CD, DVD, Blu ray, critique, concert du NOUVEL AN 2020. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2020. STRAUSS⊠Wiener Phil. Andris Nelsons, direction (SONY CLASSICAL). Le concert du NOUVEL AN Ă VIENNE, ce 1er janvier 2020 marque les dĂ©buts dans cet exercice du chef letton Andris Nelsons (41 ans), musicien dĂ©jĂ familier des instrumentistes viennois, avec lesquels il a enregistrĂ© lâintĂ©grale des Symphonies de Beethoven pour DG Deutsche Grammophon. Câest aussi un concert de gala qui ouvre les festivitĂ©s des 150 ans de la crĂ©ation du Musikverein, salle mythique, dite la boĂźte Ă chaussure magique, dans laquelle tous les concerts du Nouvel An se sont dĂ©roulĂ©s.
Polka rapide composĂ©e par Edouard Strauss (le dernier de la fratrie Strauss, aux cĂŽtĂ©s de Johann II et Josef ; celui qui a brĂ»lĂ© partitions et matĂ©riel dâorchestre sous un coup de folie) :
Le caractĂšre gĂ©nĂ©ral de cette annĂ©e est dĂ©voilĂ© dĂšs la premiĂšre Ćuvre choisie par le chef pour son premier Concert du Nouvel An : de Carl Michael Ziehrer, Die Landstreicher / Les Vagabonds (Ouverture). Le chef letton affirme dâemblĂ©e sans prĂ©ambule une joie militaire, galop Ă la Offenbach, un rien pĂ©taradant (avec coups de piccolos) ; musique un peu trop dĂ©corative et narrative pour un dĂ©but : la sonoritĂ© est un rien tendue qui manque de dĂ©tente, de souplesse. Heureusement, ce raffinement viennois qui nous manquait tant, surgit Ă lâĂ©closion de la valse finale : mais Ziehrer ne maĂźtrise pas lâorchestration comme Johann II et ses frĂšres ; cela sonne un peu raide et sec.
Dans Message dâamour (LiebesgrĂŒĂe), valse opus 56 de Josef Strauss, la direction est dure et Ă©paisse ; le maestro a choisi surtout des piĂšces dâinspiration et de caractĂšre nettement militaire comme lâatteste la piĂšce qui suit du mĂȘme Josef S : « Liechtenstein-Marsch » op. 36, exclamation militaire Ă©noncĂ©e comme un quadrille enlevĂ© qui semble Ă©voquer la superbe des armĂ©es, en leurs parades de rangs serrĂ©s, parfaitement alignĂ©s. Le geste pourtant clairs et prĂ©cis confine Ă la mĂ©canique.
La Blumenfest-Polka (Flower Festival Polka) op. 111 de Johann Strauss II, est enfin la premiĂšre oeuvre du programme, de vrai grand raffinement aux Ă©quilibres instrumentaux plus subtils qui forcent le chef Ă mieux polir la cadence et colorer davantage en piani plus ciselĂ©s. Mais le geste demeure gĂ©nĂ©reux et avare en gradations infimes, en phrasĂ©s pourtant inscrits et si dĂ©lectable dans le cas de Johann II. Puis du mĂȘme Johann, seigneur et souverain de la valse viennoise, câest « Wo die Zitronen blĂŒhân », Waltz, op. 364 (Where the Lemon Trees Blossom) : Grande valse au pays des citronniers en fleurs. le dĂ©but a la flamboyance dâun dĂ©but wagnĂ©rien : cor et flĂ»te enchantĂ©s ; câest un lever de rideau, comme dans un rĂȘve qui dure encore au moment du rĂ©veil. Visiblement, maestro Nelsons allĂšge le trait, change son allure militaire et carrĂ©e, pour une souplesse quasi naturelle. MĂȘme geste fluide et trĂ©pidant dans la derniĂšre piĂšces, courte et enlevĂ©e qui conclut la partie 1 du concert viennois : Knall und Fall, Polka rapide, op. 132 dâEduard Strauss, celui qui a brĂ»lĂ© partitions et matĂ©riel dâorchestre sous un coup de folie, comme pour se venger de ses ainĂ©s trop Ă©crasants⊠Enfin la pĂ©tillance du champagne emmenĂ©e en une frĂ©nĂ©sie certes un peu clinquante se livre Ă nous par un orchestre en incandescence.
La deuxiĂšme partie dĂ©bute par une ouverture fameuse pour son rythme trĂ©pidant et ses couleurs frĂ©nĂ©tiques dont la cadence et lâorchestration rappellent ⊠Rossini (celui du Guillaume Tell, Ă lâouverture elle aussi, trĂ©pidante et trĂšs suggestive). Lâouverture de Leichte Kavallerie de Franz von SuppĂ© confirme une Ă©criture taillĂ©e pour le drame et le théùtre ; les cors sont Ă la fĂȘte, dâune effervescence exacerbĂ©e ; on y retrouve lâentrain de lâouverture de Guillaume Tell, sa facĂ©tie, sa franchise, sa fougue martiale. La carrure du chef va bien Ă la frĂ©nĂ©sie conquĂ©rante de la musique de SuppĂ©.
Andris Nelsons dirige les Wiener Philharmoniker
Grisant mais pas éblouissant

Dans Cupido, Polka française op. 81 de Josef Strauss, lâorchestre retrouve son aplomb naturel en un rythme modĂ©rĂ© (pas trop rapide selon la tradition de la polka française) oĂč souveraines, les cordes sont aguicheuses, dâune suavitĂ© Ă©lĂ©gantissime. Le point dâorgue du programme qui sait jouer aussi la carte touristique avec le concours du Ballet de lâOpĂ©ra de Vienne, est la trĂšs belle valse de Johann II :
« Seid umschlungen, Millionen! » / Be Embraced, You Millions! / Embrassez-vous par millier, Waltz op. 443, oĂč lâorchestre joue la partition dâune sĂ©quence filmĂ©e (le concert est comme chaque annĂ©e retransmis en direct dans le monde entier) : dans lâenfilade des salons de la rĂ©sidence dâhiver du prince EugĂšne de Savoie, danseurs et musiciens racontent le rĂȘve Ă©veillĂ© dâune jeune femme qui revĂȘt une robe de dentelles rouges, au bras dâun prince dâun soir : le couple se forme, se cherche, sâĂ©value (chorĂ©graphie de Carlos Martinez), au rythme de la subtilitĂ© dâune musique entĂȘtante Ă souhait ; la voici notre Ă©quation rĂ©ussie du kitsch Ă la viennoise ; temps suspendu que permet la fĂ©erie de la valse de Johann II.
Sur ce rythme enlevé, les piÚces se succÚdent : Fleur de glace, mazurka de Josef Strauss (Polka mazurka op. 55, arrangement: Wolfgang Dörner) dont on retient le chien et le tempérament ;
La gavotte de Josef Hellmesberger Jr. dont les pizzicati maĂźtrisĂ©s rĂ©activent la dĂ©licatesse et la rondeur des Wiener Philharmoniker, ambassadeurs inspirĂ©s de cette danse hĂ©ritĂ©e du XVIIIĂš ; le galop du Postillon (op. 16/2, Arrangement: Wolfgang Dörner) du Strauss danois, Hans Christian Lumbye et qui permet au chef amusĂ©, de jouer du clairon car il a commencĂ© sa carriĂšre de musicien en jouant cette partie⊠LĂ encore, signature du programme dans son ensemble, câest la verve militaire et le rythme rien que conquĂ©rant jusquâĂ la transe qui marquent les esprits.
Clin dâoeil Ă lâanniversaire Beethoven en 2020 (250Ăš anniversaire de la naissance en 1770 Ă Bonn), lâorchestre joue quelques unes des contredanses de Ludwig van B., soit les piĂšces 1, 2, 3, 7, 10 & 8 des 12 ContretĂ€nze WoO 14. Câest un festival de courtes piĂšces dâune rare frĂ©nĂ©sie chorĂ©graphiques en effet et qui se prĂȘtent idĂ©alement Ă leur mise en danse par trois couples du Ballet de lâOpĂ©ra de Vienne dont lâune des danseuse en look Dior, chapeau / jupe au dessin parisien. Mais les danses elles sont trĂšs mozartiennes ; dont certaine ont une mĂ©lodie qui sera repris dans le ballet « Les CrĂ©atures de PromothĂ©e » ; avec cette trĂ©pidation rythmique, si emblĂ©matique de la symphonie n°8 (entre autres) : tout le gĂ©nie de Ludwig est concentrĂ©, avec ce goĂ»t de la variation, cette nervositĂ© virile dâun Beethoven traversĂ© par une fougue primitive.
Le concert se dĂ©roule ensuite en soulignant le raffinement et lâinvention mĂ©lodique des ainĂ©s de la fratrie, aussi inspirĂ©s lâun que lâautre : surtout Johann Strauss Jr. : « Freuet euch des Lebens » (Joies de la vie : valse opus 340 Ă©crite et jouĂ©e ici mĂȘme pour inaugurer le Musikverein (janvier 1870) ; puis lâinusable Tritsch-Tratsch Polka,
Polka rapide op. 214 qui reste le grand classique de la trĂ©pidation viennoise avec la caisse claire, rythmiquement nerveux et enjouĂ©, dâune sĂ©duction irrĂ©sistible.
Tout concert du Nouvel An Ă Vienne ne peut se terminer sans ses deux volets de conclusion, signĂ©s des deux Johann, le fils et le pĂšre : Le beau Danube bleu (Johann II) dont le dĂ©but est Ă peine esquissĂ© pour permettre au chef et aux musiciens de dire leurs voeux ; puis cette autre poncif : La Marche de Radetski (du pĂšre, Johann I), qui permet au public, conquis Ă ce stade du concert, dâinteragir avec le chef, en claquant des mains ⊠le rituel est rodĂ© ; il est devenu parfaitement huilĂ©. Au risque dâune certaine routine. Dans sa continuitĂ©, ce concert du Nouvel An Ă Vienne ne dĂ©pare pas de la perspective dĂ©jĂ Ă©coutĂ©e. On y relĂšve cependant pas la finesse dâĂ©locution comme la subtilitĂ© dont ont Ă©tĂ© capables en leur occasion, les maestros prĂ©cĂ©dents tels Dudamel, Jansons, Welser-Möst⊠Avec Nelsons, et avant lui en 2018, Muti, comme avant Thielemann, la finesse et la grĂące ont laissĂ© la place Ă lâintensitĂ© et la fougue. Question de style.
Grisant mais pas éblouissant. A chacun sa préférence. SONY édite le cd et le dvd du concert du Nouvel An 2020 (comme chaque année).
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CD, DVD, BLU RAY, critique, concert du NOUVEL AN 2020. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2020. STRAUSS⊠Wiener Phil. Andris Nelsons, direction.
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LIRE nos précédents critiques et comptes rendus du CONCERT DU NOUVEL AN à VIENNE :
Compte rendu, critique, concert. Vienne, Musikverein, le 1er janvier 2018. CONCERT DU NOUVEL AN 2018. Wiener Philharmoniker / Riccardo Muti, direction. Pour le concert du Nouvel An Ă Vienne ce 1er janvier 2018, revoici les instrumentistes du Philharmonique de Vienne sous la direction du chef familier pour eux, Riccardo Muti. Nous les avions quittĂ©s ici mĂȘme le 1er janvier 2017 sous la direction de Gustavo Dudamel : jeune et trĂšs prĂ©cis maestro : le plus jeune alors depuis des dĂ©cennies Ă diriger les prestigieux instrumentistes autrichiens. Les ors et les fleurs en surabondance, selon le goĂ»t spĂ©cifique des Viennois pour lâultra kitsch (Sissi nâest pas loin, sans omettre les fastes sirupeux de Schönbrun), soulignent lâimportance musical, surtout mĂ©diatique de lâĂ©vĂ©nement.
Compte-rendu critique, concert. VIENNE, Musikverein, dimanche 1er janvier 2017. Wiener Philharmoniker. Gustavo Dudamel, direction. Depuis 1958, le concert du Nouvel An au Musikverein de Vienne est retransmis en direct par les tĂ©lĂ©visions du monde entier soit 50 millions de spectateurs ; voilĂ assurĂ©ment Ă un moment important de cĂ©lĂ©bration collective, le moment musical et symphonique le plus mĂ©diatisĂ© au monde. En plus des talents dĂ©jĂ avĂ©rĂ©s des instrumentistes du Philharmonique de Vienne, câest Ă©videmment le nouvel invitĂ©, pilote de la sĂ©quence, Gustavo Dudamel, pas encore quadra, qui est sous le feu des projecteurs (et des critiques).
et aussi :
LIRE AUSSI nos prĂ©cĂ©dents comptes rendus du Concert du NOUVEL AN Ă VIENNE 2016, 2015, 2014, 2012, 2010… :
Mariss Jansons / Concert du nouvel AN Ă VIENNE 2016
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-concert-du-nouvel-an-2016-a-vienne-neujahrskonzert-new-years-concert-2016-vienna-philharmonic-wiener-philharmoniker-orchestre-philharmonique-de-vienne-mariss-jansons-directio/
Zubin Mehta / Concert du Nouvel An Ă VIENNE 2015
Lâhommage au gĂ©nie de Josef Strauss
http://www.classiquenews.com/cd-concert-du-nouvel-an-a-vienne-2015-philharmonique-de-vienne-zubin-mehta-1-cd-sony-classical/
Daniel Barenboim / Concert du Nouvel An Ă VIENNE 2014
http://www.classiquenews.com/compte-rendu-vienne-konzerthaus-le-1er-janvier-2014-concert-du-nouvel-an-oeuvres-de-johann-strauss-i-et-ii-edouard-josef-et-richard-strauss-avec-les-danseurs-de-lopera-de-vienne-wiener-phil/
Franz Welser-Möst / Concert du Nouvel An à VIENNE 2013
http://www.classiquenews.com/neujahrskonzert-new-years-concert-concert-du-nouvel-an-vienne-2013franz-welser-mst-1-cd-sony-classical/
Mariss Jansons / Concert du Nouvel An Ă VIENNE 2012
http://www.classiquenews.com/vienne-musikverein-le-1er-janvier-2012-concert-du-nouvel-an-wiener-philharmoniker-mariss-jansons-direction/
Georges PrĂȘtre / Concert du nouvel AN Ă VIENNE 2010