jeudi 28 mars 2024

13ème Voyage d’Hiver à Lyon. Haydn, Mendelssohn Lyon, Salle Molière. Les 24 et 25 janvier 2009

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13e Voyage d’Hiver à Lyon
Haydn et Mendelssohn

Les 24 et 25 janvier 2009
Lyon, Salle Molière

Tantôt ce sont des thèmes, tantôt des portraits de musiciens : pour la 13e édition du Voyage d’Hiver en week-end lyonnais, Haydn et Mendelssohn – « anniversarisés 200e » – sont à l’affiche, en des partitions séduisantes et souvent capitales. Un collectif d’interprètes lyonnais (musiciens de l’Orchestre National) en rencontre avec les Sine Nomine, Wanderer, Philippe Cassard et Anne Gastinel.

Winterreise ?
Vous avez dit : Voyage d’hiver ?
Pardon, je n’ai pas bien entendu. Winterreise ?
C’est pourtant le titre allemand.
Oui , mais c’est réservé au cycle des lieder schubertiens.
D’accord, mais à Lyon, salle Molière, ça se passe bien en hiver, et c’est un petit voyage de deux jours.

Et ainsi de suite pour un dialogue d’un-peu-sourds. Il est vrai qu’un des premiers de ces Voyages fut centré autour de Schubert, et le titre est resté copié-collé à la fin janvier. La 13e édition de cette brève série chambriste marque une nouveauté sous forme de relais-témoin : la fondatrice Françoise Falck passe le flambeau à l’équipe du Concours International de Musique de Chambre (CIMCL) et à son directeur, le corniste (Orchestre National de Lyon) Joël Nicod. Le principe d’une thématique-auteur(s) demeure, et cette fois s’accroche au calendrier des anniversaires : donc, devine qui vient s’inviter pour 2009 ? « Le père du classicisme viennois et le plus classique des romantiques » : Josef et Felix, l’un pour sa disparition, l’autre pour son apparition. Le rapprochement est plausible – hormis le caractère indiscutable de la date, dans le temps troublé pour Autriche et Allemagne où l’aventure napoléonienne apporte guerres et idées de révolution…

Haydn finit, Mendelssohn commence

Haydn finit dans la gloire de sa longue carrière de fidèle serviteur et de génial inventeur des formes, Mendelssohn va commencer son assez court voyage de surdoué et de « modérateur » d’un romantisme qu’il accompagnera de sa discrète et fervente sensibilité, tout en revenant à l’art d’autrefois – celui de J.S.Bach, si décisif. Deux créateurs généralistes – chambristes, symphonistes, lyriques -, que l’origine sociale opposait ( pour Josef, des artisans de village, pour Félix, des banquiers, descendants de philosophe), et donc les années de formation (musique-musique-musique, et l’entrée en « servitorat » pour Josef, musique ultra-précoce mais accompagnée de vaste culture générale pour Félix). Et encore la religion : Haydn catholique-et-autrichien-toujours, Mendelssohn protestant venu du judaïsme. Une vie qui serait demeurée domestique et provinciale pour Josef si son prince ne l’avait finalement libéré d’obligations résidentielles pour aller traverser par deux fois the Channel, une existence d’européen reconnu et constamment itinérant pour Félix. Pour tous deux, une fin d’existence consacrant la gloire – ah ! ce train funèbre qui emporte le cercueil de Mendelssohn à Berlin et est salué par des chœurs d’hommes à chaque étape importante…- , mais jamais d’éclipse posthume pour Haydn tandis que Mendelssohn, déjà méprisé par Wagner-l’antisémite, fut « effacé » au temps nazi (symboliquement, sa statue abattue, et sa musique interdite)… Est-ce de cette dernière époque sinistre que date une réticence – parfois encore aujourd’hui sournoisement ou subconsciemment exprimée – vis-à-vis d’un compositeur qui fut crûment traité de « brouillard recouvrant le néant » ou de « notaire élégant et facile » ? Certaines histoires de la musique portent témoignage d’un dédain persistant, et la « mauvaise réputation » a besoin d’une relecture critique, textes en mains et honnêteté au cerveau. Rien de tel qu’un peu de musique chambriste pour insinuer le doute dans les « jugements » tout faits, et d’ailleurs on conseillera aux auditeurs du Voyage d’Hiver l’écoute ultérieure de l’ultime quatuor, cet op.80 écrit dans le désespoir que lui causa la mort de Fanny, la sœur tant aimée, et qui devrait figurer au panthéon de la tragédie romantique…


Les jeunes filles et les autres

A l’inverse, on écoutera attentivement, sans parti-pris, des extraits choisis dans les 36 Romances Sans Paroles dont le compositeur a jalonné son parcours pianistique, de 1831 à l’année de sa mort, 1847. On a eu vite fait de cataloguer dans l’enfer (douceâtre, malgré tout) des bonnes intentions ces pages « pour jeunes filles ». Donc faiblardes, sentimentales, au goût d’infusion….qualificatifs qui renvoient bien évidemment au machisme, même très ultérieur, de qui les en affuble. Mendelssohn, qui de surcroît pensait la musique a émis des réflexions fort intéressantes qui le situent dans le romantisme du côté de la pudeur et de l’antithéâtre : « La musique est plus définie que la parole et vouloir l’expliquer par des paroles, c’est l’obscurcir. Les paroles me paraissent ambiguës, vagues, inintelligibles si on les compare à la vraie musique qui emplit l’âme de mille choses meilleures que les mots. Ce que m’exprime la musique que j’aime me semble plutôt trop défini que trop indéfini pour pouvoir y appliquer des paroles… » Il faut par ailleurs oublier les sous-titres (barcarolle, fileuse, marche funèbre) que son confrère Stéphane Heller ajouta…et qui n’ajoutent rien, sinon du pléonasme –le « téléphone blanc » des films américains de jadis- à la poésie de ces pièces de charme mélodique et surtout harmonique , souvent « en avance sur le temps à venir », celui de Fauré…L’Octuor, lui, est moins discuté, et cette page de jeunesse – à 16 ans, contemporaine du chef-d’œuvre absolu qu’est l’Ouverture du Songe – rappelle que Félix fut « enfant-prodige ou roi », écrivant dès 11 ans des Symphonies pour cordes qui sont bien autre chose qu’exercices pour briller en famille et salon. L’Octuor – un double Quatuor, en fait – rayonne d’une ardeur juvénile mais aussi d’une profondeur que salua Schumann, dont des pré-échos paraissent dans l’allegro initial, d’une mélancolie angélique (Mendelssohn, qui était aussi peintre, y semble « traduire » l’univers de P.O.Runge…) et où le scherzo féérique, célébrant Goethe et célébré par le père de Faust, ouvre le Cahier de ces pages-Ariel qui montrent en toute clarté le génie de Mendelssohn.


Félix le Généreux

« Simple » Quatuor ? Voici le 2e de l’op.44, très apprécié à sa création en 1837 – tiens, on bissa le scherzo…-, où Félix s’inscrit dans la descendance de son cher Mozart pour un allegro initial « passionné, romantique, l’un des plus passionnés qu’il ait écrit ». Le 1er Trio (op.49) est celui d’une « Marche Nuptiale » qui n’a rien du « tube » devenu parodique dans le Songe : il rayonne de la lumière qui éclaire le mariage de Félix avec la belle Cécile Jeanrenaud, et d’un équilibre formel auquel Schumann rendit aussi hommage (en le citant à côté des Trios de Beethoven et du 2e de Schubert : occasion de se rappeler que Félix-le-Généreux permit à ses contemporains d’écouter la 9e de Franz, « oubliée » dans les cartons après la mort de son auteur)… On peut y songer à Berlioz pour le scherzo (la reine Mab !), mais aussi au lyrisme mozartien dans un allegro de grande ampleur. Le Quatuor op.12 ramène aux œuvres de jeunesse, et les spécialistes, notant son élégance de conception et de réalisation, le tiennent pour moins décisif : mais encore faut-il se laisser emporter dans la canzonetta par les elfes échappés du Songe…Quant au Konzerstück pour clarinette, piano et cor de basset, c’est une « plaisanterie musicale » dans l’esprit, justement, des divertissements que Mozart aimait à composer dans et pour le cercle amical…Le contraire de la sérieuse, parfois dramatique puis éclairée de fins sourires, 2e Sonate piano-violoncelle op.58.


Et Josef l’immense

Du côté de chez Haydn l’incontesté, l’immense également (104 symphonies, mais aussi plus de 80 quatuors, de 30 trios avec piano, 60 sonates de piano !), il semble qu’un week-end à 4 concerts ne puisse offrir qu’un choix presque dérisoire dans son exiguïté. Mais si figure le quatuor op.77/1, on est déjà certain de l’importance symbolique et prophétique d’une partition-couronnement en 1803 pour tous les efforts qui ont pu faire surnommer Haydn « le père du quatuor ». Est-ce Schubert déjà qui, comme le note Harry Halbreich, apparaît dans l’allegro initial ? Dvorak dans un adagio-prière sublime, mystérieux ? Beethoven dans les deux prestos, avec cet extraordinaire « raptus » (emportement, arrachement) du 2nd, un finale où Haydn conjugue le monothématisme et la vertigineuse rapidité de la pensée ? Mais on redécouvrira dans le 5e de l’op.20 un chef-d’œuvre où souffle le Sturm und Drang, dense, tragique (même si son trio et son adagio apportent un répit), et où Mozart devait puiser la force de sa série dédiée à son « Père » spirituel. Oubliées les fadaises lénifiantes et les contresens un rien condescendants de la postérité sur un « Papa Haydn » qui fut surtout père en esprit…Tant il est vrai que l’on a mis trop longtemps à saisir le caractère décisif de ce que « Papa » écrivit pour le trio avec piano. Deux « voisins » de 1790 : le 27e, à l’adagio d’une intensité bouleversante, le 28e (adapté ici pour la flûte remplaçant le violon) où la brillance domine. Le 43e (1795) a l’éclat et la profondeur du « futur » Beethoven : allegro vaste et complexe, andante à contraste dramaturgique, finale en tourbillon de plaisanterie supérieure…Comme ne disait pas encore « Papa », je ne perds pas de temps à chercher tellement ça m’amuse de trouver !


Complices pour accéder à l’essentiel

L’une des particularités du Winterreise entre Rhône et Saône est la présence conjointe d’interprètes dont le port d’attache est « ici » et d’autres venus d’horizons plus éloignés. Au sommet du « marrainat », la violoncelliste Anne Gastinel, très attachée à sa ville d’origine et d’ailleurs gardant pieds à (sur ?) terre lyonnaise. Des « vieux complices » Winterreise : le Quatuor Suisse Sine Nomine (que soi-même…), le Trio Wanderer, et le pianiste Philippe Cassard, dont on se réjouit une nouvelle fois de la présence si complice, doucement pédagogique et subtile, pour un pré-romantisme dont il est l’admirable compagnon. Et tous les membres de l’Orchestre National de Lyon : le violon solo Jennifer Gilbert, les violonistes Catherine Mennesson, Florent Kowalski et Jacques-Yves Rousseau ; les altistes Jean-Pascal Oswald et Fabrice Lamarre ; la flûtiste Emmanuelle Réville ; le violoncelliste Edouard Sapey-Triomphe ; les clarinettistes François Sauzeau et Thierry Mussotte ; la pianiste Elisabeth Rigollet. Sans aucun souci ou arrière-pensée de hiérarchie, et dans un esprit d’échange, tous doivent faire encore mieux accéder à l’essentiel.

13e Voyage d’Hiver, Salle Molière, Lyon. Haydn et Mendelssohn. 4 concerts : samedi 24 janvier, 15h ; dimanche 25, 11h, 15h et 18h. Josef Haydn (1732-1809) : 2 Quatuors , 3 Trios ; Felix Mendelssohn (1809-1847) : Romances sans paroles ; 2 Quatuors ; Trio op.49 ; Konzerstück ; 2e Sonate piano-violoncelle op.58. Information et réservation : T. 04 78 95 95 95 ; www.auditorium-lyon.com

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