CD. Regula Mühlemann, soprano. MOZART, Arias (1 cd Sony Classical). On se souvient que le dernier récital mozartien féminin chez Sony classical confirmait les affinités mozartiennes de la soprano Dorotea Röschmann (même intitulé MOZART : ARIAS chez Sony, il y a un an jour pour jour, novembre 2015), en comparaison avec la cantatrice ici révélée, une vétérante… mais avec quelle intelligence dramatique aussi; ici même subtilité et adéquation artistique, même finesse d’intonation, c’est à dire en plus d’un timbre musicalement raffiné, une technique impeccable, des intonations justes, un sens réel de la caractérisation, avec ce souci du verbe, cet éclairage intérieur qui fait palpiter chaque personnage conçu par le divin Wolfgang. Distinguons quelques exemples pour démontrer sans peine, le sens dramatique et la maitrise technique de la jeune diva, promise nous n’en doutons pas à une exceptionnelle et brillante carrière comme soprano coloratoure.
Formée au Conservatoire de Lucerne (sa ville natale) en Suisse (2010-2012), Regula Mühlemann est révélée en 2013, il y a 3 ans en Papagena (ardente, vibrante, tendre) dans la production de La Flûte enchantée sous la direction de Simon Rattle à Baden Baden (Festival de Pâques) : ici même diamant lumineux et rayonnant même pour les héroïnes amoureuses, mais sombres ou langoureuses, voire larmoyantes (Air Vorrei spiegarvi, KV 418, avec hautbois obligé, qui rappelle beaucoup Zaide, composé pour son amour, la première des sœurs Weber : Aloysia Lange, en 1783).
C’est peut dire qu’entre extase ardente et prière doloriste, la jeune soprano sait nuancer, colorer, tout en respectant parfaitement l’articulation du texte, en italien comme en allemand, sans omettre l’énoncé tendre et clair, en latin, de son Exsultate jubilate, idéalement construit, dont on apprécie chaque note dans les cascades coloratoure, égrénée avec précision métronomique.
REGULA MÜHLEMANN, prima donna mozartienne
Plus proche de l’opéra et de situations dramatiques souvent introspectives, entre blessures et tragédie émotionnelles, le cycle d’airs lyriques affirme un timbre sûr, d’une précision expressive jubilatoire, imposant toujours un superbe tempérament expressif, jamais appuyé ni maniéré : le naturel éblouit dans chaque séquence. C’est une superbe galerie de portraits féminins, chacun liés à différentes époques de la carrière lyrique de Mozart, et tous liés à une situation dramatique précise, ici idéalement défendue, et finement incarnée : Lucio Silla, KV 135 « Strider sento la procella », (Milan 1772), affirme chez le jeune Mozart, et dans le genre seria, une sensiblité ardente, capable de dévoiler des trésors de sentiments déjà romantiques : sur la trace de la jeune soprano italienne créatrice du rôle de Celia, Daniella Mienci, Regula Mühlemann rayonne par un timbre clair et tendre, généreusement coloré, aux aigus souverains, d’une tendresse flexible superlative. L’air de bravoure qui ouvre le III, devient alors prière agile et étincelante. Quelle musicalité, quel tempérament subtil. L’interprète éclaire ici ce en quoi le jeune Mozart proche du cœur de ses personnages, sait scintiller la profondeur et la vérité sous la courtoisie aimable du chant. On se délecte de la même justesse de l’air KV 217, « Voi avete un cor fedele », d’une candeur piquante parfois malicieuse qui rappelle Despina (Cosi fan tutte). L’agilité magnifiquement articulée là aussi affirme un tempérament riche en finesse ardente, dramatiquement très juste, dans un air parmi les plus longs (avec le premier d’ouverture : Schon lacht der holde Frühling, KV 580 : autre prière de près de 8 mn, d’une exquise sincérité).
Voilà longtemps que l’on n’avait pas découvert tel tempérament mozartien. Sa Blonde, piquante, astucieuse en allemand promet demain une prise de rôle dans une production digne de son talent : un diamant prometteur que l’on aimera applaudir non pas au studio mais sur la scène lyrique. L’orchesre qui la suit, affine aussi son élocution : fin et détaillé en un chambiste lui aussi palpitant. La symbiose voix / instruments est totale : bravo au chef Umberto Benedetti Michelangeli. Premier récital enregistrement magistral. Jeune talent à suivre. CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2016.
CD. MOZART : ARIAS. Regula Mühlemann, soprano. Kammerorchester Basel. Umberto Benedetti Michelangeli, direction. 1 cd SONY Classical. Durée : 54’21.
Programme :
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01. Schon lacht der holde Frühling, K. 580
02. La finta giardiniera, K. 196: Geme la Tortorella
03. Der Schauspieldirektor, K. 486: Da schlägt die Abschiedsstunde
04. Voi avete un cor fedele, K. 217
05. La clemenza di Tito, K. 621: S’altro che lacrime
06. Die Entführung aus dem Serail, K. 384: Durch Zärtlichkeit und Schmeicheln
07. Lucio Silla, K. 135: Strider sento la procella
08. Vorrei spiegarvi, oh Dio… Ah, conte, partite, K. 418
09. Exsultate, jubilate, K.165, 158a.
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CD, compte rendu critique. Dorothea Röschmann : Mozart Arias (1 cd Sony classical). Le timbre mûr, éloquent, charnel et aussi très investi de la soprano allemande Dorothea Röschmann (née en Allemagne, à Flensbourg en juin 1967) nous touche infiniment : depuis sa coopération avec René Jacobs dans des réalisations qui demeurent éblouissantes (Alessandro Scarlatti: Il Primo Omicidio, entre autres – pilier de toute discographie pour les amoureux d’oratorios et d’opéras baroques du XVIIè), la chanteuse sait colorer, phraser, nuancer et surtout articuler le texte comme peu, avec une intelligence de la situation qui éclaire son sens de la prosodie. Un chant intérieur, souvent embrasé qui la conduit naturellement aux emplois lyriques évidemment mozartiens. EN LIRE +