Alessandro Scarlatti,
La Vergine dei Dolori
Bruxelles, La Monnaie.
Du 29 mars au 5 avril 2007.
D’après La Vergine addolorata,
oratorio a 4 voci (1717)
Puisant dans le vocabulaire expressif de l’opéra dont il est l’un des maîtres essentiels à Naples, Alessandro Scarlatti s’empare du thème de la Vierge de douleur, confrontée au Calvaire de son Fils. Le musicien exprime une dramaturgie sacrée, individualisant chacun des personnages. La Vierge y tient une place privilégiée: elle se rebelle contre la peine et les souffrances infligées à son Fils par le Grand Prêtre Onia. Puis, sur la prière de Saint-Jean, doit se résigner à surmonter l’épreuve du Sacrifice. Mais, immédiatement, alors que le pauvre corps supplicié est déposé pour le repos éternel,au moment de la mise au tombeau, Nicodème annonce sa résurrection. Peines, larmes, compassion, espérance.
Une dramaturgie de la déploration
Scarlatti compose son oratorio à Naples en 1717. Le compositeur est au faîte de ses possibilités artistiques et poétiques. Agé de 57 ans, le musicien fait représenter son oeuvre qui connaît de multiples versions d’époque. Rinaldo Alessandrini a rigoureusement sélectionné les manuscrits disponibles pour sa version de l’oratorio qui a pour titre originel, « La Vergine addorata ». Il en résulte une oeuvre dense, habilement recomposée qui donne prétexte à la metteuse en scène Ingrid von Wantoch Rekowski de concevoir un dispositif vivant, à la façon d’un grand retable mouvant, composé d’acteurs et de danseurs.
Le rapprochement avec les retables peints de l’époque baroque est naturel: dans la Vierge, il faut reconnaître une figure éloquente de la maternité affligée, témoin bouleversant du supplice de son propre enfant. C’est la mère implorante et impuissante: elle offre le visage tendre de la souffrance et aussi de l’intercession. Le dispositif scénique imaginé par Ingrid von Wantoch Rekowski s’inspire des compositions picturales: l’ombre et la lumière délimitent l’espace du sacré, et celui des témoins marqués par la tragédie et la déploration.
Fidèle à l’esthétique doloriste et incarnée de la Contre-Réforme, l’oeuvre de Scarlatti propose un témoignage humanisé d’autant plus poignant sur le thème du Sacrifice.
Oratorio sacré adapté par Rinaldo Alessandrini. Maria Grazia Schiavo (San Giovanni), Sara Mingardo (Maria), Romina Basso (Nicodemo), Daniele Zanfardino (Onia), Les Agrémens, direction: Rinaldo Alessandrini. Mise en scène: Ingrid von Wantoch Rekowski.
Illustration
Girodet, Pietà (DR)