Télé, série. Mozart in the Jungle (2014). Actuellement sur OCS (printemps 2015). On en rêvait la voici enfin cette série déjantée sur les musiciens classiques, sur les coulisses d’un orchestre, sur toutes les grandeurs et petites misères que les instrumentistes et chef s’envoient à la figure, tout en préservant en façade, un air entendu de famille solidaire. Sous couvert d’amabilités endimanchées sur la scène et en costumes tirés à 4 épingles, c’est avéré et constaté par l’hautboïste Blair Tindall, auteur dont c’est l’adaptation télévisuelle, le musicien (chef, instrumentiste, chanteur…) est une crevure qui dans son fort intérieur déteste ses confrères, tous rivaux : il balance, conspue, critique, détruit à force de saloperies à qui voudrait bien les entendre.
Tous ces faux simples ont des problèmes d’ego surdimensionné et rien ne s’arrange avec le succès et la multiplication des engagements : bien au contraire ; jaloux cachetonnant ici et là, le musicien est donc une ordure ordinaire.
La série déjantée et décalé portraiture le milieu classique au vitriol
les musiciens, des crevures ordinaires
Le parti de cette nouvelle série télé jette un regard décomplexé sur le milieu du classique dont l’image continue d’être poussiéreuse; or tous ces jeunes qui occupent les rangs d’orchestre et apprennent comme des chiens fous et savants, la pratique de leur instrument ont comme tout le monde des problèmes d’hormones, des sautes d’humeur, une réelle addiction à la reconnaissance et au succès, d’où comme chez les acteurs, ce narcissisme inquiet, maladif. Qui plus est, ils sont tous, pressions, concurrence oblige, accrocs au sexe.
EPISODE 1. Dès le début du premier épisode, les dés sont jetés et le pitch ne manque pas de sel à défaut de fortissimos rageurs même si l’enchaînement des séquences va crescendo dans l’exposition des caractères : à New York, un orchestre symphonique donne un concert pour les adieux de son chef (vieux grisâtre plutôt acariâtre dont au pupitre, la battue confuse dénonce l’acteur plutôt que le fin directeur musical) avant que la directrice de l’ensemble (Gloria Windsor dont le look est plus celui d’un diva usée mais entretenue qu’une sirène-hôtesse à mécènes ) devant un auditoire déjà debout et alléché, ne présente son jeune remplaçant latino cheveux frisés mi longs (référence au venezuelien dans la vie réelle : l’impétueux et emblématique Gustavo Dudamel effectivement en poste au Philharmonique de Los Angeles? ). .. Ainsi paraît le jeune maestro Rodrigo coqueluche du milieu (illustration ci-dessus) qui sait se faire aussi magicien offrant des roses à sa patronne : le marketing remplace l’art, le divertissement et le spectacle sont rois.
On voit bien ou tout cela nous mène. … choc de cultures et de générations ; autre temps, autre style. Mais pour les deux maestros quel que soit l’âge, l’ego est bel et bien surdéveloppé.
Entre temps pour cette entrée en matière, on aura reconnu le vrai violoniste dans la vie new yorkaise : Joshua Bell dans son propre rôle, visage de cycliste dans la montée, en un finale échevelé prêt à électriser la foule par un jeu rien que démonstratif (« je n’étais pas trop rapide pour vous? » déclare le soliste vedette plutôt caustique au vieux maestro. .. lequel lui répond du tac au tac, pas désarçonné : » Non, je vous ai même trouvé plutôt mou », l’oeil goguenard tout en saluant son public). Révêche le vieux bouc. Mais le soliste ne manquait pas d’esprit critique.
Ailleurs, les altercations entre jeune et vieux maestro se multiplient. Jusqu’au cocktail officiel où l’ancien s’invite à la barbe du jeune successeur (Rodrigo da Souza) qu’il traite de « Sergent pepper « , référence au plastron de dompteur de cirque qu’arbore son successeur. Alors ce dernier fait l’inventaire de toutes les erreurs de rythme, de notes qui se sont glissées dans le concert du soir, histoire de souligner -techniquement, l’usure du vieux rabougri. C’est un vieux sadique incompétent mouché par le jeune latino. Et la guerre est déclarée.
On voit illico que le sexe, désormais élément ordinaire de toute série qui se respecte, sera une composante régulière. .. Ainsi la scène où les deux instrumentistes se retrouvent dans un bar. La plus chaudasse des deux, la violoncelliste qui égrène ses aventures avec le gent masculine, commente à sa consoeur hautboiste, l’aptitude de chaque selon la famille d’instruments. On comprend ensuite qu’elle se tape le chef. Puis à la fin de la même scène, celle qui semble être l’héroïne de l’épisode, la plus jeune, Hailey, est branchée par le serveur (Alex) qui danseur au fessier prometteur fait la Juilliard). Les deux se reverront à la soirée de sa coloc ; Hailey y accepte de démontrer son jeu musical dans une battle où alcool et défis stylistiques (pop hits, baroque, romantic . ..) sont de mises. La passion du classique ressurgit vite et grâce à sa nouvelle amie, Hailey passe une audition devant Rodrigo (lequel médusé plante aussi sec la fille qui lui sert d’assistante et qu’il était en train de lutiner derrière un mur…) : Hailey l’hautboïste, rejoindra selon tout vraisemblance l’orchestre qui semble bien être un clone du Philharmonique de New York (Illustration : Hailey et Alex).
Mozart in the jungle… Il fallait bien cela pour dépoussièrer le classique et fédérer une nouvelle communauté d’aficionados …. plus techniquement l’adaptation pour la télé du roman sarcastique de Paul Tendal (sex drug and classique music) est très honnêtement adapté. Le personnage du jeune chef, les dialogues comme les situations sont parfois caricaturales. Souhaitions que d’épisodes en épisodes chaque personnage s’enrichira encore. … à défaut de subtilité, la série ne pourrait offrir sur le durée qu’une série de sketches un rien gadgets voire superficiels. Mais après visionnaire du premier épisode, on est piqué : vite la suite. Seule réserve : les situations, épisodes et dialogues souvent caricaturaux font trop penser à des prétextes pour épingler les travers d’un milieu à abattre. Les personnages prendront-ils de l’épaisseur et le scénario un vrai souffle ? A suivre…
Télé, série décalée. Mozart in the Jungle (série TV 2014 de Roman Coppola et Jason Schwartzman ; produite par Picrow). D’après le roman de l’hautboïste Blair Tindall. Avec Gael García Bernal (Rodrigo ), Malcolm McDowell (le vieux chef)… Actuellement Saison 1 (26 mn chaque épisode) sur OCS au printemps 2015.