samedi 10 mai 2025

25e édition du Festival du Haut-Jura France et Suisse. Du 4 au 27 juin 2010

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Festival du Haut-Jura
Musiques anciennes, renaissantes et baroques.

France et Suisse
Du 4 au 27 juin 2010

Le Festival du Haut-Jura, -25è édition en 2010-, fondé il y a un quart de siècle autour de Saint-Claude, rayonne sur les départements français du Jura, du Doubs et de l’Ain, mais aussi sur le versant suisse, en des lieux chargés d’histoire et de beautés archéologiques. Sa dominante est cette année autour de la dynastie familiale Bach ; et on itinère de l’histoire médiévale (trouvères et troubadours) jusqu’à la fin du XVIIIe, et d’Italie ou Espagne jusqu’aux rives orientales de la Méditerranée et en Amérique Latine.

Ecologie sonore et thématisme

Un quart de siècle, déjà ! Le Festival du Haut-Jura, sur les deux versants du massif – le français, où il est né, l’helvétique, où il ne dédaigne pas de passer pour mieux voir le Lac d’en-bas -, est bien dans le paysage des musiques anciennes, tendance dominante baroque. Les lieux qu’il a choisis pour ses concerts se rattachent à l’art roman ou ogival puis classico-baroque, mais il aime aussi les sites naturels pour y pratiquer une écologie sonore qui n’a pas toujours été à la mode. Il a suffisamment de « bouteille » – et antérieurement, de flair – pour rallier à sa cause les illustres comme Jordi Savall ou le désormais-célébrissime Philippe Jaroussky, mais il sait s’appuyer sur des ensembles plus « régionaux » (« Arsys » bourguignon et donc voisin géographique, Pierre Cao), voire des ensembles jeunes, qui ne se sont pas encore implantés en « baroquie ». Et puis, sans emboucher les trompettes de la renommée comme d’une systématique parfois un rien cuistre, il regroupe ses interventions en thématisant discrètement.


De Veit à Carl-Philipp

Ainsi, sur les 14 concerts de l’édition 2010, 4 – en « ouverture » de l’édition –sont réservés à Bach, ou plutôt à la vaste Gens-Flumen (auraient dit les Romains pour pré-traduire une Famille-Rivière très ultérieure), une Bach-Familie dont le rayonnement commença bien avant le Père de la Musique, alias Johann-Sebastian. Sept générations depuis l’ancêtreVeit (mort en 1557), müller (meunier) qui savait écouter et traduire le chant de l’eau en son moulin, en bon « cithariste », jusqu’aux fils de J.S, dont quatre très remarquables compositeurs qui vécurent jusqu’à la toute fin du XVIIIe , et même une descendance moins glorieuse qui rejoindra…les temps du post-romantisme. Le plus grand donc, aura comme l’explique Pierre Cao, « au cœur de cette immense famille d’être le passeur : dépositaire de toute une tradition à la fois musicale et spirituelle, puisant ses racines dans les premiers mots de Luther et les premières mesures de Schütz, à la croisée d’une Europe où déjà les musiciens ne connaissent pas de frontières, J.S. va naturellement opérer une synthèse des siècles accumulés en s’imprégnant de sa propre légende familiale ». Cette légende, il l’avait prise suffisamment au sérieux pour dresser en 1735 une généalogie et des notices biographiques sur 53 membres de la famille, constituant ainsi un « lexique qui semble tracé d’une main quelque peu anxieuse et subtilement orgueilleuse » : cette dynastie-là valait bien celles où circulait un « sang bleu » mais pas forcément autant de dons d’intelligence sensible et où on se donnait seulement « la peine de naître ».Le père de J.S., Johann Ambrosius, nous apprend Umberto Basso, avait déjà rassemblé en anthologie de nombreuses œuvres de la Maison Bach, et J.S. continua ce recueil (Alt-Bachisches Archiv), le transmettant à son fils Carl-Philippe, ce qui a permis de retrouver au début du XXe 9 motets, 6 cantates, 4 arias et un lamento de Johann, Heinrich, Johann-Christoph, Georg-Christoph et Johann-Michael. De toute façon, l’on s’y perd un peu à a cause des prénoms en homonymie : les formateurs de Johann-Sebastian s’appelaient tous deux Johann-Christoph, oncle et grand frère. L’oncle (1642-1703) était une « sorte de préfiguration de son illustre neveu, et au demeurant – selon Luc-André Marcel –un pète-sec, assez agressif, ayant souci de son renom comme de son art, protestant sans cesse devant le Conseil de l’insuffisance de sa rémunération qui l’astreint à train de vie trop médiocre, exigeant la reconstruction complète des orgues de son église »…Bref, la part la moins conviviale d’un comportement intransigeant qui laissera plus que des traces chez J.S…


Une famille formidable

Arsys Bourgogne cherche donc des œuvres auprès de Johann (1604-1673), Johann-Christoph l’oncle, Johann-Michael (1648-1694), un autre oncle, avant de donner la parole au sublime Motet Jesu Meine Freude (BWV 227) de J.S., puis à deux des fils, Johann-Christoph-Friedrich, et l’encore plus connu, inventeur et libertaire Carl Philipp. Pierre Cao donne un fil conducteur au récitant qui nous entraîne en cette saga : « un griot, comme dans la tradition africaine, qui fait à nouveau résonner toutes ces voix chuchotant par delà les siècles une histoire hors du commun, une parcelle d’enchantement ».En Suisse, le lendemain, un autre récitant – le musicologue Gilles Cantagrel, (« Herr absolut Bach » en langue française) – fait « revivre Johann-Sebastian dans le rôle du père de famille, donnant des conseils à sa jeune femme (la 2nde) Anna Magdalena – celle du Petit Livre de Clavier -, voulant écouter des œuvres de son fils Carl-Philipp, de ses collègues allemands (Hasse, quoi deviendra en Italie « il divo Sassone » ; Petzold) ou français (le plus illustre d’une autre dynastie, François Couperin)» . Nul doute que cette évocation « chaleureuse ambiance de Hausmusik –musique à la maison – ne ressemblera guère à l’atmosphère du film-culte de J.M.Straub, « La Petite Chronique d’Anna-Magdalena », où Gustav Leonhardt jouait un J.S.d’une austérité quasi-glaciale ! Puis Michel Laplénie dirige 4 chanteurs et 2 instrumentistes de son groupe Sagittarius. Encore un voyage de noces chez les Bach avec les Talens Lyriques de Christophe Rousset qui, avec la soprano Céline Scheen, interprètent la Cantate BWV 202, dite du Mariage, et sans l’autre Cantate profane (le Café) font revivre les transcriptions par J.S. de ses concertos pour les « vendredi (du Café) Zimmermann », où l’on musiquait très joyeusement. Quant au 4e « Dynastie Bach », il revient aussi vers le seul J.S. et ses œuvres pour deux clavecins : Elisabeth Joyé – une grande concertiste et enseignante -, qui a formé le talent de Benjamin Alard, « révélation aux Victoires 2008 » – et son jeune disciple sont aux claviers.


Solitude où je trouve une douceur secrète

Philippe Jaroussky, « forcément sublime », comme aurait dit Marguerite Duras… Avec l’ensemble Aratserse qu’il a fondé il y a huit ans, le voici en une « Purcell Night » qui lui permettra de faire rayonner la joie mais aussi la mélancolie du musicien anglais mort aussi jeune que Mozart. Le contre-ténor a récemment déclaré à Bertrand Dernoncourt que comme pour beaucoup d’artistes, la musique classique aide « à trouver des réponses à l’angoisse de la mort ». En amont de ce « terminus », n’y-a-t-il pas le « O Solitude », par lequel Purcell enchante et rêve, comme en écho de ce que les poètes français de son siècle ont su dire : « J’écoute le bruit des ailes du silence qui vole dans l’obscurité …Oh que j’aime la solitude, que ces lieux sacrés plaisent à mon inquiétude… », selon Saint-Amant. Et bien sûr, La Fontaine : « Solitude où je trouve une douceur secrète, lieux que j’aimai toujours… ». Puis les Sacqueboutiers de Toulouse (Jean Pierre Canihac) et Ludus Modalis (Bruno Boterf) s’unissent pour la grandiose cathédrale monteverdienne des Vêpres, qui trois ans après Orfeo – début de l’histoire de l’opéra – ouvrent en gloire un chapitre de l’histoire sacrée d’Occident. Le travail interprétatif est ici renouvelé par les colorations instrumentales très pures et vivantes des Sacqueboutiers, par l’emploi d’un diapason élevé (celui de l’Italie du nord au début du XVIIe) et du tempérament « mésotonique » favorisant la netteté des intervalles. Tout un travail en amont dont le musicologue français ultra-spécialiste de Monteverdi, Denis Morrier, donnera en avant-concert les significations, en faisant le point sur la recherche actuelle dans ce domaine. C’est un musicien évidemment moins connu du grand public que l’ensemble Suonare e cantare (Jean Gaillard) met à l’honneur : John Dowland (1562-1626), dont au moins la devise latine en jeu de mots ne peut laisser insensible : « semper Dowland, semper dolens » (toujours souffrant). Et dont les compositions se rapportent aux manifestations de la peine, ses Lachrymae (Larmes), ses Flow of tears (idem dans la langue de Shakespeare) faisant foi. Mais il n’y a pas que tristesse chez Dowland, on s’en apercevra dans d’autres pièces de ce concert, notamment avec un écho du côté du pittoresque (Captain) Tobias Hume.


Colonnes d’Hercule et vol de la Fenice

Et d’ailleurs on se souvient que ce dernier compositeur-pas-comme-les-autres nous avait été révélé par Jordi Savall-instrumentiste. Voici notre Catalan universel qui revient avec ses Hesperion XXI et Capella Reial de Catalunya : avec Montserrat Figueras , ces artistes aux programmes si originaux et « humanistes alternatifs, proches de la culture populaire » échangent dans « L’Esprit de la Danse » quelque part dans un « Orient-Occident » où des musiciens de 5 nationalités jouent allemand, français,turc, berbère, rhodien, marocain, afghan, espagnol et latino-américain. Méditerranée comme Mère… de toutes les musiques, lieu géométrique selon les thèses et les recherches de l’historien Fernand Braudel, et encore au-delà des Colonnes d’Hercule (Gibraltar, pour les modernes) ou des routes de caravanes vers l’Asie, quels beaux voyages depuis le Haut-Jura ! Selon le même esprit, un autre grand voyageur, Gabriel Garrido l’Argentin et le « Flamboyant Baroque », nous emmène avec son ensemble Elyma vers le Siècle d’Or espagnol, là où le Soleil ne se couchait jamais sur terres et mers. En rétroaction chronologique, un Diabolus in Musica (naguère, c’était l’intervalle du triton, mon Dieu, comme on a fait plus diabolique-sonore depuis !) conduit par Antoine Guerber va en naissance de la chanson aux XIIe et XIIIe, donc vers la poésie subtile des trouvères et des troubadours contant » la fin amor ». Invités traditionnels du Haut-Jura, les « German Brass » dirigés par Enrique Crespo « sonnent en voix et cuivres le faste » du magicien vénitien Giovanni Gabrieli et du moins connu Mikolaj Zielenski. Et comme aime ici les « jeunes talents », l’Ornamento allemand (dirigé par le contre-ténor Flavio Ferri Benedetti) va de Monteverdi en Porpora et de Telemann en Haendel. Quant à la Fenice – le mythique oiseau qui rejaillit des cendres du temps -, son oiseleur-poète Jean Tubéry lui donne pour mission d’illustrer « Il canto degli uccelli », en renaissance et baroque, de Janequin à Monteverdi. Rejoignant ainsi une recherche d’écologie des sons, puisque ce concert est donné en liberté de plein air au Site du Niaizet…

25e Festival du Haut-Jura. Du 4 au 27 juin 2010. Saint-Claude, Morez, Saint-Lupicin, Pratz, Salins, Lelex, Moirans-en-Montagne (France) ; Le Sentier, Nyon (Suisse). 15 concerts, propos de présentation, visites de musée et bâtiments, conférences. Vendredi 4 juin, 20h30 ; samedi 5, 20h30 ; dimanche 6, 18h ; jeudi 10, 20h ; vendredi 11, 20h30 ; samedi 12, 20h30 ; dimanche 13, 17h et 20h ; vendredi 18, 20h30 ; samedi 19, 20h30 ; dimanche 20, 20h ; vendredi 25, 18h et 21h ; samedi 26, 20h30 ; dimanche 27, 16h. Information et réservation : T. 03 84 45 48 04 ; www.festivalmusiquehautjura.com

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