajoute de nombreux épisodes d’une pure poésie, rêveuse, distanciée qui ajoute au souffle épique de l’ensemble. Inspirée de la nouvelle éponyme de Mérimée (1847), la Carmen de Bizet diffuse des lueurs crépusculaires, celles d’un soleil de fin d’été qui portent malgré la flamboyance et l’ivresse amoureuse, la menace de la folie et de la mort.

Tuer la femme

Malgré une tradition séculaire où les fins tragiques étaient exceptionnelles, Bizet préféra tuer son héroïne. Libre est Carmen qui décide de l’instant de sa mort. Liberté suprême de ne pas laisser au destin, la décision du lieu et du moment décisifs. Mais aux côtés de la cigaretière tentatrice et insolente, Don José est tout autant condamnable: il a déserté. Crime majeur à l’époque du compositeur. Habité par la passion et la jalousie (les deux font la pair), il ne s’appartient plus. Heureusement, à la fin de l’opéra, il déclare après avoir poignardé celle qu’il ne pouvait plus contrôler, « c’est moi qui l’ai tuée, vous pouvez m’arrêter ». Retour à la loi et à l’ordre juste. L’homme subira un châtiment légitime. Il paiera pour la déroute et l’infamie de sa conduite et de celle de sa maîtresse immorale. D’ailleurs, la brave et innocente Michaëla défend aux côtés du couple passionnel, l’image de l’ordre, de la douceur, du bonheur. Contre les dérèglements de la passion, la jeune femme est bien ce double de Carmen, son antithèse. Lumineuse et pure, douée aussi d’une force audacieuse, elle risque sa vie pour retrouver celui qu’elle aime secrètement… jusqu’au repère des contrebandiers.

Wagnérisme acceptable

La musique use et abuse, et avec quelle maestrià, du chant contrapuntique, dont l’essence théâtrale permet de suivre et de croiser les intrigues parallèles. L’orchestre impétueux comme un taureau magnifique, suscita une vive réaction de l’audience à la création de l’oeuvre (1875). On parla de wagnérisme outrancier, mais aussi respectable comme en témoigne l’enthousiasme de Nietzsche qui s’était fâché avec l’auteur de la Tétralogie. Les tam-tams africains de Carmen lui rappelaient avec délice, le souvenir de la tragédie païenne, animale, sauvage, authentique, la seule qui puisse être digne d’admiration.
De fait, le réalisme sentimental de Carmen, sa vulgarité stylée, son réalisme qui l’écarte de la carte postale et du prétexte folklorique, devaient susciter en France, la veine naturaliste, contemporaine du vérisme italien (1875-1905).

Illustration

Manet, Lola de Valence (DR)
Portrait de Georges Bizet (DR)

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