COMPTE-RENDU, concert. MONTPELLIER, le 13 juillet 2019. SIBELIUS, CHOSTAKOVITCH, MOUSSORGSKI-RAVEL. T Sokhiev.

SOKHIEV-582-594-Tugan-Sokhiev---credit-Marc-BrennerCOMPTE-RENDU, concert, MONTPELLIER, Festival Radio France, Occitanie, Montpellier, Le Corum, le 13 juillet 2019. SIBELIUS, CHOSTAKOVITCH, MOUSSORGSKI-RAVEL, Bertrand Chamayou, David Guerrier, Tugan Sokhiev. La thĂ©matique retenue pour cette 35ème Ă©dition du Festival Radio France, Occitanie, Montpellier – « Les musiques du Nord » – nous vaut la programmation de Finlandia, de Sibelius, qui ouvre le concert. Le sixième et dernier mouvement de la « Musique pour la cĂ©lĂ©bration de la presse », alors soumise au rĂ©gime tsariste, deviendra un an plus tard, en 1900, ce qui passe pour l’hymne officieux de la Finlande. La page est bien connue, brève, contrastĂ©e, propre Ă  emporter l’auditoire Ă  travers son finale puissant, glorieux. L’évocation de l’immensitĂ© des paysages que la Finlande a en partage avec ses voisins, Ă  laquelle succède la partie hĂ©roĂŻque, avec cuivres et percussions, est remarquablement conduite par Tugan Sokhiev, dont on connaĂ®t l’énergie, comme le lyrisme et l’aisance dans ce rĂ©pertoire. L’orchestre National du Capitole de Toulouse y brille de tous ses feux. Illustration : Tugan Sokhiev © M Brenner)

Suit le Concerto pour piano et trompette de Chostakovitch. C’est pour le public le plaisir de retrouver Bertrand Chamayou, fidèle du Festival, et David Guerrier, l’hyperdoué trompettiste (mais aussi corniste, tubiste etc.) insatiable musicien. Regrettons au passage que Chostakovitch ne lui ait pas réservé un authentique rôle concertant, limitant ses interventions aimablement décoratives, goguenardes, diablement virtuoses, à trois des quatre mouvements. L’œuvre, hybride de la tradition et du modernisme (relatif) du Leningrad de 1933, porte en germe la riche production du compositeur de 27 ans. Son matériau est pauvre et le traitement qu’il lui réserve ne présente d’intérêt qu’à travers le piano (que Chostakovitch tiendra à la création), et le grotesque dont il pimente le propos. La mélodicité de la valse lente du deuxième mouvement peut séduire, mais c’est l’entrain, l’esprit potache de l’ensemble qui dominent. Le jeu des solistes, leur complicité justifierait à lui seul la programmation de l’œuvre, où les cordes de l’orchestre, pleinement engagées, donnent leur meilleure interprétation.

Le public s’est massivement déplacé par les célébrissimes Tableaux d’une exposition. Il n’aura pas été déçu. A l’égal du concert de la veille, où Kristjan Järvi nous offrait une relecture inspirée de l’Oiseau de feu, celle que nous propose Tugan Sokhiev de la page pianistique la plus spectaculaire de Moussorgski, orchestrée par Ravel, nous enthousiasme. L’orchestre sait se montrer tendre, rêveur, désinvolte, joueur, plaintif, courroucé, véhément, accablé, prendre les couleurs les plus riches, et nous emporter dans le tableau final (la Grande porte de Kiev). Par-delà l’énergie fantastique qu’il insuffle à tous, c’est dans le dessin des phrasés propres à chacun des pupitres et dans des plans qu’excelle le grand chef russe. Une leçon qui ne laisse aucun doute : Tugan Sokhiev a maintenant imprimé durablement sa marque à l’orchestre, confirmant son excellence, tout particulièrement dans ce répertoire scandinave et russe.

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COMPTE-RENDU, concert, MONTPELLIER, Festival Radio France, Occitanie, Montpellier, Le Corum, le 13 juillet 2019. SIBELIUS, CHOSTAKOVITCH, MOUSSORGSKI-RAVEL, Bertrand Chamayou, David Guerrier, Tugan Sokhiev. Crédit photographique © Pablo Ruiz

COMPTE-RENDU, Concert. MONTPELLIER, le 13 juillet, 20h. Midnight Sun, K Järvi, M Samuelsen.


COMPTE-RENDU, Concert symphonique, MONTPELLIER, Festival Radio France, Occitanie, Montpellier, Le Corum-salle Berlioz, samedi 13 juillet, 20h.  Midnight Sun, Kristjan Järvi, Mari Samuelsen
. Le Festival Radio France, Occitanie, Montpellier nous vaut – comme depuis 34 ans – un nombre considĂ©rable de concerts tant dans la capitale occitane que dans la grande rĂ©gion. Nombre de grandes formations symphoniques s’y relaient, pour notre plus grand bonheur. Ce soir, le programme, intitulĂ© « Midnight Sun », nous permet d’écouter cinq Ĺ“uvres de compositeurs baltes contemporains, puis la cĂ©lĂ©brissime suite de L’Oiseau de feu, de Stravinsky.
A quoi reconnaît-on un miracle ? Pour n’être pas théologien, on sort bouleversé, avec la conscience d’en avoir été témoin. Puis, on s’interroge sur ses conditions ou ses causes. Ce concert succède à celui dirigé la veille par le géant Neeme Järvi, à la tête de l’Orchestre symphonique national d’Estonie.

 

 

Témoins d’un miracle symphonique…

 

Kristjan Järvi, démiurge, anime, libère la musique

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Du reste, le grand chef assiste ce soir au concert que dirige son fils cadet, Kristjan, et, à son terme, manifestera son émotion et son admiration. Le lendemain, ce sera le tour de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, sous la baguette de Tugan Sokhiev. On sait que, sous la direction de Michael Schonwandt, l’Orchestre national de Montpellier s’est hissé à un niveau que pourraient lui envier nombre de formations symphoniques. Ce soir, la communion, entre cette formation, qui joue chez elle, et Kristjan Järvi est incroyable, comme si le chef et les musiciens avaient travaillé depuis des années dans une confiance et une admiration réciproques.
Si les noms de Rautavaara et d’Arvo Pärt sont maintenant connus d’un large public, ceux de Max Richter, de Peteris Vasks, et de Krisjan Järvi – dont on ignorait qu’il écrivait – le sont beaucoup moins. Le chef a choisi d’enchaîner les pièces de la première partie comme s’ils s’agissait de mouvements d’une vaste symphonie singulière. Les œuvres s’y prêtent aisément par leur écriture et leur ancrage dans une tradition symphonique qui dépasse largement l’héritage de Sibelius et des compositeurs scandinaves.
Le Cantus arcticus, de Rautavaara, ouvre cette partie. Des enregistrements de chants d’oiseaux du nord de la Finlande vont se mêler à la trame orchestrale, pour chacun des mouvements, conférant à cette musique à la fois une sérénité planante et une vie frémissante, d’une grande séduction. L’immense crescendo, suivi de son extinction progressive, des « Cygnes migrant » nous emporte dans un univers magique, onirique. Lonely Angels, de Peteris Vasks, fait intervenir la violoniste Mari Samuelsen, d’une virtuosité phénoménale, qui ne quittera plus l’orchestre. L’écriture, tonale, dépouillée, n’est pas sans rappeler le lyrisme de l’Adagio de Barber. Les pédales intérieures, les valeurs longues des basses, et le frémissement des nappes des ostinati aériens et décoratifs des cordes, réapparaîtront au fil des pièces suivantes, autorisant cet enchaînement harmonieux.
Suit le Dona nobis pacem, de Max Richter, oĂą la harpe se joint aux cordes. C’est une sorte de passacaille, dont la progression – imperturbable et chargĂ©e de sĂ©ductions – renvoie Ă  certaines pièces baroques telles qu’on les jouait il y a cinquante ans. C’est aussi l’occasion pour la soliste de briller par son jeu d’une technique superlative. Fratres, cĂ©lèbre entre toutes les Ĺ“uvres d’Arvo Pärt, est ici dĂ©clinĂ©e dans une version pour violon solo, en harmoniques, mais privĂ©e de ses vents.

Enfin, Aurora, de Kristjan Järvi, nous entraîne de nouveau dans le grand nord, avec ses forêts immenses, la neige, l’aurore d’un jour interminable, intégrant des éléments dansants (qui font penser à Hugo Alfven). La paix, la sérénité, l’immensité, la grandeur, avec des bouffées lyriques, intenses, sont ici inimitables : on plane, et le public, conquis, fait un triomphe aux interprètes.
L’Oiseau de feu est dans toutes les oreilles, depuis l’évocation de la forêt enchantée de l’introduction, à la danse de l’oiseau de feu, à la ronde des treize princesses qui disparaissent au lever du jour, la plus belle s’étant éprise d’Ivan. Mais c’est surtout la formidable Danse infernale de Katschei, avec ses ponctuations telluriques, qui marque les esprits. La berceuse, provoquée par l’oiseau pour plonger Katschei et sa horde dans un profond sommeil, ouverte par les bassons et la harpe, est d’une beauté stupéfiante, avant le majestueux final. Kristjan Järvi, démiurge, fédère, anime avec une souplesse, une liberté, un épanouissement rares. Il accompagne chacun, dosant, modelant avec subtilité, organisant le propos avec un art consommé. Le geste est sobre, expressif à souhait, engageant tout le corps, délivré des partitions qu’il a parfaitement intégrées jusqu’au moindre détail : la vie a-t-elle été plus intense ? Même familier du texte, on croit redécouvrir l’œuvre. On entend tout, chaque soliste est parfait, la dynamique constante, du triple piano au triple forte. Les musiciens jouent avec le chef, se prenant manifestement au jeu avec un bonheur et un rayonnement exceptionnels. Une soirée mémorable, comme on les compte sur les doigts d’une main !

 

 

 

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COMPTE-RENDU, Concert symphonique, MONTPELLIER, Festival Radio France, Occitanie, Montpellier, Le Corum-salle Berlioz, samedi 13 juillet, 20h.  Midnight Sun, Kristjan Järvi, Mari Samuelsen. Illustrations : Kristjan Järvi, chef et compositeur © Marc Ginot

 
 
 
 

DIFFUSION SUR FRANCE MUSIQUE

Programme diffusé sur FRANCE MUSIQUE, mer 31 juillet 2019 à 20h
Concert donnĂ© le 12 juillet 2019 Ă  20h Ă  l’OpĂ©ra Berlioz de Montpellier
dans le cadre du Festival Radio France Occitanie Montpellier

 
 

CONCERT :  »Midnight Sun”

 

Einojuhani Rautavaara
Cantus Arcticus, Concerto pour oiseaux et orchestre op. 61

1. Suo (Le Marais)

2. Melankolia (Mélancolie)

3. Joutsenet muuttavat (Cygnes migrants)

 

Kristjan Järvi
Aurora pour violon et orchestre
Arrangement de Charles Coleman (2016)

 

Arvo Pärt
Fratres pour violon, percussion et orchestre Ă  cordes

 

Peteris Vasks
Lonely angel, méditation pour violon et orchestre à cordes

 

Max Richter
Dona nobis pacem 2 pour violon et orchestre
Mari Samuelsen, violon

 

Igor Stravinsky

L’oiseau de feu, suite
Introduction – Danse de l’Oiseau de feu – Variations de l’Oiseau de feu • Pantomime I • Pas de deux : l’Oiseau de feu et Ivan Tsarévitch • Pantomime II • Scherzo : danse des Princesses • Pantomime III • Khorovode des Princesses • Danse infernale de Kachtchei et de ses sujets • Berceuse • Finale

 

Orchestre national Montpellier Occitanie
Direction : Kristjan Järvi

 

COMPTE-RENDU, opéra. MONTPELLIER, le 12 juillet 2019. OFFENBACH : POMME D’API,Carpentier,Droy, J-C Keck.

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCOMPTE-RENDU, opérette, MONTPELLIER, Festival Radio-France Occitanie Montpellier, Opéra-Comédie, le 12 juillet 2019. Hélène Carpentier, Lionel Peintre, Sébastien Droy, Anne Pagès, Jean-Christophe Keck. Outre les circonstances dramatiques que rappelait le titre, on se souvient encore du Ba-Ta-Clan joyeux que nous offraient Jean-Christophe Keck et ses complices, ici même, en juillet 2016. Ils récidivent à la faveur de l’année Offenbach, avec Pomme d’Api, savoureuse opérette où la fantaisie et la tendresse font bon ménage, pour un dénouement heureux. En 1873, les temps sont révolus de la satire sociale et politique, pour une comédie bourgeoise, drôle, romanesque et sentimentale. Marginale ? Peut-être par sa faible diffusion, certes, mais essentielle parmi les œuvres en un acte d’Offenbach dont elle constitue un sommet, cette opérette – opéra-bouffe à la française, avec le triangle amoureux – est ravissante d’invention, de drôlerie comme de tendresse.

 

 

L’homme à la pomme…d’Api

 

 
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Symbole de la tentation, le surnom de Pomm’ d’Api pouvait-il mieux convenir à la jeune et jolie Catherine, dont Gustave a dû se séparer, à son vif regret, sous la pression de son oncle, rentier et bon vivant ? Le neveu tentera de la reconquérir, mais elle feindra de répondre aux avances du barbon, qui, touché enfin par la sincérité de leur amour, consentira à leur mariage.

Le programme signale, justement, que seuls Mozart, Rossini et Offenbach supportent aisément la réduction au piano, par la grâce de l’invention rythmique renouvelée, comme de l’intérêt mélodique. Anne Pagès, au clavier, le confirme pleinement : l’humour, la vivacité, mais aussi les épanchements lyriques sont parfaitement illustrés.

Jean-Christophe Keck, homme-orchestre de cette réalisation sera tour à tour présentateur, chef, et récitant, nous donnant les indications scéniques qui accompagnent la partition. L’engagement et les qualités des comédiens, des chanteurs nous font oublier que c’est une version de concert qui nous est offerte. Au premier chef, l’inénarrable Rabastens, ici campé par Lionel Peintre, excellent baryton à l’émission sonore, parfaitement articulée, et bien timbrée dans tous les registres. Son neveu, Gustave est chanté par Sébastien Droy, solide ténor, sensible et ardent. Hélène Carpentier est Catherine, alias Pomme d’Api. Cette jeune et prometteuse soprano, voix ample et libre, fait preuve de qualités dramatiques qui nous ravissent également. Donc un trio équilibré, complice, qui nous fait partager son entrain comme ses passions. Chacun des huit numéros mériterait un commentaire, tant leur qualité est égale. Contentons-nous de signaler l’excellence du trio des côtelettes, parodique à souhait, sur un texte insensé, et le duo où Gustave et Pomme d’Api évoquent leurs amours passées, d’une incontestable émotion.
Vive Offenbach ! Que nos scènes lyriques cessent enfin de mépriser, pour beaucoup d’entre elles, ses petits chefs-d’œuvre d’humour, pour le plus grand bonheur du public !

 

 

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COMPTE-RENDU, opérette, MONTPELLIER, Festival Radio-France Occitanie Montpellier, Opéra-Comédie, le 12 juillet 2019. Hélène Carpentier, Lionel Peintre, Sébastien Droy, Anne Pagès, Jean-Christophe Keck. Illustrations : © Victor Garcia

 

  

 

MONTPELLIER, FESTIVAL RADIO FRANCE, du 10 au 26 juillet 2019 : Vent nordique pour la 35è édition

D2F0m1sX4AAvC1yMONTPELLIER, FESTIVAL RADIO FRANCE, du 10 au 26 juillet 2019. Du 10 au 26 juillet 2019, le Festival Radio France proposera pour sa 35è Ă©dition, un voyage nordique, intitulĂ© « Soleil de nuit », en rĂ©fĂ©rence aux Nuits blanches de Saint-Petersbourg. Jean-Pierre Rousseau, son directeur, a choisi de faire connaĂ®tre l’incroyable foisonnement musical et crĂ©atif de pays comme la Lettonie, l’Estonie, la Suède, la Finlande, le Danemark, la Pologne et bien d’autres. Les compositeurs d’autrefois et d’aujourd’hui y seront Ă  l’honneur, et aussi les interprètes natifs de ces pays. Citons parmi eux les chefs Neeme et Kristjan Järvi, Andris Poga, Krzysztof UrbaĹ„ski, les pianistes Jan Lisiecki, Lukas Geniusas, Paavali Jumppanen.

 

 

FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE-MONTPELLIER:
LA BRISE BALTIQUE VA SOUFFLER SUR LA 35ĂME ÉDITION!

 

Bien sûr on y écoutera Sibelius et Arvo Pärt, Magnus Lindberg et Rautavaara, qui côtoieront les « titans » européens bien connus, mais le festival nous réserve de nombreuses découvertes: qui connait le compositeur suédois Eduard Tubin, le letton Pēteris Vasks, le finlandais Usko Meriläinen, ou encore, plus ancien, Joseph Martin Kraus, l’exact contemporain de Mozart, mais en Suède?
“La musique sera partout oĂą elle est attendue » (Jean-Pierre Rousseau): 153 concerts dans 70 lieux dont bien sĂ»r Montpellier mais aussi Sorèze, Fabrègues, Lectoure, Mende, Perpignan…De quoi aiguiser la curiositĂ© et s’autoriser toutes les libertĂ©s. Car le festival Radio France, pour faire court, c’est ça: les musiques qui ne s’interdisent rien, la libertĂ© des genres; mĂŞme le jazz, qui ouvrira les festivitĂ©s avec le « Amaring Keystone Big Band » de David Enhco, se fera scandinave Ă  ses heures! Le piano se taillera une part de lion, et la jeune gĂ©nĂ©ration de musiciens y sera dignement reprĂ©sentĂ©e (ThĂ©o Fouchenneret, Marie-Ange Nguci, le quatuor Notos…). Y penser: on pourra suivre le festival en direct sur France Musique du 15 au 20 juillet. Soleil de midi, ou soleil de minuit? En Occitanie, les deux confondus pour prendre en musique les plus belles couleurs de l’étĂ©.

 

Programme complet et réservations sur le site www.lefestival.eu

 

 

 

COMPTE-RENDU, opéra. MONTPELLIER, Opéra, le 20 février 2019. DONIZETTI : Don Pasquale. Taddia, Muzychenko, Greenhalgh… Spotti / Valentin Schwarz.

L'Elisir d'amor de DONIZETTI Ă  l'OpĂ©ra de TOURSCOMPTE-RENDU, opĂ©ra. MONTPELLIER, OpĂ©ra, le 20 fĂ©vrier 2019. DONIZETTI : Don Pasquale. Taddia, Muzychenko, Greenhalgh… Spotti / Valentin Schwarz. L’opĂ©ra bouffe parisien de Donizetti, Don Pasquale, tient l’affiche de l’OpĂ©ra de Montpellier dans la production du laurĂ©at du Ring Award 2017, le jeune autrichien Valentin Schwarz et son Ă©quipe artistique. Jeunesse Ă  la baguette Ă©galement avec le chef italien Michele Spotti qui dirige l’orchestre maison avec une fougue impressionnante laquelle s’exprime aussi dans les performances de la distributions des chanteurs-acteurs. Une crĂ©ation riche en surprises !

 

 
 

 

 

Comédie romantique, mais pas trop

 

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Donizetti, grand improvisateur italien Ă  l’Ă©poque romantique, compose Don Pasquale en 1843 pour le Théâtre-Italien de Paris. Un peu moins sincère que son autre comĂ©die : L’Elixir d’amour, l’opus raconte les mĂ©saventures de Don Pasquale. Il a un neveu, Ernesto, qu’il veut marier afin de le faire hĂ©riter, mais ce dernier est hĂ©las amoureux d’une jeune veuve, Norina. Elle se met d’accord avec Malatesta, le mĂ©decin du Don, et simule de se marier avec le vieux riche… stratagème et tromperie… qui finissent heureusement, comme d’habitude, par le mariage des jeunes amoureux contre toute attente, et avec l’ombre pesante de l’humiliation acharnĂ©e, mais bien drĂ´le, de Don Pasquale.

 

 

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La distribution incarne les rôles avec une fraîcheur et une panache confondantes. Le jeu d’acteur est un focus de la production. La Norina de la soprano Julia Muzychenko (prise de rôle) est une belle découverte : elle est décapante par la force de son gosier. Dès son premier air, la jeune diva fait preuve d’une colorature pyrotechnique qui sied bien à l’aspect plutôt physique de ses contraintes scéniques. Elle est piquante, voire méchante, à souhait. L’Ernesto du ténor Edoardo Miletti rayonne d’humanité, bien qu’il soit une sorte de jeune homme autiste dans la transposition de la mise en scène ; au-delà du grotesque « light » théâtral, il brille par la beauté de son instrument. La bellissime sérénade du 3e acte « Com’è gentil la notte a mezzo april ! », l’air résigné du 2e acte « Cerchero lontana terra » avec trompette mélancolique obligée, sont des véritables sommets musicaux.

Le rĂ´le-titre est interprĂ©tĂ© par le doyen de la distribution, le baryton italien Bruno Taddia. Il incarne le rĂ´le avec toutes les qualitĂ©s qui sont les siennes, un style irrĂ©prochable, une prĂ©sence et performance physique presque trop pĂ©tillante et tonique, un vĂ©ritable tour de force comique. S’il a l’air un peu perdu dans la production, – car il doit mĂŞme y voler dans les airs, ceci correspond drĂ´lement Ă  la tragĂ©die lĂ©gère du personnage âgé : il est seul avec ses dĂ©sirs, son passĂ©, son argent, tout en Ă©tant entourĂ© de gens très attentionnĂ©s qui veulent lui prendre quelque chose, quelque part… Le jeune baryton amĂ©ricain Tobias Greenhalgh en très bonne forme vocale interprète un Malatesta dĂ©licieusement sournois. Son duo schizophrène avec Don Pasquale au 3e acte est un bijou comique difficile Ă  oublier. Remarquons Ă©galement la performance courte mais solide du baryton-basse Xin Wang en notaire.
Moins convaincant, le chœur de l’opéra dirigé par Noëlle Gény paraît quelque peu en retrait, mais la performance satisfait.

  

 

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Cette production est unique pour différentes raisons. En dehors de la mise en scène de Valentin Schwarz, dans son décors unique (excellent « cabinet de curiosités » d’Andrea Cozzi, scénographe Lauréat du Ring Award 2017), et jouant beaucoup sur des gags théâtraux plus ou moins typiques, nous avons une première en France avec l’inclusion de deux chant-signeurs à la production. Déjà accessible aux malvoyants (le dimanche 24 février), c’est la première fois en France qu’on adapte un opéra en Langue de Signes Française. Ce sont comme deux spectres sur scène qui ne se contentent pas de juste traduire l’intrigue, mais l’adaptent, l’interprètent. Ceci ajoute une qualité supplémentaire pour le spectacle, qui est globalement bien accueilli par l’auditoire à la première.
La musique instrumentale de Donizetti n’égale pas le naturel de sa musique vocale, mais le chef Michele Spotti réussit à trouver la dynamique correcte avec l’orchestre pour que les voix soient toujours privilégiées, pour que les cordes soient frémissantes à commande, et la performance des percussions et des bois est particulièrement engageante. Une réussite globale et une excellente initiative à inscrire au mérite de la Directrice Générale, Valérie Chevalier. A voir à l’Opéra-Comédie de Montpellier encore jusqu’au 26 février 2019. Illustrations : © Marc Ginot 2019

 

 
 

 

 

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COMPTE-RENDU, opĂ©ra. MONTPELLIER, OpĂ©ra, le 20 fĂ©vrier 2019. DONIZETTI : Don Pasquale. Bruno Taddia, Julia Muzychenko, Tobias Greenhalgh… Orchestre et choeurs de l’opĂ©ra. Michele Spotti, direction. Valentin Schwarz, mise en scène. 

 
 

 

Compte rendu, festivals 2016. Montpellier, festival Radio France. Les 11 et 12 juillet 2016. Karine Deshayes, Bataclan…

Compte rendu, festivals 2016. Montpellier, festival Radio France. Les 11 et 12 juillet 2016. Terre de fantasmes multiples le grand Sud à Montpellier déploie sa formidable lyre allusive. Notre correspondant et envoyé spécial Pedro Octavio Diaz était présent pour plusieurs événements artistiques mémorables, les 11 et 12 juillet derniers. Compte rendu et bilan de l’édition montpeliérenne du Festival Radio France décentralisé, hors de la Maison ronde parisienne… Compte rendu en 3 étapes, 3 programmes diversement évalués… sous le filtre impertinent, critique de notre rédacteur globe trotter.

FESTIVAL RADIO-FRANCE MONTPELLIER – OCCITANIE. Du 11 au 26 JUILLET 2016. LES VOI(X)ES DE L’ORIENT. Le Sud est dans l’imaginaire de bien de cultures, synonyme d’un indĂ©nombrable fantasme. A la fois redoutable et Ă©merveillant, le Sud tout comme l’Orient, sont des Ă©pigones de la fascination. Le voyage vers le MĂ©ridion de la France et enivrant. Dès que le train file parmi les champs verts d’Ile de France, passant dans le feuillage enchâssĂ© des forĂŞts Bourguignonnes ou les collines mordorĂ©es du Lyonnais, on aperçoit dĂ©jĂ  une toute autre lumière. La coupe du soleil se renverse totalement sur les garrigues quasi-dĂ©sertiques du Vaucluse, et les mĂ©andres turquoises du RhĂ´ne, juste avant de tourner vers NĂ®mes et arriver au coeur de la ville de pierre blanche et palmiers qu’est Montpellier.

L’histoire a gâtĂ© Montpellier, des Ă©tudiants de mĂ©decine du Moyen-Ă‚ge Ă  la citĂ© ultra-dynamique de l’ère digitale, la ville des Ă©tangs est devenue un centre culturel nĂ©vralgique et musical en particulier. Après 31 annĂ©es de passion, le Festival Radio France Ă  Montpellier s’engage encore une fois dans la redĂ©couverte et la diffusion des talents prometteurs. Cette Ă©dition, Jean-Pierre Rousseau et son Ă©quipe ont pris les routes de l’Orient pour des voyages surprenants avec des escales dans toutes les nuances du spectre musical.

 

 

 

Ă©tape 1 : LUNDI 11 JUILLET 21h, OPERA BERLIOZ – LE CORUM
LES MILLE ET UNE NUITS

KARINE DESHAYES, mezzo-soprano
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Michael Schønwandt, direction
Lambert Wilson – rĂ©citant

MAURICE RAVEL  1875-1937
ShĂ©hĂ©razade –  Asie
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, La mer et le vaisseau de Sinbad
Le récit du prince Kalender
CARL NIELSEN 1865-1931
Aladin, Le rêve d’Aladin
Danse de la brume matinale
La Flûte d’Aladin
MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade, La flûte enchantée
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, Le jeune prince et la jeune princesse
CARL NIELSEN  1865-1931
Aladin, La place du marché à Ispahan
MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade, L’Indifférent
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
ShĂ©hĂ©razade, FĂŞte Ă  Bagdad – La mer – Le Vaisseau se brise sur un rocher

 

 

L’Ouverture du livre d’images

Comme dans une estampe, les couleurs d’Ă©tĂ© envahissent les places et esplanades de Montpellier. Parmi les feuilles et les fontaines, la fraĂ®cheur se faufile doucement. On se plairait Ă  ressentir la brise de la toute proche MĂ©diterrannĂ©e et qui gonfla jadis les voiles des navires qui partaient pour cet Orient aux cieux parfumĂ©s d’encens et Ă©toilĂ©s tels des voiles de soie.

Ce soir, les pages de la merveille littéraire des Mille et Une Nuits allait prendre place pour introduire le 31ème Festival. Un incipit qui incite à redécouvrir les contes enchanteurs de la belle Shéhérazade et les aventures inachevées de ses personnages.

La musique a souvent fait appel Ă  ces fables persanes pour s’essayer Ă  l’Ă©vocation de l’Orient. Tant par la force de la parole, comme Ravel et les poĂ©sies de Klingsor et les rĂŞveries enivrantes de Rimski-Korsakov, la sensualitĂ© des Mille et Une Nuits en musique portent le trĂ©sor de l’exotisme et de la beautĂ©. Ajoutant tant du mĂ©rite que de la magie Ă  ce programme, la redĂ©couverte en France des pages de l’Aladdin de Carl Nielsen sont une surprise de taille. Le gĂ©nie Danois ne pouvait pas ĂŞtre Ă©cartĂ© d’une si belle Ă©vocation.

En effet, ce programme est composĂ© avec adresse, nous offrant Ă  la fois des pièces et musiques qui nous sont familières, mais aussi une dĂ©couverte qui, sans doute, passionnera les mĂ©lomanes pour Nielsen, un des grands compositeurs Danois. Pour certains, il est connu par son opĂ©ra Maskerade ou ses symphonies. Cependant son Aladdin prouve ĂŞtre un rĂ©el chef d’oeuvre de la musique narrative et allĂ©gorique. Nous recommandons notamment au lecteur le mouvement “La place du marchĂ© Ă  Ispahan”, avec ses quatre orchestres spatialisĂ©s, on se croirait au coeur des souks et des ruelles d’une mĂ©dina.

Karine Deshayes, cantatesPour ce concert, le voile s’est ouvert avec Karine Deshayes, au timbre riche de nuances et des contrastes essentiels Ă  Ravel. MalgrĂ© un manque de prosodie manifeste, nous sommes embarquĂ©s dans les rĂ©cits enivrants de ShĂ©hĂ©razade et des volutes de la musique de Maurice Ravel. Soliste Ă  son tour aussi, Lambert Wilson nous offre une voie ponctuĂ©e de poĂ©sie. Avec une dĂ©clamation enchanteresse et limpide, il dĂ©peint avec finesse une introduction allusive Ă  ce rĂŞve. Ses interventions nous rappellent Ă  la genèse littĂ©raire de ces nuits oĂą l’on survit par la passion du rĂ©cit et la soif de l’aventure.

Saluons vivement l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon et bien Ă©videmment ses chefs de pupitre. On y dĂ©couvre des phalanges aux mille et une couleurs. Dans Rimski-Korsakov et Nielsen il est Ă©vident que nous sommes face Ă  un orchestre manifestement au sommet. Le parcours de l’ONMLR, chaotique Ă  cause de la crise rĂ©cente, a survĂ©cu tel le phĂ©nix aux promesses des rĂ©cifs. Tel le navire de Sinbad il franchit les mers et nous mène vers une multitude de dĂ©couvertes que nous souhaitons partager encore et encore. Nous remarquons notamment la sublime prestation de Dorota Anderszewska, premier violon super soliste de l’Orchestre, elle incarne la voix de ShĂ©hĂ©razade avec clartĂ© et sensualitĂ©. Grâce Ă  ces formidables musiciens on a plaisir Ă  parcourir les belles pages de ce livre d’images que le programme nous propose. EspĂ©rons retrouver bientĂ´t cet orchestre au pinacle dans les plus grandes pages du rĂ©pertoire et aussi dans des redĂ©couvertes.

A sa tĂŞte, le chef Danois Michael Schønwandt fait un travail fascinant d’orfèvre, notamment chez Nielsen. On y retrouve des sonoritĂ©s inattendues, et dans les pages de Rimski-Korsakov, il nous dĂ©voile des surprises bien cachĂ©es avec des tempi enthousiasmants.  A la fin, nous avons la joie de redĂ©couvrir en Bis, la “Grande Marche Orientale” de l’Aladdin de Nielsen, un salut musical qui promet des nouvelles surprises pour la suite du festival. En rentrant, au loin, perce d’une façade la lueur d’un abat-jour, serais-ce une moderne ShĂ©hĂ©razade qui se plaĂ®t Ă  la rĂŞverie ou Ă  l’Ă©vocation?

 

 

 

Ă©tape 2 : MARDI 12 JUILLET 2016 – 18h, SALLE PASTEUR – LE CORUM

Jacques Offenbach
BA-TA-CLAN

FĂ©-an-nich-ton – StĂ©phanie Varnerin – soprano
FĂ©-ni-han – RĂ©my Mathieu – tĂ©nor
KĂ©-ki-ka-ko – Enguerrand de Hys – tĂ©nor
Ko-ko-ri-ko – Jean-Gabriel Saint-Martin – baryton

Agnès Pagès-Boisset – piano
Jean-Christophe Keck – direction

 

 

Le voyage se poursuit, après avoir passé par les encens de Bagdad, place à la chinoiserie rêvée des Boulevards parisiens.

KECK jean christophe keck operas offenbach les contes d hoffmann opera classiquenews 3_Offenbach_enchanteur_Jean-Christophe_KeckOn se plairait Ă  parler des concordances onomastiques sur le titre de l’oeuvre redĂ©couvertes ce 12 juillet Ă  Montpellier, mais que l’on nous excuse de passer sous silence toute corrĂ©lation. Ce n’est pas par les effusions que l’on rend hommage aux trĂ©passĂ©s, mais par le silence du recueillement.  Saluons l’enthousiasme et la vitalitĂ© du Festival Radio-France de Montpellier qui retrouve pour son public les trĂ©sors du passĂ© et les rend Ă  des nouvelles lumières. Aussi nous aimons Ă  voir jaillir, grâce Ă  la vision du Festival, des nouveaux talents.

Pour les retrouvailles de Ba-ta-clan, c’est une belle Ă©quipe qui s’offre Ă  nous, afin de donner une nouvelle vie Ă  ce petit opĂ©ra comique d’Offenbach, son premier grand succès. Ba-ta-clan a tout de la fantastique imagination du gĂ©nie comique du Second Empire. La musique est pĂ©tillante et le crescendo de l’intrigue nous mène tout droit vers un des dĂ©nouements les plus comiques de sa production. En effet, tous “les chinois” de cette partition s’avèrent ĂŞtre des Français dĂ©guisĂ©s.  De quoi alimenter la satyre politico-sociale pour une Ă©poque qui savait bien l’autodĂ©rision.

Finalement, comme dans l’intrigue, tous les chanteurs “chinois” sont bel et bien Français. Et c’est la fine fleur du chant Français qui nous offre une interprĂ©tation dĂ©sopilante et sensible au style. Incarnant le seul rĂ´le fĂ©minin, StĂ©phanie Varnerin nous rĂ©jouit par une voix claire, gĂ©nĂ©reuse, agile. Tout autant, le tĂ©nor Enguerrand de Hys, campe un KĂ©-ki-ka-ko, dĂ©sopilant de la première Ă  la dernière note. Ce jeune tĂ©nor, rĂ©vĂ©lation de l’ADAMI, se rĂ©vèle ĂŞtre un acteur complet et; il nous ravit lors du Ba-ta-clan final par une allĂ©gorie de trompette très rĂ©ussie. De mĂŞme son interprĂ©tation ne dĂ©mĂ©rite pas dans la richesse de son timbre qui est tour Ă  tour cristallin et veloutĂ©, un bel Ă©quilibre. Avec un accent de Brive-la-Gaillarde voulu par son personnage, le tĂ©nor RĂ©my Mathieu nous propose un FĂ©-ni-han aux couleurs multiples qui ajoutent une magie spĂ©ciale Ă  son personnage de souverain incompĂ©tent. Portant sur son visage le masque du terrible gĂ©nĂ©ral Ko-ko-ri-ko, Jean-Gabriel Saint-Martin est parfait et notamment dans le duo franco-italien avec FĂ©-ni-han. Le talent incontestable de cette joyeuse troupe nous fait constater encore une fois, que le chant Français a une relève certaine et qui nous ouvre des voies nouvelles dans l’interprĂ©tation. Avec un Ă©gal talent, nous sommes admiratifs par la formidable prestation de Anne Pagès-Boisset,qui interprète au piano la partition d’orchestre d’Offenbach sans perdre ni l’Ă©nergie, ni le rythme ni l’esprit.

A la tĂŞte de cette joyeuse troupe, le grand passionnĂ© d’Offenbach Jean-Christophe Keck nous propose un Ba-ta-clan rafraĂ®chi, incandescent, empli de joyaux inoubliables qui demeurent dans la tĂŞte bien après la fin de l’opĂ©ra comique.

Dans l’attente de la reconnaissance d’Offenbach comme l’un des grands gĂ©nies lyriques de la musique Française, continuons Ă  le redĂ©couvrir avec Jean-Christophe Keck. ambassadeur engagĂ©s, passionnant.

 

 

 

Ă©tape 3 : MARDI 12 JUILLET 2016 – 20h30
LA SYMPHONIE FANTASTIQUE 

MAURICE RAVEL 1875-1937
Concerto pour piano en sol Majeur 

HECTOR BERLIOZ 1803-1869
Symphonie fantastique opus 14
Épisode de la vie d’un artiste en cinq parties
Rêveries – Passions
Un Bal
Scène aux champs
Marche au supplice
Songe d’une nuit de sabbat

Lucas Debargue, piano
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev direction, remplacé par Andris Poga

 

 

Les détours 

Un festival est l’occasion de rencontres et de dĂ©couvertes. La thĂ©matique d’un festival est aussi ce que serait une boussole pour l’explorateur dans une jungle infranchissable. Le Festival Radio-France de Montpellier s’est toujours dĂ©marquĂ© par le respect de sa thĂ©matique et de ses dĂ©clinaisons en propositions Ă  l’imagination passionnante. C’est pourquoi l’on s’Ă©tonne du programme du concert du soir du 12 juillet. S’il est vrai que faire une entorse au parcours thĂ©matique est souvent nĂ©cessaire pour faire une respiration dans la suite des programmes, un tel dĂ©tour Ă©tait-il pertinent?

Dans la nouvelle configuration rĂ©gionale, Toulouse et Montpellier sont les deux piliers et aussi les deux rivales culturelles du grand sud-ouest de la France. Le Capitole et l’OpĂ©ra ComĂ©die se font face mais sont tout aussi riches par les moyens et la programmation. Convier au grand Festival de Montpellier l’Orchestre du Capitole scelle la volontĂ© d’intĂ©gration culturelle de la nouvelle Occitanie.berlioz-hector-dessin-michael-leonard-1980De mĂŞme, ce concert offre l’occasion Ă  Montpellier d’accueillir la première interprĂ©tation du Concerto en sol de Ravel au jeune Lucas Debargue. Ce pianiste a suscitĂ© une vĂ©ritable passion auprès des mĂ©lomanes depuis son triomphe au concours Tchaikovsky. Depuis, on constate que son agenda doit se remplir avec un ressac incessant de sollicitations. Il est vrai que son Concerto en sol a Ă©tĂ© techniquement irrĂ©prochable. En admettant que la musique est un art plus qu’une exactitude scientifique, alors la muse Erato devait vaquer ailleurs. MalgrĂ© des gestes Ă  l’enthousiasme Ă©tudiĂ© qui ont davantage polluĂ© l’interprĂ©tation qu’ajoutĂ© un rĂ©el raffinement, nous remarquons que Monsieur Debargue semble plutĂ´t vouloir gesticuler comme une “cĂ©lĂ©britĂ©” du piano que partager une Ă©motion. Tel est, hĂ©las, souvent le lot de la perfection technique, la beautĂ© froide, l’univers impĂ©nĂ©trable mais un dĂ©faut de partage, de gĂ©nĂ©rosité…. osons dire : de simplicitĂ© musicale ?

Après les applaudissements, “pour les fauteuils au fond de la salle”, M. Debargue nous propose un Menuet sur le nom d’Haydn en “bis”. Cette sublime pièce de Ravel devient ainsi une sorte de prĂ©texte aux ovations.

En deuxième partie, l’Orchestre du Capitole nous propose une Symphonie Fantastique aux accents de dĂ©jĂ  vu. Le rĂ©chauffĂ©, heureusement comporte des saveurs intĂ©ressantes grâce Ă  la direction incandescente et prĂ©cise d’Andris Poga. Finalement, l’indisposition du maestro Sokhiev, nous fait dĂ©couvrir un chef Ă  l’esprit narratif perçant et aux multiples facettes de coloriste. Que ce soit dans Ravel ou dans Berlioz, Andris Poga se fond dans la musique et offre au Capitole une belle occasion de nous surprendre.

Ce dĂ©tour des routes de l’Orient semble un peu surprenant et finalement dĂ©cevant. MalgrĂ© tout, nous poursuivons la route des Orientales promesses en quittant Toulouse et ses briques roses sans regret.

31ème fĂŞte de Radio France dans cette citĂ© de pierre blanche et de soleil, la leçon de l’Orient nous rĂ©jouit. On se plait Ă  ouvrir mentalement le coffret de santal des musiques inconnues murmurĂ©es par les sables et les dunes. Ou bien en imaginant des fables sous les arpèges des musiques insoupçonnĂ©es.
Et le train qui prend le cap vers les plaines de l’ĂŽle de France traverse encore et toujours un pays qui a toujours rĂŞvĂ© des contrĂ©es oĂą le soleil ne se couche pas.

 

 

 

Montpellier. Ba-ta-clan d’Offenbach, hommage aux victimes du terrorisme

offenbachMontpellier, mardi 12 juillet 2016. Offenbach: Ba-ta-clan. La culture et l’opéra engagés, tels qu’on les aime. Passionnément. BA-TA-CLAN, ou trois syllabes, rempart contre la barbarie, ou manifeste pour le vivre ensemble résistant, résolument, viscéralement pacifiste, fraternel et humaniste. Un nouveau triptyque qui inscrit la musique et l’opéra, le chant et le travail collectif du spectacle tel l’appel à vaincre le terrorisme… BA-TA-CLAN ou liberté, égalité, fraternité : même combat. Jamais Offenbach n’aurait imaginé pareil destin pour son œuvre dont la conjonction du titre avec la récente actualité, fait aujourd’hui la brûlante expressivité. Le festival de Montpellier ose cet été un hommage musical pourtant juste : « Ba-ta-clan, en hommage à toutes les victimes du terrorisme ». Car il ne faut pas oublier ce qui a été commis. Car il faut absolument s’élever contre toute atteinte à notre démocratie et faire de notre culture, une action concrète de résistance. Voilà pourquoi classiquenews souligne la pertinence de cette production au sein de l’agenda plutôt copieux de l’été 2016.

Offenbach: Ba-ta-clan
Montpellier, mardi 12 juillet 2016, 18h
Le Corum, salle Pasteur

Entrée libre dans la liste des places disponibles
Diffusion en directe sur France Musique
Billetterie, réservations recommandées :
AU +33 (0) 4 67 02 02 01
Du lundi au vendredi de 10h Ă  12h et de 14h Ă  18h.

Synopsis. L’action se dĂ©roule dans une chine des plus fantaisistes – Pays de ChĂ©-i-no-or – dans les jardins du palais de l’Empereur FĂ©-ni-han dit ” Roi en son palais ” . Ko-ko-ri-ko, chef de la garde conspire contre l’Empereur. Offenbach imagine d’emblĂ©e une scène d’ouverture oĂą le chinois de mise s’élève tel un galimatias incomprĂ©hensible, source d’onomatopĂ©es redoutables pour les chanteurs…

La princesse FĂ©-an-nich-ton, lectrice de romans français, est visitĂ©e par le mandarin KĂ©-ki–ka-ko, tous deux s’aperçoivent qu’ils sont français : KĂ©-ki-ka-ko est en rĂ©alitĂ© le Vicomte Alfred de CĂ©risy qui fit un jour naufrage sur les cĂ´tes chinoises et FĂ©-an-nich-ton est une chanteuse lĂ©gère c’est Ă  dire Virginie Durand capturĂ©e par les soldats de FĂ©-ni-han lors d’une tournĂ©e en ExtrĂŞme-Orient. Ils Ă©voquent avec nostalgie la vie parisienne Ă  jamais perdue…

L’Empereur Fé-ni-han chasse les conspirateurs ; il est lui aussi en proie au spleen car il partage le sort de la princesse et du mandarin : lui aussi est français, natif de Brive-la-Gaillarde … il s’appelle en réalité Anastase Nourrisson et décide lui aussi de rejoindre la France et Paris.

Les fuyards Fé-an-nich-ton et Ké-ki-ka-ko sont arrêtés par Ko-ko-ri-ko qui exige en italien à l’Empereur leur exécution. Mais Virginie et Alfred chantant La Ronde de Florette, Fé-ni-han s’en émeut et reconnaissant des compatriotes, enjoint pour les sauver à Alfred de prendre sa place comme Empereur afin de lui permettre de rejoindre Paris illico.
Mais KĂ©-ki-ka-ko / Alfred, refuse et chante le Ba-ta-clan, l’Hymne des conjurĂ©s. MĂŞme l’Empereur entonne le chant qui est Ă©crit contre lui. Sur ces entrefaits, on apprend que Ko-ko-ri-ko est lui aussi d’origine française : nĂ© rue Mouffetard, maison de la blanchisseuse ; il est prĂŞts Ă  les aider dans leur fuite pourvu qu’il puisse ” fĂ©-ni-hantiser ” Ă  la place de I’ Empereur.

Bientôt des escales / relais, de Pékin à Pantin sont organisés ; dans leur bonheur, les fuyards chantent une dernière fois le motif du Ba-ta-clan : hymne fraternel pour la liberté et l’émancipation; marquant le retour à la vraie vie.

Le chant du Ba-ta-clan, hymne à la liberté et à la révolte

Sous couvert de comĂ©die fantaisiste, Ba-ta-clan Ă©gratigne le pouvoir et la sociĂ©tĂ© française, en 1855, soit 3 ans après le coup d’Etat qui a instituĂ© l’Empire après la RĂ©publique. Virage dĂ©mocratique des plus brutal qu’Offenbach n’oublie pas de dĂ©noncer avec une subtilitĂ© musicale et poĂ©tique que Ba-ta-clan illustre avec dĂ©lire et aplomb dramatique. L’Empereur FĂ©-ni–han (« faineant ou fait hi-han ? ») cible la figure emblĂ©matique de ce Second Empire fantĂ´che, le Prince Louis NapolĂ©on. Pour se faire Ă©lire PrĂ©sident de la RĂ©publique française, Louis NapolĂ©on sut paraĂ®tre masquĂ© sous le masque du parfait benĂŞt, neutre et sans relief. Comme le prĂ©cise le texte de prĂ©sentation de cette production Ă  Montpellier : « Victor Hugo, lui-mĂŞme ne cachait pas ses prĂ©fĂ©rences pour ” un fainĂ©ant, un automate qui soit leur crĂ©ature ».

Dans leur livret Offenbach et Halevy dilue davantage leurs pics satiriques en rĂ©servant au personnage du jeune coq français, Ko-ko-ri-ko ce chant italiano-chinois, mixte propre Ă  dĂ©router lĂ  encore les esprits affĂ»tĂ©s et critiques. Cour nonchalante et molle (aboutissant au dĂ©sastre de 1870), la Cour de NapolĂ©on III, FĂ©-ni-han, Ă©pingle un Second Empire oublieux, et nĂ©gligent : en particulier Ă  l’endroit du demi-frère de Louis NapolĂ©on, le Duc de Morny, ainsi que pour ceux qui l’aidèrent Ă  rendre possible le Coup d’Etat de 1852.

Irresponsables et plutôt individualistes, les personnages de Ké-ki-ka-ko et Fé-an-nich-ton incarnent deux parisiens du boulevard qui se détachent des contingence de politique générale pour mieux réussir leur propre fuite.
C’est pourtant le chant de la révolte qui est aussi appel à la liberté, le Ba-ta-clan qui les réunit tous, y compris l’empereur, prêt à entonner l’hymne qui lui est directement hostile. C’est peut-être cette absence de conscience et de responsabilité qu’Offenbach et Halévy dénoncent en profondeur.
Une responsabilité et une conscience démocratique qui font défaut aussi en ce début du XXIème siècle.
Ba-ta-clan est une farce chinoise aux enjeux politiques plus affûtés qu’il n’y paraît. Production lyrique événement à Montpellier.

Festival de Radio France et Montpellier 2016

JACQUES OFFENBACH (1819-1880)
Ba-Ta-Clan
Chinoiserie musicale en 1 acte (1855)

Livret de Ludovic Halévy
Version de concert
Édition critique de Jean-Christophe Keck

Stéphanie Varnerin, soprano,  Fé-an-nich-ton
Rémy Mathieu, ténor,  Fé-ni-han
Enguerrand de Hys, ténor,  Ké-ki-ka-ko
Jean-Gabriel Saint-Martin, baryton,  Ko-ko-ri-ko

Anne Pagès-Boisset, piano
Jean-Christophe Keck, direction
En hommage Ă  toutes les victimes du terrorisme

Dans le cadre de la journĂ©e “Ă€ pleines voix”

Geneviève de Brabant à Montpellier

genevieve_brabant_750Montpellier, OpĂ©ra Berlioz. Offenbach : Geneviève de Brabant. Les 16, 18, 20 mars 2016. ValĂ©rie Chevalier (directrice gĂ©nĂ©rale) et le chef principal Michael Schonwandt, choisissent une raretĂ© d’Offenbach, non Elizabeth de Brabant (comme dans Lohengrin de Wagner, 1845) mais “Geneviève”, protagoniste ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e de la prochaine nouvelle production lyrique Ă  l’OpĂ©ra de Montpellier. L’opĂ©ra bouffe sur un livret de CrĂ©mieux et TrĂ©feu est créé aux Bouffes-Parisiens en 1859 et donnĂ©e Ă  l’OpĂ©ra Berlioz dans la version rĂ©visĂ©e critique de Jean-Christophe Keck (2015) lequel s’appuie essentiellement sur la version tardive de 1867.  Victimes de leur genèse difficiles voire rocambolesques, ou avortĂ©es (Les Contes d’Hoffmann), les ouvrages d’Offenbach peinent Ă  retrouver la cohĂ©rence originelle souhaitĂ©e par l’auteur. Espèrons que la version Keck 2015, saura prĂ©senter l’unitĂ© dramatique d’une pièce comique Ă  rĂ©estimer. En plein Second Empire, Offenbach s’empare du personnage de Geneviève de Brabant, “alter ego” de Jeanne d’Arc. Jamais content de ses Ă©crits ou toujours prĂŞt Ă  rĂ©gĂ©nĂ©rer l’opĂ©ra en fusionnant les genres, Offenbach rĂŞvait surtout d’une lĂ©gende mĂ©diĂ©vale d’essence fĂ©erique.

Qui est cette Geneviève méconnue ? Quelles facettes du personnage, Offenbach a t il souhaité nous dévoiler ? Le chef Claude Schnitzler et le metteur en scène Carlos Wagner se retrouvent ici (après entre autres une Carmen très convaincante, présentée à Metz et à Nancy). Justesse, sobriété, vraissemblance émotionnelle seront-elles au rendez vous de cette nouvelle production, événement lyrique à Montpellier en mars 2016 ?

boutonreservationGeneviève de Brabant d’Offenbach (version 1867) Ă  Montpellier
Montpellier, Opéra Berlioz / Le Corum
Les mercredi 16, vendredi 18 (Ă  20h) et dimanche 20 mars 2016 (Ă  15h)
Nouvelle production
Avec Jodie Devos, Geneviève

Carlos Wagner, mise en scène
Claude Schnitzler, direction

Conférence de Jean-Christophe Keck,
mardi 15 mars 2016, 18h30, Salle Molière
Enjeux et défis de la nouvelle production dans sa version critique
Entrée gratuite

 

Geneviève de Brabant à Montpellier

genevieve_brabant_750Montpellier, OpĂ©ra Berlioz. Offenbach : Geneviève de Brabant. Les 16, 18, 20 mars 2016. ValĂ©rie Chevalier (directrice gĂ©nĂ©rale) et le chef principal Michael Schonwandt, choisissent une raretĂ© d’Offenbach, non Elizabeth de Brabant (comme dans Lohengrin de Wagner, 1845) mais “Geneviève”, protagoniste ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e de la prochaine nouvelle production lyrique Ă  l’OpĂ©ra de Montpellier. L’opĂ©ra bouffe sur un livret de CrĂ©mieux et TrĂ©feu est créé aux Bouffes-Parisiens en 1859 et donnĂ©e Ă  l’OpĂ©ra Berlioz dans la version rĂ©visĂ©e critique de Jean-Christophe Keck (2015) lequel s’appuie essentiellement sur la version tardive de 1867.  Victimes de leur genèse difficiles voire rocambolesques, ou avortĂ©es (Les Contes d’Hoffmann), les ouvrages d’Offenbach peinent Ă  retrouver la cohĂ©rence originelle souhaitĂ©e par l’auteur. Espèrons que la version Keck 2015, saura prĂ©senter l’unitĂ© dramatique d’une pièce comique Ă  rĂ©estimer. En plein Second Empire, Offenbach s’empare du personnage de Geneviève de Brabant, “alter ego” de Jeanne d’Arc. Jamais content de ses Ă©crits ou toujours prĂŞt Ă  rĂ©gĂ©nĂ©rer l’opĂ©ra en fusionnant les genres, Offenbach rĂŞvait surtout d’une lĂ©gende mĂ©diĂ©vale d’essence fĂ©erique.

Qui est cette Geneviève méconnue ? Quelles facettes du personnage, Offenbach a t il souhaité nous dévoiler ? Le chef Claude Schnitzler et le metteur en scène Carlos Wagner se retrouvent ici (après entre autres une Carmen très convaincante, présentée à Metz et à Nancy). Justesse, sobriété, vraissemblance émotionnelle seront-elles au rendez vous de cette nouvelle production, événement lyrique à Montpellier en mars 2016 ?

boutonreservationGeneviève de Brabant d’Offenbach (version 1867) Ă  Montpellier
Montpellier, Opéra Berlioz / Le Corum
Les mercredi 16, vendredi 18 (Ă  20h) et dimanche 20 mars 2016 (Ă  15h)
Nouvelle production
Avec Jodie Devos, Geneviève

Carlos Wagner, mise en scène
Claude Schnitzler, direction

Conférence de Jean-Christophe Keck,
mardi 15 mars 2016, 18h30, Salle Molière
Enjeux et défis de la nouvelle production dans sa version critique
Entrée gratuite

 

Compte-rendu, opĂ©ra. Montpellier, OpĂ©ra Berlioz, le 7 fĂ©vrier 2016. Puccini : Turandot. Katrin Kapplusch, Rudy Park…

Après Nancy voilà un peu plus de deux ans, cette superbe production de l’ultime chef-d’œuvre de Puccini fait halte à Montpellier, comme apportée par Valérie Chevalier dans ses bagages. On retrouve ainsi avec bonheur la mise en scène de Yannis Kokkos, qui sert l’œuvre par son dépouillement et son esthétisme. Le rouge et le noir qui colorent tous les tableaux font toujours aussi durement sentir le poids de la fatalité et du destin façonnés par la terrible princesse ; et on demeure toujours aussi attendris par la scène ouvrant le deuxième acte, où les trois Ministres, enivrés par les vapeurs de l’opium, évoquent  chacun la maison où les porte leur fantaisie. Sans parler du silence absolu dans lequel le Prince inconnu dépose ses lèvres sur celles de la Princesse de glace, signant ainsi la fin de sa tyrannie et la naissance de leur amour.

Initialement créée Ă  Nancy, cette Turandot oĂą chaque personnage affirme sa propre intĂ©rioritĂ©, convainc Ă  Montpellier…

La démesure faite voix

turandot katrin kapplusch montpellier opera critique review classiquenewsLa distribution, quasiment identique à celle de Nancy, appelle toujours les mêmes éloges, jusqu’aux plus petits rôles. Au Mandarin et Jeune Prince de Perse très bien chantant et percutant de Florian Cafiero répond l’Empereur Altoum émouvant et en belle forme vocale d’Eric Huchet, magnifiant un personnage souvent sacrifié sous le poids de l’âge. Aussi virevoltants qu’ambigus et étranges, les trois Ministres incarnés par Chan Hang Lim, Loïc Félix et Avi Klemberg raflent la mise grâce à la complémentarité de leurs voix, parfaitement appariées, et la précision avec laquelle ils exécutent la direction d’acteurs qui leur est dévolue, véritable chorégraphie tricéphale. Le Timur de Gianluca Burratto fait grande impression par son instrument ample et riche, à l’autorité percutante, rappelant comme rarement le souverain que fut le vieil aveugle. Il est accompagné par la délicieuse Liù de la jeune soprano italienne Mariangela Sicilia, saluée à l’issue du spectacle par une ovation si soudaine que la chanteuse en fut émue aux larmes. Si le timbre n’est pas d’une exceptionnelle beauté, la technicienne et surtout la musicienne savent illuminer la ligne de chant d’une façon simple et émouvante, que rehaussent de superbes pianissimi dans l’aigu, pour culminer dans une mort poignante. Endossant à nouveau le terrible rôle-titre, Katrin Kapplusch paraît moins à l’aise dans son entrée. Est-ce l’effectif orchestral, paraissant plus important ici qu’à Nancy, ou la fosse d’orchestre du Corum, plus vaste et plus ouverte que celle du théâtre de la place Stanislas ?  Toujours est-il que la chanteuse semble devoir lutter contre le torrent instrumental qui gronde sous ses pas, et ainsi pousser sa voix, notamment dans les extrêmes aigus, moins souples qu’avant. La soprano allemande excelle néanmoins comme peu d’autres à dévoiler les failles du personnage, moins féroce créature que femme dévorée par la peur. Une incarnation qui fait merveille dans le troisième acte, où se mettent à nu les sentiments contradictoires qui agitent la princesse, jusqu’à son éveil à l’amour, une humanisation rendue possible grâce à de magnifiques nuances, et qui lui permettent d’achever l’œuvre dans une grande émotion.
Face à elle se dresse une fois encore, aussi conquérant qu’inexorable, le Calaf d’airain de Rudy Park. Avouons notre admiration sans cesse renouvelée face à ce chant d’une solidité à toute épreuve, véritablement herculéen, à l’image de sa stature de géant. Si en cet après-midi, les notes situées dans le haut médium apparaissent un rien alourdies et raccourcies – une tentation souvent grande pour les instruments aussi larges, à surveiller de près afin de conserver dans la durée des moyens aussi phénoménaux –, l’aigu éclate admirablement, depuis des appels telluriques au premier acte, jusqu’à un « Nessun Dorma » renversant d’héroïsme, n’excluant pourtant aucune nuance, couronné par un si naturel parmi les plus exceptionnels qu’il nous ait été donné d’entendre. Le public ne s’y trompe pas et éclate de joie avant même la fin de l’air,… pour se lever comme un seul homme au moment des saluts lorsque le ténor coréen vient recueillir sa part d’applaudissements.

On ne manquera pas de féliciter les chœurs, celui de Nancy étant venu prêter main-forte à celui de Montpellier, magnifique préparés et généreusement sonores. A la tête des forces montpelliéraines, Michael Schønwandt, nouveau directeur principal de l’orchestre depuis septembre 2015, dirige cet après-midi son premier opéra in loco. Un véritable coup de maître, tant les musiciens paraissent heureux de jouer sous sa direction. La pâte sonore se déploie lentement, superbe d’unité et pourtant parfaitement définie pour chacun des pupitres, et c’est un vrai régal de se laisser emporter par les lames de fond montant de la fosse, faisant littéralement vibrer le plancher, des vagues savamment conduites et qui achèvent de soulever la salle toute entière. Un public en liesse, debout, heureux d’avoir pu goûter à l’art lyrique dans toute sa démesure, et ainsi perdre la tête. Et nous avec.

Montpellier. OpĂ©ra Berlioz-Le Corum, 7 fĂ©vrier 2016. Giacomo Puccini : Turandot. Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni. Avec Turandot : Katrin Kapplusch ; Calaf : Rudy Park ; Liù : Mariangela Sicilia ; Timur : Gianluca Burratto ; Ping : Chan Hang Lim ; Pang : LoĂŻc FĂ©lix ; Pong : Avi Klemberg ; Altoum : Eric Huchet ; Un Mandarin, le Jeune Prince de Perse : Florian Cafiero. ChĹ“ur d’OpĂ©ra Junior – Petit OpĂ©ra ; Chef  de chĹ“ur : Caroline Comola. ChĹ“urs de l’OpĂ©ra National Montpellier Languedoc-Roussillon et de l’OpĂ©ra National de Lorraine ; Chefs de chĹ“ur : NoĂ«lle GĂ©ny et Merion Powell. Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. Michael Schønwandt, direction musicale. Mise en scène, dĂ©cors et costumes : Yannis Kokkos ; Lumières : Patrice Trottier ; Dramaturgie : Anne Blancard ; ChorĂ©graphie : Natalie Van Parys

Montpellier. Opéra Comédie, le 18 octobre 2015. Jules Massenet : Chérubin. Marie-Adeline Henry, Cigdem Soyarslan, Norma Nahoun, Igor Gnidii. Jean-Marie Zeitouni, direction musicale. Juliette Deschamps, mise en scène

Massenet jules cherubin Jules_Massenet_portraitPour inaugurer la première véritable saison de son mandat à la tête de l’Opéra National de Montpellier, Valérie Chevalier a fait le pari de la rareté, avec un petit bijou trop peu représenté dans le paysage lyrique : Chérubin de Jules Massenet. Créé en 1905 à Monte-Carlo, l’ouvrage demeure l’un des plus amoureusement caressés par le compositeur, et on se laisse vite enivrer par ses harmonies chatoyantes et la douce langueur de ses mélodies. On retrouve le personnage qu’on a tant chéri chez Mozart, avec quelques années de plus mais toujours aussi pleinement passionné par le beau sexe, amoureux de l’amour à en perdre l’esprit. Un portrait qui demande à la fois timidité, pudeur, et pourtant érotisme et sensualité. Ce qui manque en somme à la mise en scène imaginée par Juliette Deschamps.

Tendresse de Chérubin, où es-tu?

Si dans le programme de salle, la scénographe paraît avoir saisi l’essence même de l’œuvre, ce doux parfum semble s’être évaporé une fois porté à la scène. Trop de géométrie, trop d’angles et d’arêtes, trop de brutalité pour une musique réclamant rondeurs et caresses. La transposition dans la Californie des années 30, pour originale qu’elle soit, apporte finalement peu de choses et entre trop souvent en contradiction avec l’esprit profondément espagnol qui règne tout au long des trois actes. Si l’androgynie qui paraît être la règle pour les personnages principaux se justifie aisément pour le rôle-titre – et ne manque pas d’allure dans ce cas précis, rappelant irrésistiblement Marlene Dietrich –, on demeure plus circonspect envers un Philosophe affublé d’un tutu malgré son frac, et un Duc aux manières caricaturalement efféminées. Seule l’Ensoleillad, surréaliste et onirique grâce à son immense robe formée d’une multitude de mains – celles de ses innombrables admirateurs –, semble à sa place. En outre, on ne parvient pas à apprécier, malgré leur professionnalisme, la présence des danseurs obligés de se trémousser… y compris lorsque le climat musical est tendre et doux. Un comble !

 

 

 

Massenet-cherubin-opera-comte-rendu-critique-OONM-Cherubin12@Marc-Ginot

 

 

Musicalement, par bonheur, le plaisir est au rendez-vous, notamment grâce à la direction remarquable de Jean-Marie Zeitouni, galvanisant les musiciens de l’Orchestre National de Montpellier. Le chef canadien aime profondément Massenet, et cela s’entend. Le brillant de la première partie laisse vite place, une fois l’entracte passé, à la volupté du tapis orchestral, véritable velours sonore dans lequel l’oreille se roule avec délice. A ce titre, on n’oubliera pas de sitôt l’accompagnement déchirant du Testament de Chérubin ouvrant le troisième acte, l’un des plus beaux moments de la représentation.

Dans le rôle-titre, Marie-Adeline Henry fait valoir l’étendue et la puissance de sa voix ainsi que le raffinement de ses nuances, en outre excellente actrice. Seule la diction mériterait davantage de clarté pour permettre à cette jeune chanteuse d’occuper la place qu’elle mériterait dans ce répertoire.

L’Ensoleillad de la soprano turque Cigdem Soyarslan, malgré une belle élocution française et de beaux moyens vocaux, déçoit quelque peu. En cause : un instrument paraissant en ce dimanche comme terni et alourdi, manquant de l’apesanteur rayonnante qu’appelle la partition.

Lumière pure que possède en revanche la Nina délicieuse de Norma Nahoun, qui fait notamment de son air « Lorsque vous n’aurez rien à faire », authentique joyau de la partition, un pur moment de suspension musicale.

Philosophe tendre et paternel, Igor Gnidii offre une composition très réussie, nonobstant une émission un rien sombrée, qui n’empêche pourtant pas un legato bien conduit et un aigu percutant.

On retrouve avec plaisir Michèle Lagrange pour ce qui constitue ses adieux au public, dans une Comtesse drôle et toujours aussi sonore, et on salue une très grande artiste. A ses côtés, le jeune baryton Philippe Estèphe incarne un Comte aussi rageur et que bien chantant.

Baronne excellente bien que moins charismatique d’Hélène Delalande, tandis qu’on apprécie une fois encore la présence scénique et la voix généreuse de Julien Véronèse, et qu’on rit sans réserve devant le numéro impayable de François Piolino, incisif et admirable diseur. Le Ricardo exemplaire de Denzil Delaere ainsi que l’Aubergiste sympathique et ronchon de Jean-Vincent Blot complètent cette excellente distribution presque exclusivement francophone.

Beau travail également que celui des chœurs de la maison montpelliéraine, toujours impeccablement préparés et d’une homogénéité jamais prise en défaut. Un après-midi dont on revient néanmoins heureux et ému d’avoir pu déguster une si belle musique.

Montpellier. Opéra Comédie, 18 octobre 2015. Jules Massenet : Chérubin. Livret de Francis de Croisset et Henri Cain. Avec Chérubin : Marie-Adeline Henry ; L’Ensoleillad : Cigdem Soyarslan ; Nina : Norma Nahoun : Le Philosophe : Igor Gnidii ; La Comtesse : Michèle Lagrange ; Le Comte : Philippe Estèphe ; La Baronne : Hélène Delalande ; Le Baron : Julien Véronèse ; Le Duc : François Piolino ; Capitaine Ricardo : Denzil Delaere ; L’Aubergiste : Jean-Vincent Blot. Chœurs de l’Opéra National Montpellier Languedoc-Roussillon ; Chef de chœur : Noëlle Gény ; Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. Direction musicale : Jean-Marie Zeitouni. Robert Tuohy. Mise en scène : Juliette Deschamps ; Décors : Macha Makaïeff ; Costumes : Vanessa Sannino ; Lumières : François Menou. Illustration : © M Ginot / Opéra de Montpellier 2015

Compte rendu, concert. Montpellier, Opéra Berlioz-Le Corum. Le 19 juillet 2015. Koering : Sprachgitter Ephrem. Wagner, Liszt. Orchestre national de France. Alexander Vedernikov, direction.

Montpellier est une ville magique mĂŞme quand elle est assoupie. Sous un ciel de cobalt avec Ă  son zĂ©nith, une perle d’or et de feu, les volets demeurent clos, les ruelles semblent serpenter entre feu et ombre, sous les silences du sommeil mĂ©ridien. Le promeneur s’essaye aux musĂ©es, il s’Ă©gare dans les allĂ©es et finit son parcours dans une terrasse pour y goĂ»ter le nectar des maquis, un Pic Saint-Loup moirĂ© de velours cramoisi. A l’heure oĂą les cistres des cigales pĂ©rissent dans la nuit, c’est un public endimanchĂ© qui s’affaire dans Le Corum. Vestes en lin, robes fleuries et chaussures en daim, tout se prĂ©pare pour l’Ă©vĂ©nement: une crĂ©ation! En effet, ce 30ème Festival de Radio-France et Montpellier ne pouvait aucunement ignorer la figure tutĂ©laire de RenĂ© Koering. Ce concert est plus qu’un hommage ou une rĂ©trospective, c’est un manifeste du prĂ©sent. RenĂ© Koering est reçu comme un crĂ©ateur, un tĂ©moin fort de la musique.

En effet, les quatre pièces qui forment le programme sont Ă©trangement complĂ©mentaires. D’une suite recomposĂ©e par RenĂ© Koering, de PellĂ©as et MĂ©lisande, une formidable crĂ©ation “Sprachgitter Ephrem”, deux larges extraits du Parsifal de Wagner et le rare poème symphonique Mazeppa de Liszt, tout est une sorte de narration inspirĂ©e du monde crĂ©atif du compositeur.

La source et la mer

Nous passerons assez vite sur la “suite” de PellĂ©as et MĂ©lisande qui reprend les moments les plus contemplatifs de la partition de Debussy, cependant, on retrouve une sorte de pâte musicale, qui nous offre une vision très moderne de ce monument lyrique, sans les vers de Maeterlinck, finalement, PellĂ©as et MĂ©lisande aurait bien pu ĂŞtre un poème symphonique. Cette suite intelligemment pensĂ©e, glisse comme une Ă©charpe de soie, comme une lumière fugitive sur une fresque de Puvis de Chabannes.

Koering rene portrait classiquenews-Rene1_c_Ginot-JennepinCe qui fut passionnant sans Ă©quivoque fut le Concerto pour piano(s) et orchestre de RenĂ© Koering (portrait ci-contre). A la fois dĂ©peignant les horreurs barbares de la guerre et une sorte de mĂ©lismes poĂ©tiques imprĂ©gnĂ©s de romantisme, ce “Sprachgitter Ephrem” devient une crĂ©ation subjuguĂ©e Ă  l’astre dramatique des heures blĂŞmes. Par moments, on retrouverait mĂŞme des couleurs dignes des tableaux de Caspar David Friedrich, des consonances très proches d’un rĂŞve sur le temps, l’angoisse des souvenirs, encore un tĂ©moignage d’un passĂ© douloureux qui ne veut plus nous quitter. Par moments le piano est un amortisseur sensuel de l’orchestre, souvent incisif et en une seconde, on entend le deuxième piano en coulisses, dans un lamento nu, dĂ©naturĂ© et splendide, tel un spectre, une psychĂ© du piano concertant. Cette belle crĂ©ation a rĂ©vĂ©lĂ© la profonde grâce de la musique de RenĂ© Koering. Si les influences semblent ĂŞtre lĂ , on trouve que le langage propre au compositeur se dĂ©ploie sans autre force que la sienne. Les autres pièces sont intĂ©ressantes, et nous remarquerons notamment le sublime Mazeppa de Liszt, formidable Ă©preuve de virtuositĂ© et de voltige pour l’orchestre.

CĂ´tĂ© interprètes, remplaçant Boris Berezovsky pour la crĂ©ation de RenĂ© Koering, c’est le jeune Yuri Favorin qui relève le dĂ©fi magnifiquement bien. Si on peut lui reprocher un rien d’hĂ©sitation, il est formidable par cette Ă©preuve qui nous permet de le connaĂ®tre sous des excellents auspices.

L’Orchestre National de France, vouĂ© depuis ces dernier mois Ă  l’incertitude de son destin, malgrĂ© un Wagner un peu mollasson, est dans une forme exceptionnelle pour le Liszt et le Concerto, les couleurs et les effets sont lĂ . D’ailleurs, les musiciens ont rĂ©ussi Ă  vaincre les tempi, quelque fois trop brutaux de Alexander Vedernikov.  En effet le chef russe ne dirige pas avec subtilitĂ©, c’est plutĂ´t une lutte entre le pupitre et les phalanges, le pire Ă©tant les extraits de Parsifal rendus … inintĂ©ressants et par moments ennuyeux. Le Mazeppa, demeure juste mais l’excès de gestes du chef a certainement empiĂ©tĂ© largement sur la prĂ©cision. Quoi qu’il en soit, la soirĂ©e se termine avec le sentiment qu’un nouveau rĂ©veil pour le romantisme est possible, surtout quand sous les arbres de Montpellier, la lune est blanche comme un oeil d’ivoire.

Compte rendu, opĂ©ra. Montpellier. OpĂ©ra, le 29 mars 2014. Chabrier : L’Etoile. Samy Camps, HĂ©loĂŻse Mas, solistes et choeurs OpĂ©ra Junior. Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. JĂ©rĂ´me Pillement, direction musicale. BenoĂŻt BĂ©nichou, mise en scène.

chabrier Ă©toile montpellier opĂ©ra junior mars 2014L’Étoile (1877), opĂ©ra-bouffe en trois actes d’Emmanuel Chabrier est certainement le meilleur ouvrage lyrique de son auteur voire l’un des joyaux du genre. Le livret signĂ© Eugène Leterrier et Albert Vanloo raconte l’histoire d’un despote qui cherche parmi ses sujets celui qui se fera empaler pour une fĂŞte publique annuelle… rĂ©jouissante perspective. Mais un astrologue prĂ©vient le monarque qu’il mourra 24 heures après sa victime… S’enchaĂ®nent donc pĂ©ripĂ©ties et confusions amoureuses assez invraisemblables mais d’une grande et bonne humeur. Une rĂ©serve d’effets et de surprises dramatiques, propices au dĂ©lire et Ă  la poĂ©sie les plus dĂ©lectables.

 

 

L’exubĂ©rante Etoile de l’OpĂ©ra Junior

 

OpĂ©ra Junior propose aux jeunes de Montpellier et de sa rĂ©gion une formation lyrique, dès la première jeunesse. FondĂ© en 1990 par Vladimir Kojoukharov, l’atelier acadĂ©mie est dirigĂ© depuis 2009 par JĂ©rĂ´me Pillement, qui dirige en l’occurrence l’ Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon pour les deux reprĂ©sentations uniques de cette nouvelle production. Le jeune metteur en scène BenoĂ®t BĂ©nichou crĂ©e un spectacle très proche de l’univers théâtral d’un Sivadier, oĂą le parti-pris est celui d’une comĂ©die invraisemblable plutĂ´t très kitsch.

L’idĂ©e de BĂ©nichou (et de son prĂ©dĂ©cesseur) est de faire du théâtre dans le théâtre, un parti scĂ©nique qui s’accorde bien Ă  l’occasion. Surtout parce que tous les rĂ´les sauf les 2 principaux sont tenus par des enfants et des adolescents. Ainsi tout se passe dans les coulisses d’un théâtre (dĂ©cors d’AmĂ©lie Kiritze-Topor, costumes protĂ©iformes et colorĂ©s de Bruno Fatalot) qui est littĂ©ralement envahi par une bande de jeunes qui s’amusent donc Ă  jouer L’Etoile sur scène.

Samy Camp dans le rĂ´le du Roi Ouf 1er est un acteur formidable, il donne un je ne sais quoi Ă  son personnage avec son investissement théâtral, cependant il captive plus avec son jeu d’acteur qu’avec son timbre. HĂ©loĂŻse Mas, comme d’habitude, incarne son rĂ´le d’une façon très engagĂ©e et engageante. Elle joue le rĂ´le travesti de Lazuli, le pauvre amoureux qui devrait mourir pour la nation, mais dont le destin fait que sa vie devient d’une extrĂŞme importance pour le monarque. Le personnage de Sirocco, l’astrologue du roi, est souvent chantĂ© par une voix de baryton-basse, mais aujourd’hui c’est une fille qui l’interprète : Clara Vallet paraĂ®t complètement Ă  l’aise dans le rĂ´le. HĂ©risson de Porc-Epic est chantĂ© par le jeune Guillaume RenĂ© Ă  la belle prĂ©sence, il trouve un bel Ă©quilibre entre son jeu d’acteur, charismatique, et sa voix en plein dĂ©veloppement. Petit bijou lyrique dans la veine comique, le chef d’oeuvre pose autant de difficultĂ©s au metteur en scène qu’il comble de plaisirs et de sĂ©ductions, les oreilles des spectateurs.
Chabrier demeure un bel exemple (peut-être pas assez reconnu) de la musique française, fantasque et vaporeuse, divertissante et sérieuse, parfois délicate parfois forte, toujours charmante.

JĂ©rĂ´me Pillement dirige un orchestre pompeux. La musique d’une grande humour doit sans doute beaucoup Ă  Offenbach. Nous remarquons le travail de la couleur orchestrale raffinĂ©e. Le chef accorde l’orchestre aux voix des jeunes chanteurs. Impossible de ne pas adhĂ©rer aux intentions d’un projet comme celui d’OpĂ©ra Junior dont l’objectif social, pĂ©dagogique, artistique n’est pas sans rappeler le cĂ©lèbre « Sistema » le système d’Ă©ducation musicale au Venezuela. EspĂ©rons qu’OpĂ©ra Junior puisse continuer sa belle et noble mission pour longtemps, il est devenu dĂ©sormais une composante de la programmation de l’OpĂ©ra de Montpellier, et nous sommes convaincus, qu’avec son potentiel et sa grande valeur, ceci portera ses fruits, rĂ©vĂ©lant des vocations encore fragiles parfois mais dĂ©cisives pour le dĂ©veloppement des jeunes intĂ©ressĂ©s. Chantier et apprentissage Ă  suivre.

 

Montpellier. OpĂ©ra Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon, le 29 mars 2014. Chabrier : L’Etoile. Samy Camps, HĂ©loĂŻse Mas, solistes et choeurs du Jeune OpĂ©ra/Opera Junior. Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. JĂ©rĂ´me Pillement, direction musicale. BenoĂŻt BĂ©nichou, mise en scène.

Illustrations : © M. Ginot 2014

 

L’Étoile de Chabrier Ă  l’OpĂ©ra de Montpellier

chabrier_etoile_opera-junior-opera-montpellierMontpellier, Opéra Comédie. Chabrier : L’Étoile. Les 29 et 30 mars 2014. Nouvelle production. Entre facétie et raffinement, Emmanuel Chabrier (1841-1894) cultive en toute liberté et avec un génie personnel très affirmé, le fantasque et le poétique : du bain béni pour l’opéra. Son ouvrage L’Etoile en témoigne : à chaque production, l’étonnement surclasse l’enthousiasme face à une partition brillante, jamais creuse ni strictement décorative. L’opéra fait partie des rares œuvres terminées par l’auteur : le succès est immédiat comme l’indique la quarantaine de représentations qui suit la création, aux Bouffes Parisiens (le théâtre du drame léger, temple parisien du Second Empire, créé en 1855 par Offenbach), le 28 novembre 1877. Danses furtives, mélodies entraînantes, cocasserie festive… la recette est connue et fait les délices d’un genre qu’a marqué avant Chabrier, Offenbach bien sûr ou Charles Lecocq.

Dans un climat propre au conte à la fois féerique et absurde, Chabrier se délecte musicalement à ciseler les climats de l’Etoile. Le titre reprécise l’accomplissement d’une destinée protectrice : alors qu’il a ravi le coeur de celle qui devait épouser le Roi Ouf Ier, la princesse Laoula, le colporteur Lazuli auquel était destiné le supplice du pal, se voit anobli et élevé à la dignité de prince, depuis que l’astrologue de la cour Siroco confirme que le destin des deux hommes sont liés. Le ciel a révélé l’impensable : le destin du roi Ouf et du pauvre Lazuli sont indissociables : si le miséreux meurt, le roi aussi. Fauré, Messager, Duparc et Reynaldo Hahn expriment leur admiration pour l’oeuvre d’un génie. 3 ans après la création de L’Etoile, après l’écoute de Tristan une Isolde de Wagner, Chabrier cesse sons activité de fonctionnaire et décide en 1880 de se consacrer à la musique. Suivent des chefs d’oeuvre : España, l’opéra Gwendoline (1886, au wagnérisme explicite), Le Roi malgré lui (1887)… Rongé par un mal incurable, Chabrier le plus original de compositeurs de la fin du XIXè en France, meurt trop tôt, laissant un œuvre atypique, saisissant voire fulgurant dont on commence seulement à mesurer l’unicité fascinante.

La mise en scène de BenoĂ®t BĂ©nichou exploite l’occasion offerte Ă  l’ouvrage d’être revisitĂ© par une joyeuse troupe de jeunes interprètes. L’homme de théâtre prend prĂ©texte de la juvĂ©nilitĂ© et de la curiositĂ© des interprètes d’OpĂ©ra Junior pour favoriser l’éclat, l’imaginaire, l’inventivité… autant de caractères qui innervent le tissu de la partition et l’inscrivent ici dans le monde des enfants – adolescents toujours prĂŞts Ă  vivre  ou Ă  imaginer de nouvelles aventures. Dans cet univers infantile mais pas innocent, la figure de Ouf, traitĂ©e comme un tyran violent et barbare garde sa verve satirique, un pied de nez Ă  tous les pouvoirs qui sur le mode du conte, dĂ©nonce l’inhumanitĂ© d’une sociĂ©tĂ© soumise Ă  la cruautĂ© d’un seul ĂŞtre.  Ainsi, dans la bouche des jeunes dĂ©nonciateurs, le metteur en scène aime Ă  dĂ©clarer  : «  arrĂŞtons les extrĂ©mismes, arrĂŞtons les dictatures, arrĂŞtons la violence, il faut rallumer les Ă©toiles ». De sorte que dans ce nouveau regard, la poĂ©sie esthĂ©tique de Chabrier et son insolence filigranĂ©e ressuscitent Ă  propos sur la scène de l’OpĂ©ra de Montpellier.

 
 
 

Emmanuel Chabrier (1841-1894)

L’Étoile

Opéra-bouffe en trois actes sur un livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo

créé au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 28 novembre 1877

Samedi 29 mars 2014 – 15h
Dimanche 30 mars 2014 – 15h
Opéra Comédie

Jérôme Pillement direction musicale

Benoît Bénichou mise en scène

Amélie Kiritzé -Topor scénographie

Anne Lopez chorégraphie

Vincent Recolin chef des chœurs

Bruno Fatalot costumes

Thomas Costerg lumières

Samy Camps Le Roi Ouf 1er

Héloïse Mas Lazuli

 

Nina Le Floch / Marie Sénié La Princesse Laoula

Lisa Barthélémy / Apolline Raï Aloès

Guillaume René Hérisson de Porc-Epic

Camille Poirier Tapioca

Clara Vallet Siroco

1h30 sans entracte

Nouvelle production

Opéra Junior / Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

 
 

Nouvel Onéguine à Montpellier

oneguine_eugene_tchaikovskiMontpellier : Eugène OnĂ©guine de TchaĂŻkovski.Les 17, 19, 21 janvier 2014, 15h ou 20h. OpĂ©ra Berlioz / Le Corum. Eugène OnĂ©guine est l’un des opĂ©ras les plus bouleversants du romantisme russe. L’indiffĂ©rence du dandy Eugène, la fragilitĂ© de Tatiana, la douceur d’Olga, la prière dĂ©sespĂ©rĂ©e de Lenski n’ont jamais cessĂ© d’émouvoir. AdaptĂ©e par Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (dont la musique est très prĂ©sente tout au long de la saison 2013-2014 Ă  Montpellier),l’Ĺ“uvre de Alexandre Pouchkine en 1832, conserve toute sa cruautĂ©, son cynisme glaçant qui cependant en fin d’action laisse aux protagonistes, le sentiment d’un immense Ă©chec (surtout pour le solitaire et fier OnĂ©guine) et d’une amertume partagĂ©e. Après JanĂ ÄŤek et La Petite renarde rusĂ©e en 2012, Marie-Eve Signeyrole propose sa lecture des Ă©mois amoureux de la jeune Tatiana.

 

TchaĂŻkovski
Eugène Onéguine, 1879
Opéra (scènes lyriques) en trois actes et 7 tableaux

Livret russe de Constantin Chilovsky et du compositeur, d’après le roman Ă©ponyme d’Alexandre Pouchkine
Créé au Petit Théâtre du Collège ImpĂ©rial de musique (Théâtre Maly), Ă  Moscou, le 29 mars 1879
Nouvelle production

 

 

 


Mourir d’amour ou vivre d’ennui ?

 

Ici, les deux ĂŞtres portraiturĂ©s par TchaĂŻkovski se murent dans une insatisfaction maladive : ce sont deux inadaptĂ©s frappĂ©s d’inertie clinique. Ils s’ennuient Ă  en mourir et mĂŞme si leur rencontre fait espĂ©rer l’inimaginable (pour Tatiana), OnĂ©guine demeure impassible, comme handicapĂ©, dans l’impossibilitĂ© Ă  aimer.
Dans la mise en scène proposĂ©e Ă  Montpellier, l’action s’inscrit Ă  l’Ă©poque contemporaine, entre 1999 et 2003, pendant la perestroĂŻka, oĂą les nouveaux riches tel OnĂ©guine, s’enrichissent sous la prĂ©sidence de Boris Eltsine… face Ă  cet oligarque arrogant, la famille de Tatiana, les Larinas, sont des petits propriĂ©taires rassemblĂ©s dans un immeuble collectif ou appartements communautaires Ă  Saint-PĂ©tersbourg (Kommunalka) : les Larinas vivent frustrement (entassĂ©s Ă  20 dans un espace rĂ©duit) mais ils condamnent les mĹ“urs occidentales et rĂŞvent au retour de l’ancien empire russe…  Peu Ă  peu, OnĂ©guine rachète les parcelles, scrute les faits et gestes de ses voisins pour rompre ses longues heures d’oisivetĂ©. Il observe, froidement comme un vieux loup solitaire, coupĂ© de toute passion, murĂ© dans sa solitude cynique et glaciale. Pour la metteure en scène Marie-Eve Signeyrole : OnĂ©guine n’est pas l’histoire d’un amour au dĂ©calage fatal ou mal synchronisĂ© ; c’est plutĂ´t l’histoire d’un homme qui ne peut pas aimer ni vivre. Qui prĂ©fère mourir plutĂ´t que d’aimer. Un anti romantique. Un maudit pour lequel il n’y a aucune issue. Au final, OnĂ©guine ne serait-il pas le miroir de TchaĂŻkovski lui-mĂŞme ? On sait que la composition de l’opĂ©ra est simultanĂ©e Ă  son mariage, fiasco intime sur toute la ligne et qui laisse l’homme dĂ©truit, en rien apaisĂ© car son homosexualitĂ© tenue secrète fut la source de terrible blessure : Piotr Illyitch connut les affres d’une identitĂ© jamais respectĂ©e Ă  son Ă©poque. Terrifiante hypocrisie qui a profondĂ©ment marquĂ© son existence toute entière.
La représentation du dimanche 19 janvier 2014 sera donnée en audiodescription pour les personnes déficientes visuelles.

CD. D’Indy: L’Ă©tranger. 1 cd Accord (Foster,2010)

dindy_etranger_foster_tezier_cd_accord_vincent_DindyCréé en 1903 Ă  Bruxelles, L’Etranger est le troisième opĂ©ra de D’Indy (après Le chant de la cloche, 1883 et Fervaal, 1895); l’ouvrage appartiendrait comme son quasi contemporain PellĂ©as et MĂ©lisande de Debussy (1902) Ă  l’expĂ©rience lyrique symboliste, pour autant que D’Indy comme Debussy soient Ă©tiquettables sous cette appellation… forcĂ©ment rĂ©ductrice. Si le symphonisme ardent, fiĂ©vreux de la partition fait sa rĂ©vĂ©rence Ă  Wagner, il n’en est pas pour autant exempt d’une certaine lourdeur acadĂ©mique, descriptif ; souvent convenue en particulier dans les intermèdes avec chĹ“ur (dĂ©but du II), comme paraĂ®t fabriquĂ© et artificiel le livret, rĂ©digĂ© par le musicien (Ă  l’image de son modèle Wagner, musicien et librettiste): D’Indy, auteur du TraitĂ© de composition, sait afficher un rationalisme thĂ©orique qui hĂ©las contraint les Ă©lans autrement plus riches du compositeur. Le moralisme du livret, ses clichĂ©s sociaux ne savent pas exploiter l’amour de Vita, bien que promise au jeune douanier AndrĂ©, -comme dans Carmen MicaĂ«lla pouvait ĂŞtre promise au brigadier Don JosĂ©-, pour le sombre et mystĂ©rieux Ă©tranger. Le très catholique voire mystique D’Indy respecte Ă  la lettre les vertus prĂ´nĂ©es dans les Ecritures: Foi, EspĂ©rance, CharitĂ©, Amour. Quatre thĂ©ologales qui s’incarnent parfaitement au fur et Ă  mesure de l’action (bien statique mais intense voire extatique) dans le cĹ“ur de Vita, sorte de ThaĂŻs populaire, âme ardente prĂŞte au sacrifice, curieuse par empathie de la figure prophĂ©tique de l’Etranger.
Dans la figure du baryton maudit, solitaire mais fraternel, D’Indy, fondateur de la Schola Cantorum Ă  Paris trouve l’exact incarnation de cet ĂŞtre parfait, serviteur d’un idĂ©al qui en servant les autres, rĂ©tablit la nature sacrĂ©e de l’art. L’Etranger c’est Ă©videmment D’Indy lui-mĂŞme qui d’ailleurs retrouve une seconde adolescence grâce Ă  sa nouvelle compagne, bien plus jeune que lui, Caroline Janson (comme l’Ă©cart des âges entre Vita et l’Etranger).

En ce sens leur duo au II, oĂą Vita tentant de connaĂ®tre le nom de l’Etranger, lui fait dire ce qui l’anime avec ferveur, reste le sommet pathĂ©tique et lyrique de l’ouvrage.

Wagner en mode symboliste allégé

Reste que la musique de D’Indy attĂ©nue les faiblesses comme les composantes contradictoires du texte. L’acte I, Ă©vocation rĂ©aliste voire naturaliste (Ă  la Zola) d’un port de pĂŞche et de l’esprit obtus, mĂ©diĂ©val de ses habitants, contraste avec les aspirations mystiques et idĂ©alistes du II oĂą comme nous l’avons dit, l’Etranger, Ă  la façon de Lohengrin et de Elsa, confesse sa nature bienveillante ; sa belle compassion Ă  laquelle rĂ©pond immanquablement l’amour croissant de Vita pour son bel inconnu.

RĂ©alisme, mysticisme: Ă  l’aune de cette antagonisme structurel et esthĂ©tique, on voit bien ce qui a pu dĂ©terminer les verdicts dĂ©prĂ©ciatifs contre l’Ĺ“uvre. Pourtant la double nature de la partition fonde aujourd’hui sa richesse. Sa fĂ©conde ambivalence. Il y a du Massenet ici, en particulier du cĂ´tĂ© de la dĂ©jĂ  citĂ©e ThaĂŻs, en particulier dans cette double direction inverse: L’Etranger succombe aux charmes de la jeune Vita quand celle-ci, par sympathie, Ă©prouve un amour naissant aux couleurs mystiques et spirituelles, face Ă  la beautĂ© d’une âme traversĂ©e par l’amour de JĂ©sus : celle de l’Ă©tranger qui ne partage en rien l’Ă©troitesse d’esprit des pĂŞcheurs du village.
L’idĂ©alisme de D’Indy offre un wagnĂ©risme Ă©clairci, oĂą la recherche d’une fine texture, oĂą le souci du timbre renforce encore l’impact des suiveurs les plus originaux du maĂ®tre de Bayreuth, Ă  l’Ă©gal d’un Franck, le mentor de D’Indy.
Grand orchestrateur et peintre des climats comme des situations fortes, D’Indy fait mourir ses amants magnifiques, après l’invocation de l’Ă©meraude (gage amoureux donnĂ© par l’Etranger Ă  sa belle admiratrice), dans la mer: l’Ă©lĂ©ment marin est au cĹ“ur de l’ouvrage : dĂ©ferlement sonore, sujet de la tempĂŞte qui les emporte Ă  la fin, force active semant la catastrophe, puissance de rĂ©solution aussi, comme d’apothĂ©ose pour les deux amoureux.

Non obstant, voici bien un superbe tĂ©moignage heureusement enregistrĂ© qui dĂ©fend Ă  propos la place du compositeur ; son gĂ©nie explore le chromatisme en l’ouvrant jusqu’Ă  Schönberg, en particulier dans le dĂ©chaĂ®nement des Ă©lĂ©ments marins, suscitĂ©s pas Vita au II: comme Senta dans Le Vaisseau fantĂ´me, Vita provoque la catastrophe, affronte son destin, créée les conditions de son union finale avec l’Ă©tranger. La mer aspire deux ĂŞtres supĂ©rieurs qui ne pouvaient trouver leur place dans la sociĂ©tĂ© des hommes. Le symphonisme du gĂ©nie cĂ©vennol s’exprime ici librement et dans un souffle irrĂ©sistible et comme Debussy, adaptĂ© Ă  son sujet maritime. L’enregistrement est historique et souhaitons-le, premier, appelant bientĂ´t une version prochaine, organologiquement plus exacte, vocalement plus Ă©lectrisante.

Car cĂ´tĂ© chanteurs, le plateau reste en dĂ©sĂ©quilibre. Si Ludovic TĂ©zier offre son beau mĂ©tal vocal souvent articulĂ© au caractère de l’Etranger, aucun mystère, aucun souffle, aucun mysticisme ne semble traverser son chant; et sa compagne Ă  la ville, Cassandre Berthon est trop limitĂ©e, dĂ©passĂ©e par les brĂ»lures d’une jeune âme ardente qui dĂ©couvre l’amour vĂ©ritable, sensuel comme spirituel. Seul le tĂ©nor plein de panache et de fièvre libĂ©rĂ©e, Marius Branciu se distingue nettement. C’est la victime sacrifiĂ©e sur l’autel d’un amour digne du Vaisseau FantĂ´me (Senta/Le Hollandais maudit).

On regrette souvent la lourdeur de Lawrence Foster (cuivres mal Ă©quilibrĂ©s et surpuissants) dont pourtant les quelques excellentes idĂ©es et options interprĂ©tatives font penser qu’il n’a pas l’orchestre le plus adaptĂ© Ă  la recherche d’articulation d’un D’Indy surtout soucieux d’intelligibilitĂ© du texte sur la musique. Qu’aurait donnĂ© ici un orchestre sur instruments d’Ă©poque, comme Les Siècles ? De prodigieuses dĂ©couvertes sonores probablement que seuls dans leurs associations recouvrĂ©es, permettent les instruments historiques: la rĂ©vĂ©lation du D’Indy, subtil orchestrateur de la trempe d’un Ravel ou d’un Debussy, reste donc encore Ă  Ă©crire.

Vincent D’Indy: L’Étranger (1903). OpĂ©ra en 2 actes.
Livret de Vincent d’Indy.

Vita : Cassandre Berthon soprano
LÉtranger : Ludovic Tézier baryton
André : Marius Brenciu ténor
La Mère de Vita : Nona Javakhidze mezzo-soprano
Une femme (Madeleine) : Bénédicte Roussenq soprano
Le vieux (Pierre) – Un jeune homme : Franck Bard tĂ©nor
Une vieille – Une femme : Fabienne Werquin mezzo-soprano
Un pĂŞcheur – Un contrebandier : Pietro Palazy basse
Première jeune fille – Première ouvrière : Josiane Houpiez-Bainvel sopano
Deuxième jeune fille – Deuxième ouvrière : Marine Chaboud-Crouzaz mezzo-soprano
Une jeune femme – Troisième jeune fille : Alexandra Dauphin soprano
Un vieux pĂŞcheur – Un vieux marin : Florent Mbia basse
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chœurs de Radio France
ChĹ“urs d’enfants Opera Junior
Lawrence Foster, direction

Enregistrement en concert le 26/07/2010 rĂ©alisĂ© Ă  l’OpĂ©ra Berlioz/ Le Corum, Montpellier
2 cd Accord-Universal 481 0078