CD événement. CHOPIN : L’intégrale des MAZURKAS. Yves Henry, piano Pleyel 1837 (3 cd Soupir)

CD événement. CHOPIN : L’intégrale des MAZURKAS. Yves Henry, piano Pleyel 1837 (3 cd Soupir)   –   De sept 2018 à mai 2019, le pianiste Yves Henry enregistre à Croissy et en public toutes les Mazurkas de Chopin, le plus parisien et français des Polonais. Il en résulte cette intégrale des Mazurkas parvenues (soit 58 sur les 60 écrites entre 1825 et 1849) jouées sur un clavier historique Pleyel 1836 (conservé dans les collections de la ville de Croissy sur Seine).

 

 

HENRY YVES MAZURKAS 1825 1849 cd critique review classiquenewsYves Henry dévoile de l’intérieur la matrice compositionnelle d’un Chopin, d’abord adolescent, très influencé par les danses polonaises traditionnelles qui sous le filtre de son génie expérimental et presque fantasque, deviennent dans chaque nouvelle mazurka, une cellule autonome ; chaque partition investie développe autant d’idées, mais dans un instantané intense, entre nervosité, langueur, caractère. L’ultime de 1849 est laissée inachevée (mais jouée dans la version du regretté Milosz Magin auquel le pianiste français rend hommage aussi). Le cycle entier a valeur de journal intime, proche des états d’âme et des humeurs du compositeur pianiste, enclin à la rêverie, secrète parfois énergique et sanguine, comme à la contemplation à laquelle il confère des couleurs personnelles dans cette recherche de la résonance qui lui est spécifique. Le piano historique renforce cette étroite connivence entre la pensée qui cherche et ajuste selon son idéal, et la mécanique sonore du clavier, capable de lui répondre, avec cette finesse caractérisée du timbre où le bois domine.
Le jeu du pianiste s’est adapté à cette mécanique fragile et précise, offrant une subtile compréhension du jeu de bascule dans chaque Mazurka:  détente et tension, énoncé et réponse, très précisément articulé : suspens d’un motif ascendant, puis reflux descendant (le modèle en est la célèbre Mazurka opus 7 n°1 de 1830, plage 13 du cd1). Ailleurs, la vitalité tournoyante qui semble parfois faire du surplace en une cogitation expérimentale emporte le flux qui semble improvisé (c’est le cas des Mazurkas de l’opus 17, 1, 2, 3, 4, de 1830 – 1833) ; interrogatif toujours, Chopin se laisse comme envoûter par le cycle de motifs qui se répètent à l’infini, comme un enfermement obsessionnel, volontaire et conscient : le travail inexorable de l’exil chez cet apatride, dépossédé de sa terre natale ?

CLIC D'OR macaron 200Les 3 cd dévoilent un travail spécifique et attentionné sur la portée et les enjeux de chacune des mazurkas ainsi réinscrite dans une totalité qui fait sens. L’immersion est totale, servie aussi par un riche accompagnement éditorial : le livret analysant chacune des 58 Mazurkas ainsi réinvesties (passionnant texte de l’interprète). Si Chopin contredit Liszt dans ce rapport de l’intime qui écarte tout effet de brio virtuose propre aux salles de concert, cet enregistrement délivre dans une austérité poétique assumée, l’étonnante diversité du genre, mais dans un registre autre, personnel, viscéralement intime où chaque Mazurka revivifie un questionnement spécifique ; pas une qui ne se ressemble mais qui pourtant rappelle les autres. Le voyage est étonnant : il s’inscrit autant dans l’esprit de superbe lié à la danse de bal que dans l’indicible d’une sensibilité qui murmure et renonce ; il renseigne mieux ce spleen chopinien, effet de la langueur et de l’exil, mais si subtilement chantant et donc bellinien. En s’appuyant sur un regard critique et cohérent, voici un cycle majeur qui plonge au cÅ“ur du chaudron chopinien.

 

  

 

________________________________________________________________________________________________

CD, événement. CHOPIN : MAZURKAS, intégrale (48 Mazurkas, 1825 – 1849) – Yves Henry, piano Pleyel 1836 (3 cd Soupir). Enregistré au Château Chanorier, Croissy sur Seine, sept 2018 – avril 2019 / CLIC de classiquenews de février 2020. Documentaire et exhaustive, l’édition discographique dirigée par Yves Henry offre en bonus (cd III), plusieurs documents éloquents dont une « Bourrée » notée par Chopin en Berry, 3 Mazurkas inédites ou méconnues (opus 41, 67, 68)…

 

  

 
CHOPIN-DOSSIER-MAZURKAS-767-Chopin-1835-portrait-25-ans-mazurkas-valses-sonates-piano-classiquenews_by_Wodzinska

 
Chopin en 1835 (DR)
 

Livre événement, critique. Le Clavecin des Romantiques par Jean-Patrice BROSSE (éditeur BLEU NUIT, déc 2019)

brosse jeanpatrice livre critique review classiquenews clic de classiquenews bleu nuit editeur 9782358840927-475x500-1Livre événement, critique. Le Clavecin des Romantiques par Jean-Patrice BROSSE (éditeur BLEU NUIT, déc 2019)  -  Dans ce dernier tome de son histoire du clavecin, l’auteur met en lumière le destin du clavier baroque dès la fin du XVIIIè, avec l’essor des nouveaux modèles ou pianoforte fortement concurrentiels ; l’instrument emblématique de l’Ancien régime sous la Révolution française, certes a été détruit, détesté en raison de ce qu’il représentait ; mais l’auteur montre combien le clavecin s’est maintenu tout au long du XIXè, révélant l’action de producteurs de concerts à Paris (Fétis, Prince de la Moskova, Amédée Méreaux…) qui continuent de programmer les oeuvres de Rameau ou Couperin, suscitant même l’enthousiasme des grands pianistes romantiques passionnés eux aussi par l’instrument et le répertoire baroque ; le cas le plus emblématique reste Chopin, comme on le sait, passionné par JS Bach et aussi, ce qui est moins connu, François Couperin. Cette filiation avérée, passionnante n’est toujours pas abordée au concert : on s’en étonne toujours. Certains virtuoses du clavier romantique, jouent le clavecin comme Ignaz Moscheles (sur un Shudi) chez Fétis d’ailleurs.

Ailleurs, ce sont les grands virtuoses du  piano qui cultivent une saine curiosité pour les Baroques, jouant leurs pièces conçues pour le clavecin : Louis Farrenc et son élève Marie Mongin (Rameau, Couperin, Bach), … tout cela conforte le goût de Berlioz qui n’a jamais goûté réellement le timbre ni les délices de la mécanique du clavecin. Pour lui quand un piano sonnait mal, il sonnait comme un clavecin qui « clapote »… voilà qui est dit.

En définitive, le goût du Baroque n’a jamais faibli tout au long du XIXè romantique ; saluons Fétis et ses concerts parisiens qui dans les années 1830 et jusqu’au milieu des années 1850, programme encore les compositeurs baroques et aussi de la Renaissance dont Jannequin ! Pionnier et visionnaire Fétis révèle une sensibilité inouïe aux timbres et à l’aptitude des instruments à jouer « leur » répertoire ; il n’hésite pas à mesurer exactement en le discréditant la pertinence d’un Erard s’agissant des partitions du Fitzwilliam virginal Book (qui regroupe une collection d’œuvres anglaises signées Byrd, Bull, Gibbons, Morley…).

 

Des éléments mêlés… A contrario d’une histoire de l’art et de la musique où tout s’enchaîne distinctement ; où de nouveaux éléments prennent la place des anciens, l’auteur montre en réalité que tout se mêle, se chevauche et souvent fusionne…. ainsi le clavecin, instrument royal à l’époque des Lumières perdure quand les premiers pianoforte affirment leur voix spécifique : incroyable révélation que cet instrument double à la fois clavecin et pianoforte, comportant deux claviers avec sautereaux et becs de plume, et un clavier dont les cordes sont frappées avec des marteaux ; les 2 esthétiques se mêlent et peuvent être jouées par le même musicien ; un tel « monstre fascinant » est présent chez les Mozart ; il est aussi loué par Diderot et D’Alembert dans leur Encyclopédie méthodique (1785).

 

Les sociétés de musique ancienne à Paris, comme les mécènes ayant favorisé ce goût de l’Antiquité sont évoquées avec justesse. Les concertos de Poulenc ou de Falla n’émergent pas d’un contexte nouveau ; ils participent et prolongent d’une tradition qui n’a en réalité jamais cessé de se maintenir. Dans ce regard qui efface bien des classements et compartimentations réducteurs, l’auteur souligne l’apport de certaines œuvres très riches en enseignement dans ce rapport continu au XVIIIè : ainsi Manon l’opéra de Massenet qui en 1884 cristallise la passion de l’époque pour un certain XVIIIè : l’ouvrage lyrique est nourri de danses baroques et de références évidentes, assumées.

CLIC D'OR macaron 200Erudit mais accessible, voire souvent passionnant, l’auteur Jean-Patrice Brosse, claveciniste et organiste, tort le cou à nombre de préjugés et d’idées reçues. C’est toute une perspective de la connaissance et de la recherche qui s’en trouve modifiée ; l’apport est majeur et le livre, captivant. CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2020.

 

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

CLIC_macaron_2014Livre événement, critique. Le Clavecin des Romantiques par Jean-Patrice BROSSE (éditeur BLEU NUIT, déc 2019) – Réf: 9782358840927 (176 pages) – 20 x 14 cm – collection « Horizons », 2è édition – CLIC de classiquenews de février 2020.

http://www.bne.fr/page77.html

CD, critique. Influences : Bach, Chopin. Laurence OLDAK (1 cd Klarthe, 2018)

oldak influences chopin bach piano cd klarthe records critique cd classiquenewsCD, critique. Influences : Bach, Chopin. Laurence OLDAK (1 cd Klarthe, 2018). Immortel JS… Bach demeure un modèle pour nombre de compositeurs après lui. Et plus encore à l’époque romantique quand naît la redécouverte du patrimoine musical ancien ; en témoigne Chopin qui ne se sentait mieux qu’après avoir joué du Bach, en encore Liszt qui s’est passionné à transcrire les œuvres du Cantor (ici le Prélude et fugue BWV 543). Qu’on le joue comme maintenant au clavecin ou au piano, Bach respire la poésie et l’universel. La pianiste toulousaine Laurence Oldak nous le rappelle ici avec implication et de réels arguments. Après le premier opus dédié à Scriabine (Dialogue), son 2è album chez Klarthe, intitulé « Influences », remonte les eaux musicales en une généalogie qui fait dialoguer les sensibilités d’un siècle à l’autre, du XVIIIè au XIXè. Unificateur et explorateur, le jeu de la pianiste permet les confrontations, les filiations : tout un jeu en miroir ou en échos : Bach / Chopin, Bach / Busoni (qui transcrit ici « Ich ruf zu dir », confession, prière à la fois solitaire et assurée), Bach / Liszt déjà cité, et jusqu’à Carl Philip Emmanuel dont la pianiste restitue en fin de programme, le somptueux et presque grave Andante con tenerezza (Sonate Wq 65/32, de plus de 5mn).

Les Bach sont naturellement articulés, chantants même : ils coulent comme courre l’onde d’un fleuve océan, toujours caractérisé et revivifié à travers ses danses enchaînées (5 épisodes pour la Partita n°2 BWV 826 qui ouvre le récital). L’élève de Lucienne Marino-Bloch, elle-même élève de Michelangeli, – heureuse filiation, « ose » jouer et réussir ici la Sonate n°3 opus 58 de Chopin, un défi pour tout interprète : à travers les modulations ténues des harmoniques, aux reflets miroitants si chantants, jaillit cette lumière qui est force vitale ; la pianiste en fait vibrer le tragique sublimé ; Chopin vient de perdre son père – un choc comme ce fut le cas pour Mozart, perdant le sien pendant la composition de Don Giovanni. A Nohant en 1844, près de Sand, Chopin, en lion de la nuit, exprime un indéfectible goût de vivre : voilà ce que nous fait écouter le jeu tout en souplesse de Laurence Oldak. L’exaltation lyrique du premier mouvement, en son extension mélodique au bord de l’allongement mais d’une portée intérieure quasi schubertienne, s’exprime avec liberté ; le Scherzo jubile, volubile et libre comme une réminiscence heureuse de Mendelssohn… le Largo plonge dans les entrailles funèbres (marche) du musicien qui se vit comme un exilé, vivant certes, mais déchiré ; tandis que le dernier épisode Finale / presto non tanto, assène ses explosions furieuses, tissant l’une des pages les plus puissantes, les plus éperdues, et aussi les plus exaltées de Chopin. Le CPE qui suit et conclut le programme sonne comme un adieu d’une absolue sérénité, à la fois simple, dépouillé, d’une sobre profondeur. Très beau récital.

________________________________________________________________________________________________

CD, critique. Influences : Bach, Chopin. Laurence OLDAK (1 cd Klarthe, 2018)

PARIS. Récital de piano : Jean-Nicolas DIATKINE à GAVEAU

Jean-Nicolas Diatkine à GaveauPARIS, Gaveau. 3 avril 2019, 20h. Récital JN DIATKINE, piano. Classiquenews avait déjà remarqué le jeu facétieux mais précis, imaginatif mais juste du pianiste Jean-Nicolas Diatkine (à Gaveau aussi en nov 2014 : programme Ravel, Chopin…). C’est un lutin éclairé et cultivé qui lui-même cherche et trouve des filiations poétiques secrètes d’un musicien l’autre, d’une partition à un écrivain (ainsi Proust parlant de Chopin…). L’éclectisme des programmes nourrit en réalité une riche réflexion sur le jeu des inspirations, sur la construction des édifices poétiques… C’est évidemment le cas de ce nouveau récital qui marie Mozart (gluckiste, et d’une gravitas enfin apaisée dans l’Adagio k540), Beethoven (passionné, conquérant, inflexible) et Chopin (mélancolique et langoureux mais surtout vif, nerveux, fier…).

Diatkine jean nicolas piano gaveau JNDDans l’Appassionnata, Beethoven alors au service du Prince Lichnowsky, refuse de jouer pour les Français de Napoléon qui occupent son palais : Lichnowsky fait enfoncer la porte de la chambre du compositeur qui s’y était réfugié ; mais Beethoven fier comme un paon, s’obstine et quitte les lieux (et son protecteur à Vienne). Dans une lettre demeurée fameuse, il exprime comme Mozart, l’unicité et l’indépendance non serviles de son génie : « « Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi-même. Des princes, il y en a et il y en aura des milliers. Il n’y a qu’un seul Beethoven – signé : Beethoven ». JN Diatkine saura souligner entre chaque note musicale, cette assurance qui n’est pas arrogance mais suprême conscience de la pureté de son art. Inflexible Beethoven et tellement naïf aussi.

Puis la main preste, allégée, s’accorde à la pensée fugace des Préludes, ceux de Chopin : 24 esquisses dont l’acuité critique du pianiste révélera surtout le fourmillement des idées, jaillissantes, fulgurantes. Mais le génie de Chopin tient surtout à sa relecture du genre emblématique de la dignité de sa nation, occupée, meurtrie, martyrisée : dans la Polonaise opus 53, il y a certes le souvenir de la marche noble des princes en représentation ; il y a surtout l’expression intime d’une blessure qui sublime la souffrance en … grâce. Magie de l’acte créateur et poétique.

________________________________________________________________________________________________

Récital Jean-Nicolas DIATKINE, piano

PARIS, Salle Gaveau
Mercredi 3 avril 2019, 20h30

RESERVEZ VOTRE PLACE
https://www.sallegaveau.com/spectacles/jean-nicolas-diatkine-piano

________________________________________________________________________________________________

Programme: 

Mozart :
Adagio K. 540 et Variations sur un thème de Gluck K. 455

Beethoven :
Sonate n°23 op.57 « Appassionata”

Chopin :
24 Préludes (1839)
Polonaise op. 53 “Héroïque” (1842)

________________________________________________________________________________________________

Salle Gaveau à PARIS
45-47 rue La Boétie
75008 PARIS
01.49.53.05.07

CD, critique. MAURIZIO POLLINI : CHOPIN (Nocturnes opus 55, Mazurkas opus 56, Sonate opus 58 – 1 cd Deutsche Grammophon – 2018)

CHOPIN sonate opus 58 dg maurizio pollini cd critique cd review par classiquenews actualites infos musique classique cd 028948364756-CvrbCD, critique. MAURIZIO POLLINI : CHOPIN (Nocturnes opus 55, Mazurkas opus 56, Sonate opus 58 – 1 cd Deutsche Grammophon – 2018). Alors que simultanément sort aussi le nouveau et 4è cd du jeune Lisiecki dans un Mendelssohn sans nuance et plutôt linéairement martelé (également édité par DG), voici le « nouveau » Chopin d’un vétéran que l’expérience, le recul, et le bénéfice d’une sensibilité ciselée, elle intérieure naturellement, exaltent, inspirent au plus juste ; le pianiste déploie d’irrésistible arguments. Indiscutable, MAURIZIO POLLINI illumine les 7 partitions ici réunies qui semblent comme récapituler une vie dédiée à la réflexion et le sens de la musique. Son cadet aurait mérite d’enrichir ainsi à son écoute, un jeu trop scolaire.
Les Nocturnes font surgir le tragique et l’angoisse d’une âme inquiète et désemparée grâce au toucher et au rubato d’une formulation ronde et précise, nuancée et profonde, comprenant les chants et les contrechants. Chaque réitération sonne comme une blessure pudiquement ourlée ; chaque séquence s’écoule avec un secret, une infinie douceur sombre. Même le second plus ardent, plus conquérant (quoique) resplendit par une tendresse caressante, un moelleux naturel qui enchante et berce. Le travail de l’énonciation, l’architecture qui soigne les galbes et le relief poli des arêtes affirment une maturité et une compréhension saisissante de la langueur de Chopin : langueur mélancolique et aussi furieusement puissante (le rubato à la fois ralenti et magnifiquement articulé).
La respiration élégiaque, enveloppée dans une ouate suspendue de la Berceuse (opus 57), fait elle seule, la magie de ce récital de première inspiration ; où les harmonies se mêlent, s’enlacent, sur un châssis rythmique lui-même suspendu à ce tempo, ralenti, évanescent, désarticulé, articulé… d’une valse lente. Le jeu des miroitements intérieurs, à plusieurs plans, étagés dans l’espace musical font toute l’ivresse de cette séquence… littéralement magicienne. Du très grand art pianistique. Dans l’énoncé, la projection, la conception poétique, l’écoute intérieure. C’est un Chopin à l’infini pictural, d’un équilibre absolu et d’une paix fondamentale qui se déploie et s’affirme et berce alors. Magistral.

Construite en des contours plus net et tranchés, la Sonate opus 58 exprime une toute autre activité ; radicale, et puissante, manifestes de cette puissance (certes souvent rentrée) qui électrise le chant Chopinien. Autant de matelas harmoniquement dense, pour que surgisse la sublime mélodie bellinienne du premier mouvement. Charpenté et chantant. Pollini n’oublie dans cette rondeur murmurée, ce galbe toujours souverain, l’aspect « maestoso » de l’Allegro initial. Quelle compréhension naturelle de la texture chopinienne. A la fois viscérale et chtonienne, la fluidité de Chopin, se déploie souple et aérienne dans un flux à l’onctueuse matérialité.
pollini-piano-maurizio-chopin-portrait-critique-cd-classiquenews-piano-majeur-actualites-piano-par-classiquenewsDans cet épanouissement ultime du premier mouvement, l’agilité souple et caressante du toucher fait oublier la matérialité de la mécanique, comme la frappe des touches ; et que dire de l’élasticité sidérante du second mouvement, plus doux et agile lui aussi : ce Scherzo atteint une texture pure, au delà de toute matérialité du clavier ; un pur son à la fois moelleux et mordant d’un équilibre idéal. Un tel galbe rehausse l’éclat électrique de l’écriture, son énergie lumineuse et flamboyante dont la fugacité, éperdue, foudroyée (« molto vivace ») contraste avec l’ampleur architecturée du premier Allegro. Belle couleur liquide du Largo, plus droit, objectif, avec des assises graves idéalement énoncées là aussi. Enfin le dernier Finale / Presto non tanto confirme tout ce que l’on pensait du pianiste italien chez Chopin : l’énergie de la matière qui crépite et s’embrase en une urgence organique, développe chez Chopin, cette ardeur brillante qui est aussi puissance de feu – un aspect que l’on écarte trop souvent ; concernant Maurizio Pollini, c’est un acrobate et un athlète au muscle intact d’une rondeur caressante, d’une grâce allusive exemplaire qui affirme et la marche tragique et l’effusion pudique d’une déclaration personnelle. En maître de la structure, le pianiste capte et précise le sens et la direction de la digitalité qui s’accomplit : sous la crépitement virtuose du jeu proprement dit (en soi déjà impressionnant), l’interprète marque un cap, cible directement le mouvement essentiel, révélant l’ossature globale. La vision est captivante et sa formulation, scintillante. Magistral récital Chopin : sa sensualité  cultive et l’éloquence et l’énigme, en un clair / obscur réjouissant, captivant. Bel oxymore. Mais familier pour ce poète du clavier. CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2019.

________________________________________________________________________________________________

CLIC D'OR macaron 200CD, critique. MAURIZIO POLLINI : CHOPIN (Nocturnes opus 55, Mazurkas opus 56, Sonate opus 58 – 1 cd Deutsche Grammophon – durée : 53 mn, 2018) – CLIC de CLASSIQUENEWS

Récital de Guillaume COPPOLA à Sceaux

coppola-guillaume-piano-concert-annonce-actualites-infos-musique-classique-classiquenewsSCEAUX (92), sam 16 fév 2019, 17h30. Guillaume COPPOLA, piano. La Schubertiade de Sceaux invite le pianiste Guillaume Coppola dans un répertoire qu’il sait défendre avec passion et nuances. Chopin, Debussy, sans omettre son cher Schubert, sujet antérieur d’un cd en son temps distingué par un CLIC de CLASSIQUENEWS : CD Schubert Valses nobles et sentimentales (sept 2014).
Notre rédacteur Ernst Van Beck écrivait son enthousiasme pour le jeu filigrané, arachnéen capable de profondeur comme de gravité : … « Des Sentimentales, si bien nommées mais sans effusion ni voyeurisme aucun, tout l’art du toucher est là-, on retient la 13ème évidemment pour son rayonnement tendre et caressant, d’une douceur fraternelle si enveloppante… et comme éternellement tournante comme un perpetuum mobile… , mais aussi la 18è et sa cadence racée pleine de fierté comme d’élégance.  C’est une série de séquences qui frappe par leur nervosité comme leur souplesse mélodique : acuité, précision, versatilité dynamique, Guillaume Coppola envisage chaque épisode comme un mini drame d’une mordante vivacité. Un appétit de vivre qui contraste évidemment avec la gravité des pièces complémentaires… »

A Sceaux, Guillaume Coppola joue deux Valses,qu’il relie lors de ce récital, à l’intimisme fougueux de Chopin et l’art des miniatures picturales (et climatiques) du Debussy des Préludes (deux extraits : La Puerta del Vino et feux d’artifice). En complément, le pianiste propose enfin la matière du rêve et lla sensualité amoureuse de Clair de lune… épisode aussi aisé techniquement que redoutable sur le plan de l’intonation et de l’articulation. Un programme jalonné de pépites et de défis…

Guillaume Coppola
Programme du récital à Sceaux

FRANZ SCHUBERT
Valses nobles et sentimentales

FREDERIC CHOPIN

Valses opus 64 n°2, opus 70 n°2
Grande Valse brillante op. 18.
Nocturne op. 9 n°1
Sonate n°2

CLAUDE DEBUSSY
Préludes (2è Livre) :
La Puerta del Vino
Feux d’artifice

Clair de lune

________________________________________________________________________________________________

SCEAUX, Hôtel de Ville (92)
Samedi 16 février 2019, 17h30
Guillaume Coppola, piano

boutonreservationRéservez votre place
sur le site de La Schubertiade de Sceaux
http://www.schubertiadesceaux.fr/guillaume-coppola-16-fevrier-2019/

________________________________________________________________________________________________

APPROFONDIR

coppola guillaume franz schubert cd schubert eloquentiaCD. Schubert : Valses nobles, Sentimentales Sonate D 537 (Guillaume Coppola, 1 cd Eloquentia). En s’attachant principalement aux œuvres méconnues ou moins jouées de Schubert, Guillaume Coppola souligne la finesse suggestive, onirique, radicale, ce bouillonnment de l’intime qui fait la séduction irrésistible des partitions ici choisies… Valses nobles, Valses sentimentales, le pianiste Guillaume Coppola délivre le message d’une secrète intériorité d’un Schubert qui tout en s’enivrant de ses propres divagations, approfondit en réalité une quête intérieure, tissée sur la durée, dans la pudeur et la suggestivité. L’arche tendue d’un long parcours qui se lit à travers les deux cycles dansants, soit 12 puis 34 Valses caractérisées, dessine une perspective dont l’interprète sait restituer la secrète unité organique. Miniatures – la plus longue est la 3ème des Nobles (plus de 2mn), quand la plupart avoisine, 30, 40 ou 50 secondes, – majoritairement sur le rythme syncopé balançant et donc hypnotique dit  †anapestique †(2 croches/ 1 noire)-, il s’agit d’esquisses – bambochades dirions nous en contexte pictural-, d’un trait d’humeur rapidement esquissé qui suscite surtout une part de liberté et de fine légèreté proche de l’esquisse ou de l’improvisation.

 

________________________________________________________________________________________________

 

 

PARCOURIR les autres concerts de LA SCHUBERTIADE DE SCEAUX 2019 :

Schubertiade de Sceaux Logo copiable logo 2018SCEAUX, La Schubertiade, saison 2018-2019. Du 13 octobre 2018 au 30 mars 2019. Sceaux (92 – Hauts de Seine sud), superbe ville accolée au parc du château éponyme, renoue avec sa riche histoire musicale. Déjà au XVIIè, le site est demeuré célèbre pour le raffinement des célébrations baroques qui y étaient données. Mélomane et fastueuse, la Duchesse du Maine, insomniaque, organisait de somptueuses fêtes nocturnes dans son domaine (les fameuses 16 Grandes Fêtes de nuit de 1714 et 1715). Les Maine ont incarné ainsi, au moment où le Roi Soleil s’éteint à Versailles, une manière de bon goût, associant l’impertinence et l’excellence : le culte de la nuit affirmant une voie différente voire contraire à la célébration officielle du soleil versaillais. Joyeuse, festive, la duchesse du Maine offrait un tout autre visage artistique et politique, loin des austérités de Versailles au début du XVIIIè.

SCHUBERT gstaad reportage 2018LA MUSIQUE DE CHAMBRE A SCEAUX… 
Plus de 3 siècles après ce premier âge d’or culturel et artistique, la ville située au sud des Hauts de Seine, réactive sa riche histoire musicale, et accueille à partir d’octobre 2018 (dès le 13 octobre), une nouvelle saison musicale, plutôt romantique, dédiée à la musique de chambre et en particulier à Franz Schubert : « La Schubertiade de Sceaux ». Chaque Quatuor, Trio, Quintette de Franz Schubert est un voyage intérieur d’une puissante poésie, capable de transporter et de saisir. L’errance schubertienne s’exprime avec cette langueur suspendue jamais résolue; mélancolie profonde, nostalgie d’un eden qui n’a peut-être jamais été mais qui est ardemment désiré, chaque opus de Schubert conduit au-delà des apparences et du texte, vers cet invisible essentiel qui nourrit l’âme et comble l’esprit. Toute la musique de Schubert est une réflexion sur le sens de la vie et l’inéluctable mort, la permanence du sentiment, la vanité terrestre, l’appel au rêve ; elle cultive le réconfort de la tendresse, l’éloquente magie de la musique… Mais aux côtés des partitions schubertiennes, le nouveau cycle de concert à Sceaux propose d’autres compositeurs, de Mozart, Haydn à Beethoven, jusqu’aux auteurs contemporains. EN LIRE PLUS

 

Compte rendu, concert. DIJON, le 15 janv 2019. Chopin, Liszt, Schumann. Sophie Pacini, piano.

Compte rendu, récital, Dijon, Opéra, le 15 janvier 2019. Chopin, Liszt, Schumann. Sophie Pacini, piano… Le programme, romantique, redoutable aussi, est dépourvu de surprises, sinon celle de l’interprète. Sophie Pacini germano-italienne, vient d’avoir 27 ans. Malgré ses récompenses, ses enregistrements, ses récitals et concerts, elle demeure peu connue en France, et c’est bien dommage. Après la Seine musicale, avec un programme sensiblement différent, Dijon bénéficie de son apparition.

Fascinante, mais déconcertante

Sophie_Pacini_piano concert critique par classiquenewsImposante de stature, son jeu athlétique, musclé, surprend autant par sa virtuosité singulière que par son approche personnelle d’œuvres qui sont dans toutes les oreilles. C’est la Fantaisie –impromptu, opus 66 de Chopin, qui ouvre le récital. Virile en diable, même si sa lecture conserve un aspect conventionnel,  c’est du Prokofiev dans ce qu’il y a de plus puissant, voire féroce, avec des rythmiques exacerbées, accentuées comme jamais, sans que Donizetti soit là pour le cantabile. Les affirmations impérieuses l’emportent sur les confidences, la tendresse, la mélancolie, estompées, d’autant que les tempi sont toujours très soutenus. L’ample Polonaise-Fantaisie en la bémol porte la même empreinte : la tristesse, la douleur s’effacent devant l’exacerbation des tensions, de l’agitation, grandiose.
Les deux premières consolations de Liszt, singulièrement, nous font découvrir cette intimité que l’on attendait plus tôt. Retenue pour la première, fluide pour la seconde, elles respirent et leur poésie nous touche. La transcription de l’Ouverture de Tannhäuser est magistrale, servie par une virtuosité inspirée, de la marche qui s’enfle pour s’épuiser, avec émotion, en  passant par la débauche folle du Venusberg, pour s’achever dans la douceur lumineuse du chœur, qui se mue en exaltation jubilatoire. L’énergie, la maîtrise à couper le souffle donnent à cette pièce une force comparable à celle de la version orchestrale.
Le Schumann du Carnaval nous interroge encore davantage que les deux pièces de Chopin.  Il faut en chercher la poésie, le fantasque tant les mouvements adoptés, bien que contrastés, sont matière à une virtuosité éblouissante, démonstrative. Le flux continu, dépourvu de respirations, de césures, de silences, substitue une forme d’emportement rageur aux bouffées d’émotion, aux incertitudes. L’urgence davantage que l’instabilité. Les tempi frénétiques, le staccato altèrent ces « scènes mignonnes » privées de séduction. Le piano est brillant autant que bruyant, métallique, monochrome, et ne s’accorde guère aux climats qu’appelle ce Carnaval. Au risque de sacrifier un instrument, il faudrait inciter Sophie Pacini à jouer sur un piano contemporain de ces œuvres : nul doute qu’elle serait conduite  à substituer la force expressive au muscle et aux nerfs, pour une palette sonore enrichie.
Le bis offert (l’Allegro appassionato de Saint-Saëns) confirme qu’elle est bien là dans son élément, avec une virtuosité épanouie.

________________________________________________________________________________________________

Compte rendu, récital, Dijon, Opéra, le 15 janvier 2019. Chopin, Liszt, Schumann. Sophie Pacini, piano. Crédit photographique © DR

Compte rendu, festival. La Seyne sur mer. Festival international Sand et Chopin en Seyne, le 26 août 2016

sand and chopin festivalLa Seyne sur mer. Festival international Sand et Chopin en Seyne, le 26 août 2016. Tours. Fort Balaguer, Tour Royale : les deux forteresses face à face sont comme le fermoir, qui enserre sans fermer complètement, le collier illuminé de l’immense rade de Toulon. D’un côté, les plages de sable, ponctuées par le Fort, de l’autre une pointe rocheuse surmontée de la Tour, la ville, la base navale, au loin, la silhouette fantôme dans le soir tombant du porte-avions Charles de Gaulle. Sur cette rive de Saint-Mandrier, petit port à l’ancienne, de petits bateaux d’autrefois, pas de yachts mais de modestes barques, des canots, des voiliers, une échelle humaine. Des routes serpentant, rêveusement, entre monts et mer.  Un coin encore préservé.

 

 

 

 

Force et fortifications

 

 

Un chemin forestier dans la colline et des pinèdes surchauffées par la canicule, embaumées des senteurs des plantes aromatiques exhalées, exaltées par la chaleur, nous conduit, à pied, à une autre fortification : le Fort Napoléon.  Un quadrilatère de pierre, arêtes vives mais brouillées, gribouillées, adoucies d’arbustes et d’arbres qui ont pacifiquement pris possession des hautes murailles défensives, tendre prolongement végétal des murs minéraux guerriers.

À l’intérieur, une cour, percée d’ouvertures donnant sur des salles voûtées, vouées désormais, à des expositions, en ce moment, de belles photos de Gil Fréchet. Une scène, un candélabre, deux pianos anciens, l’un, de collection, un Érard de 1926, l’autre ayant appartenu aux Chorégies d’Orange, ayant accompagné Jon Vickers, Montserrat Caballé, Pavarotti… Car ces forts, ces fortifications, belliqueuses, défensives, autrefois subissant le bruit du canon, sont soumises désormais à la paix de la musique.

Tour de force

di marco cristelle opera chant voix lyrique classiquenewsC’est celui de la chanteuse lyrique Chrystelle di Marco, qui a dû puiser en ces lieux la force des murs et la volonté de fer, l’âme d’une guerrière pour réussir à planter, implanter un festival musical et littéraire autour des figures de Chopin et Sand, qui vécut tout près dans une villa et un lieu qui donnèrent nom à son feuilleton Tamaris publié dans la Revue des deux mondes, puis édité en 1862, dont le cadre est justement le décor de la corniche de Tamaris à La Seyne-sur-Mer, une histoire de mère et de fils malade, un aveu presque de son rapport maternel, inconsciemment incestueux, avec Chopin…

Chrystelle di Marco, qui a travaillé avec Raina Kabaivanska, qui chante déjà en Italie, en Espagne, a donc réussi l’exploit de créer ce festival autour de ces deux figures romantiques tutélaires avec, cette année, au programme, Le jeudi 25 août la pianiste internationale Maria Luisa Macellaro La Franca, associée à la comédienne Vanessa Matéo, pour conter en musique et texte les amours de Georges Sand et Chopin. Le 27 août, c’était  le spécialiste de la musique de Chopin, Jean-Marc Luisada, lauréat du Concours International Frédéric Chopin de Varsovie, victoires de la musique en 2010, qui, sur un piano de collection exceptionnel, un Broadwood and sons de 1863, évoquait sous ses doigts l’âme de Frédéric.

nino chaidze piano classiquenews d5eb35_497e7ab573344994bc1953f9764396a1~mv2Et, ce soir, le 26, c’était, avec la complicité du ténor géorgien Iraklí Kakhídze et de la pianiste venue de Géorgie pour les accompagner, Níno Chaídze, que Chrystelle di Marco payait de sa personne. Et quand on emploie cette expression c’est au sens propre et par antiphrase : sans aucune subvention, pour payer les autres, elle renonçait à son cachet, participant, jusqu’à la limite du concert, à tout le travail matériel qu’exige le maintien et la préparation d’un lieu scénique quand la pauvreté des moyens ne permet pas d’avoir une équipe suffisante pour la maintenance. Ce sont des circonstances, qui doivent entrer en considération, des difficultés de l’art aujourd’hui, de sa production, de la vie des artistes, dont l’engagement, la générosité, à la limite du danger pour eux, sont les mesures aussi de leur réussite.

 

 

 

Tour de chant Verdi

Au programme, donc, en première partie, quatre extraits de la Traviata. Le fameux récitatif introspectif, « È strano… » suivi du grand air « Sempre libera » de l’acte I ne pouvait manquer.  On nous a tant habitués, à tort, à entendre ce rôle, notamment le passage de haute virtuosité « Follie, follie… » par des voix légères, qui ajoutent un abusif contre mi non écrit par Verdi, que l’on en oublie que la partition est écrite pour un soprano dramatique capable de vocaliser, d’alléger. La voix de Chrystelle di Marco, puissante, souple, ample tissu et volume, correspond exactement à cette tessiture, égale sur tout son registre, riche en harmoniques, colorée, grave onctueux et velouté, et un medium en mezzo forte d’une somptueuse beauté. Elle se tire admirablement des vocalises périlleuses, malgré le handicap d’une chaleur encore écrasante la nuit, dont le piano, malgré sa protection, souffre un peu avec, soudain quelques sonorités curieuses mais, finalement, agréables dans leur étrangeté. Cependant, l’éclatante belle santé de la voix correspond moins à la moribonde disant adieu à son passé, notamment dans des pianissimi bien tenus mais peut-être insuffisamment ténus.

Elle a un digne partenaire en Iraklí Kakhídze, tout juste arrivé du Festival de Bergen en Norvège, en plein air (et sous la pluie !), ce qui montre aussi à quelles conditions sont soumis les chanteurs dont la jeunesse est prisée pour une scène se rapprochant toujours plus du théâtre et du cinéma pour la beauté des personnages, mais qui ne peuvent s’offrir le luxe, pour vivre —et pas toujours bien— pour survivre souvent de leur art, de refuser l’emploi périlleux que leur proposent des directeurs plus soucieux de réussir un spectacle ponctuel que de ménager l’avenir des voix des jeunes artistes. Ainsi, engagé en troupe par l’Opéra de Manheim, il s’est déjà vu offrir ailleurs les rôles de fort ténors de Canio de Pagliacci et même d’Othello, dangereux en débuts de carrière et qui demandent une voix murie par le temps et l’expérience.

Il est vrai que la voix triomphante de ce ténor semble y inviter : un beau métal pour le timbre, une voix d’airain, des aigus tranchants d’une rare puissance et facilité dans une égalité remarquable de la tessiture, tout pour assurer le succès d’une soirée, si l’on ne songe pas au péril vocal de rôles trop tôt abordés. Il se lance avec passion dans l’air véhément des remords d’Alfredo de l’acte II et les deux chanteurs finissent cette première partie avec le duo final de Traviata.

Le ténor est rayonnant de force virile dans l’air célèbre « Celesta Aida… » d’un Radamès qui est certes dans ses cordes, mais dont il reconnaît sagement qu’il n’a pas intérêt vocal à le trop cultiver en continuité actuellement. Le duo de l’acte II, « Teco io sto », du Ballo in maschera conviendra mieux que les passages en trop grandes nuances à ces chanteurs très dotés en voix, d’une générosité qui se ménage pas en cette nuit estivale éprouvante de chaleur.

Grisés par la puissance exceptionnelle de leurs moyens, dopés, poussés par un public enthousiaste, ils poussent trop la voix et le duo d’amour final d’Aida, s’il est passionné comme il se doit, manque de cette douceur ineffable que Verdi demande expressément dans la partition.

Mais très belle soirée, avec, par ailleurs, une remarquable pianiste, Níno Chaídze, parfaite experte de cette musique italienne à grandes envolées, qui sait accompagner sans presser, laissant très largement respirer la musique et les chanteurs.

 

LUX CLASSIC

lux classic label disques 10351097_1527906187536730_1784284616597409698_nPour donner la mesure de l’activité passionnée de Chrystelle di Marco, disons son activisme musical, il faut signaler que non seulement elle a créé le Festival Sand et Chopin mais qu’elle assure la direction, au Domaine Bunan, de  l’Opéra dans les Chais , ainsi que des Rendez-vous musico-littéraires de Lux Classic au Musée de la marine de Toulon, se déroulant d’octobre à juin et des Rencontres musico-littéraires au Musée de la Castre de Cannes. Sa passion pour les mélodies françaises et italiennes des 19e et 20e siècles, assurée de l’enthousiasme du public de ses récitals, l’amène a créer une maison d’édition et un label indépendant de musique classique, LUX CLASSIC.

LUX CLASSIC se veut créatif et ouvert sur la renaissance et la mise en valeur d’un répertoire riche de couleurs, de variétés de formes et d’émotions aussi bien dans le répertoire des deux derniers siècles que dans la réédition d’ouvrage littéraires de cette même période. Son premier enregistrement, Canti d’amore, est un florilège de mélodies du compositeur italien Luigi Luzzi en première mondiale accompagnées par le pianiste Hervé N’Kaoua. En 2015 elle enregistre dans la collection Livre/Cd Il était une fois… une anthologie de mélodies françaises Rêves d’Orient avec la pianiste Marion Liotard mise en miroir avec la réédition de Au bord du désert de Jean Aicard.

 

 

Récital du pianiste Seong-Jin Cho, en direct sur internet

seong-jin-cho-mozart-schubert-chopin_d_jpg_720x405_crop_upscale_q95En direct sur internet, ce soir, 20h : récital du pianiste Seong-Jin Cho, nouveau signataire chez l’écurie Deutsche Grammphon, après son triomphe récent au dernier Concours Chopin de Varsovie. Concert en direct depuis Reims. Il a remporté le premier Prix lors du dernier Concours Chopin de Varsovie en octobre 2015 (17ème Concours).

 

seong_jin_cho_chopin_17_concours_piano_varsovie_meaNé à Séoul le 28 mai 1994, Seong-Jin Cho est un jeune talent prometteur qui a déjà remporté plusieurs distinction : Grand Prix du Concours international Chopin pour jeunes pianistes (2008), 3e prix du concours international Tchaïkovski (2011), 3e prix du Concours international Arthur Rubinstein… Elu et distingué à Varsovie par un Jury composé de Martha Argerich, Philippe Entremont, Nelson Goerner, Seong-Jin Cho inscrit son nom dans une liste de lauréats prestigieux tels que Maurizio Pollini (1er prix, 1960), Martha Argerich (1965), Krystian Zimerman (1975), Yundi Li, Rafal Blechacz (2005)… tous artistes ayant signé par la suite avec le prestigieux label jaune toujours bien placé dans la carrière des grands noms du piano, Deutsche Grammophon. Daniil Trifonov, Yuja Wang, Yundi, hier Lang Lang (aujourd’hui passé chez Sony)… font aussi partie de l’écurie DG. Qu’en sera-t-il pour le jeune sud coréen Seong-Jin Cho ? Dans un récent communiqué, réaffirmant son partenariat avec l’Institut Chopin de Varsovie, coorganisateur du Concours Chopin fondé en 1927, Deutsche Grammophon annonce un prochain enregistrement Chopin par le nouveau lauréat du Concours polonais, Seong-Jin CHO. A suivre… EN LIRE + sur Seong-Jin CHO, premier prix du 17ème Concours Chopin de Varsovie (octobre 2015)

 
Au programme :
Mozart : Rondo K 511
SCHUBERT : Sonate pour piano n°19
CHOPIN : 24 Préludes pour piano
Seong-Jin Cho, piano
VOIR le direct ce soir à partir de 20h sur le site de Deutsche Grammophon : http://www.deutschegrammophon.com/fr/gpp/index/seong-jin-cho-reims

 

LIRE aussi notre critique complète du premier cd de SEONG-JIN CHO, programme Chopin, CLIC de CLASSIQUENEWS d’octobre 2015

 

CD, compte rendu critique. John Field : intrégrale des Nocturnes. Elizabeth Joy-Roe, piano (1 cd Decca 2015)

ROE JOY Elizabeth nocturnes complete john field review cd critiques de cd presetnation CLASSIQUENEWS mai juin 2016 piano CLASSIQUENEWS -john-field-complete-nocturnes-2016CD, compte rendu critique. John Field : intrégrale des Nocturnes. Elizabeth Joy-Roe, piano (1 cd Decca). L’ÂME IRLANDAISE AVANT CHOPIN : les CHAMPS ENCHANTEURS DE FIELD. On aurait tort de considérer l’anglo-saxon John Field (1782-1837) tel le précurseur inabouti de Chopin. L’irlandais, voyageur impressionnant, a certes inventé la forme éminemment romantique du Nocturne pour piano seul; il en a, avant Chopin, sculpter les méandres les plus ténues sur le plan expressif, trouvant une langue mûre, sûre et profonde assimilant avec un génie créatif rare, et la bagatelle (héritée de Beethoven) et la Fantaisie… La jeune pianiste Elizabeth Joy Roe trouve un délicat équilibre entre intériorité, fougue et pudeur dans un univers personnel et puissamment original qui verse constamment – avant Wagner et son Tristan empoisonné mais inoubliable, vers les enchantements visionnaires de la nuit ; nuits plus réconfortantes et intimes, plutôt vrais miroirs personnels et introspectifs que miroitements inquiétants ; la rêverie qui s’en dégage invite peu à peu à un questionnement sur l’identité profonde. Une interrogation souvent énoncée sur le mode suspendu, éperdu, enivré : ans un style rarement rageur et violent comme peut l’être et de façon si géniale, Chopin, d’une toute autre mais égale maturité. Voici donc 18 Nocturnes (l’intégrale de cette forme dans le catalogue de Field) sous les doigts d’une musicienne qui les a très longtemps et patiemment traversés, explorés, mesurés ; un à un, quitte à en réaliser comme ici, une édition critique inédite (à partir du fonds Schirmer).

 

 

Dédiée au rêve nocturne de Field, la jeune pianiste américaine Elizabeth Joy Roe nous permet de poser la question :

Et si Field était plus bellinien que Chopin ?

 

field piano john field nocturnes review presentation critique cd CLASSIQUENEWS John_fieldLa souplesse du jeu caressant montre la filiation avec le songe mélancolique de Schubert (n°1 en mi bémol majeur h24) et aussi le rêve tendre de Mozart. Le n°6 (“Cradle Song” en fa majeur h40) montre combien la source de Chopin fut et demeure Field dans cette formulationsecrètement et viscéralement inscrite dans les replis les plus secrets et imperceptibles de l’âme. Songes enfouis, blessures ténue, silencieuses, éblouissements scintillants… tout tend et se résout dans l’apaisement et le sentiment d’un renoncement suprême : on est loin des tensions antagonistes qui font aussi le miel d’une certaine sauvagerie et résistance chopiniennes; à l’inverse de ce qui paraît tel un dévoilement explicité, la tension chez Field, infiniment pudique, vient de la construction harmonique au parcours sinueux, jamais prévisible.
Field sait aussi être taquin, chaloupé et d’un caractère plus vif argent : n°12 “Nocturne caractéristique” h13… avec sa batterie répétée (main droite) qui passe de l’espièglerie insouciante au climat d’un pur enchantement évanescent, plus distancié et poétique.
La mélodie sans paroles (“song without words”) n°15 en ré mineur exprime un cheminement plus aventureux, d’une mélancolie moins contrôlée c’est à dire plus inquiète, mais d’une tension très mesurée cependant. La pudeur de Field reste extrême. Le n°16 en ut majeur (comme le n°17) h60 est le plus développé soit plus de 9 mn : d’une élocution riche et harmoniquement captivante, d’une finesse suggestive qui annonce là encore directement Chopin.

CLIC_macaron_2014L’expressivité filigranée de la pianiste américaine née à Chicago, élève de la Juilliard School, détentrice d’un mémoire sur le rôle de la musique dans l’oeuvre de Thomas Mann et Marcel Proust, cible les mondes souterrains dont la nature foisonnante se dévoile dans ce programme d’une activité secrète et souterraine irrésistible. Au carrefour des esthétiques et des disciplines, le goût de la jeune pianiste, déjà très cultivée, enchante littéralement chez Field dont elle sait éclairer toute l’ombre propice et allusive : ne prenez que ce n°16, certes le plus long, mais en vérité volubile et contrasté, véritable compilation de trouvailles mélodiques et harmoniques comme s’il s’agissait d’un opéra bellinien mais sans parole. Au mérite de la pianiste revient cette coloration permanente qui l’inscrit dans l’accomplissement d’un rêve éveillé, d’une nuit étoilée et magicienne à l’inénarrable séduction. Récital très convaincant. D’auant plus recommandable qu’il révèle et confirme la sensibilité poétique et profonde du compositeur pianiste irlandais. Et si Field se montrait plus Bellinien que Chopin ? L’écoute de ce disque habité, cohérent nous permet de poser la question. CLIC de CLASSIQUENEWS de mai et juin 2016.

 

 

 

CD, compte rendu critique. John Field : intégrale des Nocturnes (1-18). Elizabeth Joy Roe, piano (enregistrement réalisé dans le Suffolk, en septembre 2015). CLIC de CLASSIQUENEWS de mai et juin 2016. 1 cd DECCA 478 8189.

 

 

 

CD, événement, compte rendu critique. Chopin : Polonaises. Pascal Amoyel, piano (1 cd La Dolce Volta)

Amayel pascal piano chopinCD, événement, compte rendu critique. Chopin : Polonaises. Pascal Amoyel, piano (1 cd La Dolce Volta). Le geste et la pensée de l’interprète réalisent le chemin intérieur le mieux conçu, et d’une certaine façon apporte la preuve du Chopin à la fois véhément, et aussi tendre, mais toujours superbement LIBRE. Danse proche de la marche, chacune des 7 Polonaises ici magistralement choisies et agencées, assume crânement cette parenté affirmative, brillante et pleine de panache affiché, puis bascule en éclairs plus graves et sombres ou jaillit la tragédie intime du compositeur pianiste.

Amoyel pascal chopin polonaises la dolce vitaParmi nos préférés, c’est à dire les Polonaises qui expriment un accomplissement de la pensée de l’interprète (non de sa seule technicité), l’Opus 26 n°1 invite au tout début à un voyage introspectif où l’on comprend que ce qui se joue relève immédiatement du salut de l’âme : comment se sauver soi-même, Chopin l’expatrié se pose la question ; amorcée en accords secs et même de façon véhémente, la première Polonaise abandonne tout artifice extérieur et bascule peu à peu dans la douceur rêvée, comme si Chopin d’un traumatisme secret, d’abord énoncé furioso, organisait et réécrivait l’histoire en un épanchement maîtrisé, personnel, intime mais dont la sûreté s’affirme nettement, en particulier dans la réitération reconstructrice de la fin. Tout cela crépite et semble imploser en apparence, mais construit allusivement une cohérence intérieure que le pianiste a totalement compris et même qu’il semble vivre totalement au moment de l’enregistrement. Comme un volet fraternel, l’autre face d’un même épisode, l’Opus 26 n°2, fait couler un métal en fusion plus âpre et moins apaisé, rugueux et d’une amertume qui ne se cache pas.

 

 

Polonaises enivrées, sublimées

Pascal Amoyel exprime le chant furieux et tendre d’un Chopin expatrié en quête de liberté et d’harmonie

 

L’opus 44, Polonaise la plus longue (soit plus de 10 mn) fait éclater littéralement le cadre en une forme libre proche de la fantaisie : miroir des affects conquérants et aussi destructeurs, toute la furia tendre de Chopin s’exprime ici en arêtes vives. Piano orchestre et piano orgue aussi par une série de plus en plus revendicatrice, – par ses suites de batteries interrogatives et affirmatives, exprimant la volonté de tout recréer pour que jaillisse intacte, la pure innocence d’un cÅ“ur attendri : la volubilité du pianiste enchante littéralement dans ces passages entre épanchements et chant de victoire. Dont tous les parcours et méandres affirment haut et fort la souveraine liberté d’un esprit qui a su s’affranchir de ses entraves, Chopin, l’exilé volontaire, acteur de son destin.

D’une conscience supérieure et sur le plan formel, d’une audace créative plus inventive encore, l’Opus 53 est peut-être la plus proche de la grande fabrique alchimique de Liszt : vertigineuse et échevelée : c’est aussi l’histoire d’une conquête, gagnée après des efforts colossaux et opiniâtres. Pascal Amoyel en traduit les tensions contraires, les pulsions contradictoires dont le heurt et les frottements produisent les étincelles de la vie.

AMOYEL-PASCAL-une-homepage-cd-chopin-polonaises-582-390Fin de parcours. L’opus 61 traverse toutes les formes pour atteindre un autre espace temps, jouant sur la résonnance d’un piano grand questionneur : tout le début est un questionnement intime intérieur, d’une profondeur ample et vaste : la collection de souvenirs rétrospectifs que Chopin agence alors gagne une éloquente clarté sous les doigts agiles, allusifs du pianiste ; le rythme de la polonaise n’étant alors qu’un éclair, un jaillissement fugace pour électriser un matériau sonore qui se réinvente à mesure qu’il s’écoule, basculant peu à peu vers le chant d’une grande harpe rassérénée, vers un pur esprit de renoncement ; les changements incessants de rythmes et d’harmonie conduisent vers l’inconnu, l’espace au delà du son, derrière le sonore (frémissement annonciateur et suspendu du carillon à 10mn). La douceur étale, simple, naturelle du pianiste, -a contrario de tous ses confrères : son dépouillement sincère, touchent à l’essentiel. Quelle justesse, quelle vérité.

D’une filiation secrète intime, – un hommage à la mémoire de son grand père né polonais, Gerszon-Wolf Kartowski, le pianiste Pascal Amoyel signe l’un de ses disques les plus aboutis. Un témoignage tracé par un coeur sincère, un style sans calcul : pas l’ombre d’un effet car tout y coule comme la pensée intime d’une âme qui se libère peu à peu au fil des Polonaises. Une à une chaque entrave se rompt puis s’efface. La musique s’accomplit.

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. Chopin : Polonaises. Pascal Amoyel, piano (1 cd La Dolce Volta). 7 Polonaises opus 20, 40, 44, Polonaise-Fantaisie opus 61. Enregistrement réalisé à Paris en avril 2015 — 1 cd La Dolce Volta. Lire l’excellent livret notice accompagnant le cd (entretien avec Pascal Amoyel à propos de Chopin). CLIC de classiquenews de mai 2016

VOIR notre reportage vidéo : POLONIA, le nouveau disque de Pascal Amoyel

CLIP. POLONIA. Pascal Amoyel joue la Polonaise opus 53 de Chopin

Amoyel pascal chopin polonaises la dolce vitaCLIP vidéo. CD événement, annonce : Polonaises de Frédéric Chopin par Pascal Amoyel, 1 cd La Dolce Volta. Parution le 29 avril 2016. CHOPIN RÉGÉNÉRÉ. Pascal Amoyel livre son nouveau Chopin dans un nouvel album discographique à paraître chez l’éditeur La Dolce Volta le 29 avril 2016. Après son dernier recueil dédié au Chopin de l’année 1846, c’est une nouvelle immersion, captivante et très investie à laquelle nous invite le pianiste français Pascal AMOYEL qui pour le label La Dolce Volta publie une collection de Polonaises de Frédéric Chopin : l’exercice devient expérience musicale et poétique d’une cohérence indiscutable qui récapitule surtout le génie du créateur sur une forme en métamorphose. La Polonaise indique l’attachement à la mère patrie, en un chant de souffrance et de renoncement qui s’élève au delà de l’expérience personnelle et intime vers un cri universel pour la liberté. L’approche est d’autant plus personnelle qu’elle rend un secret hommage au grand père de l’interprète. Pour Pascal Amoyel, Chopin fut autant capable de vertiges d’une rare violence que d’une introspection furieusement tendre. Les 7 Polonaises ici réunies rétablissent la mesure de cette tragédie intime qui fait de Frédéric Chopin ce créateur atypique, aux blessures profondes, à l’hypersensibilité salvatrice néanmoins qui, investie par un instinct créateur et audacieux hors normes, invente de nouveaux formats musicaux dont les Polonaises. En témoignent ces 7 joyaux remarquablement ciselées au nombre desquels figurent les Polonaises les plus passionnantes et les mieux inventives, opus 44 (notre préférée), opus 53 (Maestoso), enfin la Polonaise-Fantaisie opus 61, sommet du genre. Marche pleine de panache et d’aristocratique noblesse, la Polonaise évolue sous les doigts du pianiste compositeur, osant de façon libre et inédite, de nouveaux défis structurels, harmoniques, poétiques…CLIP VIDEO © studio CLASSIQUENEWS avril 2016 — réalisation : Philippe Alexandre Pham

VOIR aussi le grand reportage vidéo POLONIA : entretien avec Pascal Amoyel : pourquoi avoir enregistré ce nouvel album Chopin ? En quoi le génie intimiste et pudique de Chopin se hisse vers l’universel ? Reportage vidéo réalisé au Théâtre Le Ranelagh en mars 2016 © studio CLASSIQUENEWS avril 2016 — réalisation : Philippe Alexandre Pham

CD événement, annonce : Polonaises de Frédéric Chopin par Pascal Amoyel, 1 cd La Dolce Volta. Parution le 29 avril 2016

Amoyel pascal chopin polonaises la dolce vitaCD événement, annonce : Polonaises de Frédéric Chopin par Pascal Amoyel, 1 cd La Dolce Volta. Parution le 29 avril 2016. CHOPIN RÉGÉNÉRÉ. Pascal Amoyel livre son nouveau Chopin dans un nouvel album discographique à paraître chez l’éditeur La Dolce Volta le 29 avril 2016. Après son dernier recueil dédié au Chopin de l’année 1846, c’est une nouvelle immersion, captivante et très investie à laquelle nous invite le pianiste français Pascal AMOYEL qui pour le label La Dolce Volta publie une collection de Polonaises de Frédéric Chopin : l’exercice devient expérience musicale et poétique d’une cohérence indiscutable qui récapitule surtout le génie du créateur sur une forme en métamorphose. La Polonaise indique l’attachement à la mère patrie, en un chant de souffrance et de renoncement qui s’élève au delà de l’expérience personnelle et intime vers un cri universel pour la liberté. L’approche est d’autant plus personnelle qu’elle rend un secret hommage au grand père de l’interprète. Pour Pascal Amoyel, Chopin fut autant capable de vertiges d’une rare violence que d’une introspection furieusement tendre. Les 7 Polonaises ici réunies rétablissent la mesure de cette tragédie intime qui fait de Frédéric Chopin ce créateur atypique, aux blessures profondes, à l’hypersensibilité salvatrice néanmoins qui, investie par un instinct créateur et audacieux hors normes, invente de nouveaux formats musicaux dont les Polonaises. En témoignent ces 7 joyaux remarquablement ciselées au nombre desquels figurent les Polonaises les plus passionnantes et les mieux inventives, opus 44 (notre préférée), opus 53 (Maestoso), enfin la Polonaise-Fantaisie opus 61, sommet du genre. Marche pleine de panache et d’aristocratique noblesse, la Polonaise évolue sous les doigts du pianiste compositeur, osant de façon libre et inédite, de nouveaux défis structurels, harmoniques, poétiques… Critique complète et développée à venir sur classiquenews.com

 

AMOYEL-PASCAL-une-homepage-cd-chopin-polonaises-582-390

CD événement : Polonaises de Frédéric Chopin par Pascal Amoyel, 1 cd La Dolce Volta. Parution le 29 avril 2016.

Sonate n°2 “Funèbre” de Chopin

chopin_arte_200-ans_soiree_speciale_television_arte-Frederic_ChopinFrance Musique, Dimanche 27 mars 2016, 14h. Chopin : Sonate n°2 opus 35. Tribune des critique de disques. L’oeuvre à la loupe, bilan discographique et meilleures interprétations de la partition  la plus grave et lugubre mais aussi furieuse et noire de Chopin. France Musique interroge le sens profond de la Sonate n°2 dite Sonate funèbre ( en raison de son mouvement lent, en forme de Marche funèbre), composée en 1837. Le compositeur vient de débarquer de Majorque, immersion en terres ibériques, traversées par les embruns marins, une escapade haute en rebondissements, vécue aux côtés de sa compagne George Sand et qui se termine en fiasco sentimental et débâcle quasi apocalyptique… Sand en témoigne dans Un hiver à Majorque, évoquant leur fuite en février 1839 : “Chopin malade entouré d’un troupeau de porcs, et crachant le sang…”  sur le bateau qui les ramène vers la France… et le Berry pour Nohant. Autre déconvenue (majeure) dans un contexte grave et sombre, Chopin apprend la nouvelle du suicide du fameux ténor Adolphe Nourrit à Naples : c’est la mort dramatique d’un ami proche qui lui transmis l’art ciselé du beau chant… Des Baléares que l’on croyait ensoleillées et optimistes, le compositeur pianiste rapporte un gemme noir et lugubre, fantastique et désespéré mais d’un raffinement si subtil que la poésie et l’intériorité pudique adoucissent la morsure du deuil. Par sa marche, la Sonate n°2 ose faire face à la mort, en une confrontation sans maquillage ni atténuation. En filigrane s’y inscrivent aussi toutes les étapes, sensations, sentiments éprouvés par le grand malade romantique durant les 9 années de sa liaison avec Sand. L’amour et la mort y tissent un ample poème symphonique, à deux mains. Dans le premier mouvement (Grave – Doppio movimento), c’est la résistance et la volonté d’un Don Giovanni autre figure confrontée à la mort qui se dressent sublimes, dérisoires ; le Scherzo est aussi mordant et âpre que les meilleures partitions fantastiques d’un Liszt ; la Marche exprime le chant froid et lugubre de l’humanité consciente de sa fin prochaine ; même le Presto du Finale ne réconforte de rien, n’apaise de rien car Chopin renoue avec le mystère et l’angoisse du début. La Sonate n°2 est un incontournable : Chopin y cisèle ce trouble expressif entre pudeur, inquiétude voire angoisse dépressive et fureur à peine rentrée, d’une amère et lugubre résonance, plongeant dans le mystère le plus noir. Des ténèbres de la dépression à l’ombre épaisse de la mort…

PLAN :

Grave – Doppio movimento

Scherzo

Marche funèbre : lento

Finale : Presto

LIRE aussi la page dédiée à la Sonate n°2 de Chopin sur le site de France Musique

Paris, salle Cortot. Elizabeth Sombart joue les 2 Concertos pour piano de Chopin

SOMBART_NB_260_clavier_elisabeth_sombartParis, salle Cortot. Récital Chopin. Elizabeth Sombart, le 14 février 2016, 17h30. Pianiste engagée, soucieuse de transmettre et de rendre accessible au plus grand nombre, la musique classique, Elizabeth Sombart aborde à Paris, un compositeur qu’elle sert avec passion et profondeur, Frédéric Chopin. Etre légendaire, d’une tendresse mozartienne qui ouvrit des perspectives inédites, crépusculaires et intimes, alors à l’époque où Liszt enflammait par son brio virtuose voire pétaradant, les audiences européennes, Chopin a néanmoins traité la forme concertante d’une virtuosité cependant introspective et même passionnée. En témoignent ses deux Concertos de jeunesse, composés en Pologne avant sa départ pour Vienne et la France. D’une subtilité allusive dont elle a le secret, la pianiste Elizabeth Sombart, créatrice de la Fondation Résonnance depuis 1998, ne cesse de s’impliquer dans l’explicitation généreuse et limpide du pianisme chopinien. En fondant la fondation Résonnance (qui a son siège à Morges en Suisse et compte de nombreuses écoles de musique), Elizabeth Sombart s’engage pour rendre accessible l’expérience de la musique classique au plus large public, le public habitué des concerts certes mais aussi les patients et résidents des lieux de souffrance (maison de vie, retraités, hôpitaux) : en un dialogue ténu, silencieux et pourtant immédiat, la pianiste sait rétablir ce lien entre auditeurs et instrumentiste, dans ce cycle désormais réunifié que suscite le temps du jeu musical… Son approche a été marquée par la phénoménologie apprise auprès du chef d’orchestre Sergiu Cilibidace entre autres.

SOmbart Quatuor resonances elizabeth sombart concert Chopin concertos pour piano version de chambreConcentré et inspiré, le jeu d’Elizabeth Sombart témoigne d’une quête permanente, exigente et sincère, que stimule une sensibilité étonnante aux champs intérieurs. Son Chopin toujours fraternel et hypnotique ne laisse pas de nous captiver. Le 14 février 2016, salle Cortot à Paris, l’interprète s’intéresse à nous offrir sa version des deux Concertos pour piano de Chopin, en effectif chambriste (avec un quatuor à cordes) soit la complicité de musiciens qui partagent avec elle, cet amour du jeu et du don collectif. Concert à Paris, Salle Cortot, incontournable.

 

 

 

sombart-elizabeth-resonance-concert-piano-classiquenews

 

 

 

Le Concerto pour piano n°1 est dédié au prodige Kalkbrenner qui le créée à Varsovie le 11 octobre 1830. Chopin y signe sa dernière offrande encore juvénile mais très inspirée (comme le souligne Ravel contre les détracteurs qui le tiennent pour une maladresse fruit de l’inexpérience…), avant son départ pour Vienne puis Paris, où ne rejoignant jamais Londres comme il en avait fait le projet, il meurt précocément en 1849 (à l’âge de 30 ans). Plan : allegro maestoso, Romance (larghetto), Rondo vivace. La Romance centrale est celle qui dévoile déjà le mieux ce qu’est le caractère intime et profond de Chopin : elle annonce ses futurs Nocturnes, inscrits voire ensevelis dans plis et replis d’une vie intérieure secrète mais riche et active.

chopin_frederic portrait chopin classiquenewsLe Concert pour piano n°2 est créé à Varsovie lui aussi mais avant le n°1, c’est à dire le 17 mars 1830 à Varsovie, en hommage à la Comtesse Potocka. Il est plus contrasté voire impétueux que le Concerto n°1. Plan : Maestoso. Larghetto puis Allegro vivace. Le larghetto est en fait une longue cantilène à l’italienne : allusivement dédiée à une femme aimée, Konstanze Gladowska, la pièce suit les méandres d’une douce déclartion amoureuse à peine masquée dont Chopin aime cultiver la ligne suspendue étirée. Son impact se ressent jusqu’à Schumann et Liszt qui s’en souviendront dans leurs Concertos respectifs (en mi bémol majeur pour le second). Loin d’être ses esquisses maladroites qu’on a bien voulu écrire et répandre, les deux Concertos polonais de Chopin expriment au plus près, l’âme ardente, éprise du Mozart romantique, né pour faire chanter le piano.
Elizabeth Sombart en révèle à Paris, la tendresse éperdue, juvénile, ardente, dans une version chambriste pour piano et instruments à cordes.

 

 

 

Concertos de Chopin (version pour quatuor)
Concerto n°1 en mi mineur, op. 11
Concerto n°2 en fa mineur, op. 21

Elizabeth Sombart, pianosombart-elizabeth-piano-concert-classiquenews-review-critique-cd-classiquenews-CLIC-de-classiquenews
et le Quatuor Résonance
Fabienne Stadelman, alto
Lucie Bessière, violon
Nathanaëlle Marie, violon
Christophe Beau, violoncelliste

 

 

boutonreservationEn concert à la Salle Cortot
Le Dimanche 14 février 2016 à 17h30
78, rue Cardinet – 75017 Paris
Tarifs: de 16 à 25 euros
Location: 01 43 37 60 71

 

 

VOIR notre reportage Elizabeth Sombart joue auprès des patients en souffrance…

 

Elizabeth Sombart, piano, la musique à l'hôpital, récital, RésonnanceLa musique à l’hôpital. La pianiste Elizabeth Sombart se dédie totalement à la diffusion de la musique classique hors des salles de concerts. En témoigne son récital offert aux résidents de la Maison Saint-Jean de Malte (Paris 19ème ardt). Le programme est choisi par les résidents ; le partage, la rencontre sont au coeur d’une expérience intense, profondément humaniste et fraternelle. Reportage vidéo exclusif CLASSIQUENEWS.COM (réalisé en novembre 2013). VOIR notre reportage vidéo complet

 

Livres, compte rendu critique. Dominique Jameux (1939-2015). Chopin ou la fureur de soi. Editions Buchet-Chastel (2014)

Buchet chastel Jameux dominique chopin fureur de soi critique compte rendu classiquenewsLivres, compte rendu critique. Dominique Jameux (1939-2015). Chopin ou la fureur de soi. Editions Buchet-Chastel (2014). Encore un livre sur l’auteur des Préludes et des Etudes… Mais pas vraiment biographie, ni  analyse technicienne : un parcours original, très informé, paradoxal et di stancié. La disparition récente de son auteur – qui fut aussi « homme de radio », spécialiste par l’écrit et la parole de tant de « Musiques en Jeu »- donne à  cette lecture fort recommandée un « mélancolique supplément d’âme ». Je n’y suis pas. En des ouvrages   de science- la musicologie en est une, on le sait, parfois  aérienne, parfois privée d’envol quand « ses ailes de géant…. »- et même à l’intérieur de ceux-ci, gît, ou se montre, ou se dissimule un regardant. La règle déontologique est de n’y pas dire : « je »… Hors tels édits, guère de tolérance ou de salut ? De toute façon, ne pas oublier que sévissent aussi, rétrospectivement, des « biographies » où ramassage de ragots, compilation des traditions et bouquets d’anecdotes ne mènent le récit de vie qu’à sa perdition qui aujourd’hui se nomme Gala ou Closer…

« La musique était son monde ». On écrit cela en tête d’un  article sérieux sur le dernier livre de Dominique Jameux, Chopin ou la fureur de soi, persuadé que l’auteur ne nous en voudrait  pas d’un ton souriant et familier :  l’« homme de radio » fut aussi  le fondateur de Musique en Jeu, cette revue unique des années 70 qui dura bien moins qu’Art-Press mais ouvrit tant de citoyens de bonne volonté aux arcanes et labyrinthes du sonore… Le signataire de ces lignes hélas « posthumes » a appris au seuil de l’automne la disparition – commencement d’un brûlant été –de Dominique Jameux. Croyant que « Chopin » avait déjà été chroniqué ici même, il s’était  contenté de lire pour son propre plaisir cette œuvre ultime.Le voici devant la tâche intimidante d’écrire sur celui dont  le bel et pudique avis nécrologique disait : « La musique était son monde, qu’il a peut-être rejoint. »

Sept pianistes capitaux

La distanciation élégante qu’eût admise Dominique Jameux ne doit pas empêcher, en recommandant une lecture-méditation, de souligner qu’il s’agit d’un maître-livre –comme on disait au temps de nos humanités -, où l’on (ré)apprend beaucoup, et qui surtout suscite désir  de réflexions, d’approfondissements, de remises en débat des opinions trop ressassées. D.Jameux  était fervent spécialiste des Trois Viennois, auteur d’une Ecole de Vienne, d’un Berg, d’un Boulez qui ont, comme on dit, fait, et feront longtemps autorité. Mais il était – avant tout, et plus secrètement – chopinien – non, chopénien, ainsi qu’il prend soin de rectifier l’adjectif-,  dans le cadre d’un retour sur quelque « scène initiale » qu’il évoque au détour d’un chapitre sur les « sept pianistes » selon lui capitaux dans l’interprétation du musicien polonais. « Un professeur généreux, consciencieux, drôle et attachant, Jean Dennery (1899-1971) m’a révélé  le piano et Chopin » (et ajoute D.J.humoriste « je ne lui ai pas fait vraiment honneur, mais il représente beaucoup pour moi. »). Scène initiale, donc, et amour jamais consumé pour la vie et l’œuvre de Frédéric, se relaient discrètement dans le livre pour suggérer que malgré la soumission de Chopin à l’ordre-espace du seul clavier, l’auteur de  partitions  sans titres à panache (ah ! Liszt, Schumann, Berlioz…) ouvrit les portes d’une «  musique  de l’avenir », depuis Debussy jusqu’à nos jours.

Classiques favoris

Certes D.Jameux n’a pas l’outrecuidance de livrer l’Ouvrage qui manquerait  à la connaissance de Chopin   et d’une certaine façon remplacerait  sinon annulerait  tous les précédents. Tout au long du parcours, (et en bibliographie terminale) il cite une myriade de contributions, dont certaines encore maintenant accessibles en librairie française : des « classiques » du sujet (avec  mention  un rien perfide : « ceux qui ont attaché leur nom au compositeur polonais  (de Pourtalès, Gavoty, Coeuroy), et d’autres qui se sont signalés à l’attention des amateurs de Chopin »). Il rend hommage aux travaux patients, vraiment scientifiques et honnêtement parcellaires du musicologue suisse  J.J.Eigendilger, tout comme à ceux, plus discrets, de Marie-Paule Rambeau. Si Camille Bourniquel ( qui écrivit un Chopin dans la collection même du Seuil à laquelle le jeune D.Jameux donna son Richard Strauss) est omis, les compositeurs – tel André Boucourechliev – ne sont pas oubliés, car eux aussi savent parler de leur vie  en compagnie de  Chopin, au même titre que naguère un écrivain comme André Gide au plein regard d’intuition.

La fureur de soi

De tout cela, l’auteur   tire substance. Mais surtout « l’homme des Lumières » qu’il était sait qu’un voyage en compagnie de Chopin ne peut s’accomplir hors de l’insertion dans « la Grande Histoire » (de type braudélien), en tout cas débarrassée des simplismes de l’Histoire-Batailles, tout comme dans une Analyse Structurale pure et dure. D’où un excellent récit de cette Monarchie de Juillet(1830-1848) sous laquelle  Chopin a vécu son temps parisien-français, et qui occupe une large partie du « Préambule ». C’est en miroir de ce temps d’exil (pas si désespéré)  que D.Jameux fait se construire Frédéric , quelque part entre un « A nous deux maintenant » (Rastignac montré par Balzac à Montmartre…) et la submersion par une « fureur de  soi » – insérée dans le titre du livre – , à l’intersection du drame personnel et de l’indignation patriotique mêlée » de mauvaise conscience. D.Jameux – qui fit  des études  de sociologie, à côté de sa solide formation musicale – développe sur « la loge de concert »( encore Balzac), la prostitution parisienne, la  « pianopolis » de la capitale, et varie fort plaisamment autour des « budgets » vestimentaires ou mobiliers de Chopin, à sa façon dandy (les gants !) et heureux de se montrer ainsi. Cela vaut au lecteur-XXIe d’amusants et instructifs parallèles sur « les bobos de la vie parisienne au Square d’Orléans », ou un  tableau de Chopin entre Journal des Débats et Charivari (« comme aujourd’hui entre Figaro et Canard Enchaîné »)…

Le je en Il

Ainsi apparaît la mutation du « je » en « il », sous l’ombrelle psychanalytique du Dr Freud (D.Jameux ne négligeait nullement les grilles de lecture offertes par Sigmund…). Et bien  sûr, on demeure en recherche sur « l’Eros chopénien », quitte à révoquer en doute les « certitudes » sur le fameux « Je doute que ce soit une femme »,proféré par Frédéric voyant pour la première fois George. L’auteur, en miroir de Balzac, Flaubert ou Fromentin (l’échec amoureux, l’indécision sexuée), énumère et décrit « les sept femmes » qui ont accompagné Frédéric : la mère, la sœur, celle de l’émoi premier, (Constance, aux origines de la Fureur de soi ?), la fiancée (Marie), la maîtresse (Delphine), la groupie (Jane), et (surtout ?) la compagne (Aurore Dupin, (ci) Dudevant Baronne, George Sand… On ne trouvera pas ici une «  vérité » mais des indications  sur  les composantes  homosexuelles de Frédéric, très « d’époque romantique », (avec son  cher ami Titus, et le moins connu Astolphe de Custine). Les titres  de la vie « in progress » sont amusants et significatifs : Comment Frédéric devint Chopin, Le Ventre de ma mère, Elles, elles, ELLE, L’Isle Funeste (anti-Joyeuse donc, et donc majorquienne), le Quatuor des dissonances (jeux de chaises pas forcément musicales entre  Frédéric, George  et ses « enfants » Solange bientôt devenue jeune femme, et Maurice.

Carliste et révolutionnaire

Sans oublier un sujet-tabou, l’antisémitisme, ici  non idéologique mais tout de même insistant si lui aussi « d’époque »….Ni la «lecture  politique » de l’exilé à Paris , et de citer une lettre de 1833 : « J’aime les Carlistes, je déteste les Philippards ; je suis moi-même révolutionnaire », que souligne  le biographe évoquant « l’habituel halo de fantasmagorie propre aux musiciens quand ils parlent politique », et décryptant ici cette  triade chopénienne  en plein confusionnisme sur les autres et lui-même…

Horizons chimériques

Il y a constamment un regard subjectif de l’auteur, même dans quelques  familiarités du « comme on parle » au 3e degré qui peuvent amuser ou irriter (« le pote de Chopin, quel coup de poing en pleine gueule !, brut de décoffrage, c’est la dèche, bienvenue au club, s’installer au piano pour zyeuter le public… »). Les références à la culture humaniste –surtout  XXe – sont clins d’œil d’une nature plus intéressante : « la lutte des classes en France »(pour citer et un rien corriger  Marx) ; un « glissement progressif du plaisir » ; les « horizons chimériques » (fauréens) pour le Nocturne op.62/1 ; « tout menace de ruine un jeune homme, il est dur à apprendre sa partie dans le monde », cité de Nizan, puis adapté de la  célèbre 1ère phrase d’Aden Arabie « j’avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie »… ; l’axe Viennois, qui a été l’objet primordial des recherches et réflexions de D.Jameux : Freud, donc, Karl Krauss,Alban Berg (et la chère Lulu)…

Limer sa cervelle à celle d’autrui

Et plus en amont : « le Sturm und Drang », qu’on traduira façon  Visconti par « violence et passion » ; « l’humeur dépressive de Chopin à Vienne II, dans le médiocre accueil que lui font cette fois les inconstants Viennois », (comme Paris II pour Mozart en 1778 !). Montaigne est appelé en caution : « il faut frotter (et limer, ajouterons-nous, c’est encore plus joli !) sa cervelle à celle d’autrui ». Et on se souvient  que l’auteur des Essais vantait une écriture « par sauts et par gambades », ce qui semblerait assez bien définir la « méthode » de notre  biographe, si on ne s’apercevait ensuite que la rigueur de la progression, artistement dissimulée, est  réelle.

Les œuvres,l’œuvre

Au titre des jugements subjectifs, quelques  partitions célèbres que l’auteur n’aime pas, ainsi  la Polonaise op.40/1,  dite Militaire (« sa hâblerie insupportable, méchant morceau rédimé par l’usage qu’en fit Wajda dans Cendres et Diamant »). Et des lazzi en direction de Berlioz, que « tout hérissait chez Chopin : comme l’auteur de ces lignes partage sa détestation, il ne peut que regretter hypocritement la surdité de Chopin aux merveilles berlioziennes. »…Mais bien sûr, on s’attardera davantage aux « analyses » des partitions chopéniennes que D.Jameux chérit particulièrement, et sur lesquelles il porte un regard que sa propre écriture sait enrichir de précision et de sensibilité : Ballades,(« la 1ère, le chef-d’œuvre de rupture »),  Scherzi, les deux Sonates, les Etudes (« l’op.10,douze poèmes »),des Nocturnes,  les Préludes( « Ce n’est pas une oeuvre c’est L’œuvre »),  Barcarolle.

Un Journal Intime ?

Et les adultes avertis…  en musique trouveront dans les investigations sur la Tonalité matière à mieux saisir le parcours de Chopin. On pourra être intrigué par l’apparition inattendue et dispersée de passages en italique, dont le 1er ( à propos de la Fantaisie-Impromptu)  évoque l’enfant-Jameux « sous l’Erard fatigué, aujourd’hui encore au centre de ma chambre, j’ écoute cette pièce que joue ma mère, une fois entre mille ».  Cette « écoute amniotique » (qui rejoint celle du petit Frédéric en dessous du clavicorde joué par sa mère Justynia, et dont plus tard la Berceuse transfigurera l’expérience-souvenir), prélude  aux autres pages d’un Carnet-Journal  Intime de notes à développer, dont le biographe dit (un peu « jésuite » ?) qu’ils sont « avant tout destinés à  l’auteur »…

Trois portraits et la vérité

Bien plus tard, il y aura «  trois portraits » essentiels : le fiévreux et génial Delacroix, l’élégant Ary Scheffer qui veut cacher l’intériorité, le terrible daguerréotype de L.A. Bisson, tragédie  de solitude comme eût pu la signer Nadar. Et vont rester  la maladie (« vieille servante de »), la mort. Ceux qui ont été proches de Dominique Jameux ne peuvent  s’empêcher de penser que certaines pages du livre-biographie sont sans doute aussi miroir, certes totalement discret, mais hautement probable du chemin par lequel il aura fallu passer… La relation du « mal dont il faut taire le nom » (au XIXe donc, la phtisie, et maintenant le cancer), le récit d’un dernier voyage de Chopin dans « l’Isle Humide » (Angleterre), le retour à Paris et l’installation à Chaillot (« dès que je vais un peu mieux, cela me suffit »), « une propédeutique à l’agonie (une contemplation  des espaces progressivement resserrés de la vie, avant d’en voir la forclusion progressive et impitoyable) », les « médecins qui ne savent que recommander le repos, le repos je l’aurai un jour – sans eux », l’humour en arme défensive ultime.

Et enfin, « l’espace qui se referme, 17 septembre 1849 »…. Le cœur se serre, dans cette lecture à double sens. Alors on « rejaillit en lumière », comme en Barcarolle, mais « le rythme balancé ne sera pas celui du Nautonier qui va vers l’Ile des Morts ». Un  chapitre d’Epilogue rassemble bien la démarche vers « cette musique si neuve, si déroutante, si prophétique… dans son paysage tonal, son éternisation par le trille, son obsession de l’espace, cause et conséquence de l’affirmation absolue du sujet…, un espace imaginaire qui  semble se confondre  avec le ciel. » Allons, lecteur, bonne traversée !

Livres, compte rendu critique. Dominique Jameux (1939-2015). Chopin ou la fureur de soi. Editions Buchet-Chastel, 2014.

CD, compte rendu critique. Chopin : Concertos n°1 et 2. Elizabeth Sombart, piano (1 cd, 1 dvd – Fondation Résonnance, Londres, mai 2014)

cd dvd chopin elizabeth sombart cd concertos pour piano 1 et 2 resonnance cd review critique compte rendu royal philharmonic orchestra pierre vallet direction CLIC de CLASSIQUENEWS decembre 2015CD, compte rendu critique. Chopin : Concertos n°1 et 2. Elizabeth Sombart, piano (1 cd, 1 dvd – Fondation Résonnance, Londres, mai 2014). A Londres dans les studios Abbey Road, la pianiste Elizabeth Sombart (sur un Grand Fazioli, 278)  délivre un témoignage bouleversant dans deux Å“uvres emblématiques de son compositeur fétiche, Frédéric Chopin. Même si le Concerto pour piano n°1 est plus connu, notre préférence va au Second, pourtant composé avant le premier (1830). C’est que le jeu et le style intérieur, à la fois profond, impliqué mais d’une sobriété essentielle, en particulier dans le mouvement central (Larghetto) s’affirme par un sens de la respiration, de l’écoute intérieure que sa complicité avec l’orchestre et le chef porte jusqu’à incandescence et dans une subtilité irrésistible. Même la valse et la mazurka du dernier mouvement sont énoncées et ciselées avec cette caresse détaillée, ce détachement infiniment allusif qui éblouissent littéralement.

Composé à l’été 1830, le Concerto pour piano n°1 avec sa grandiose introduction préliminaire où se joue toute la tragédie intime du compositeur mais entonné avec un feu d’une élégance supérieure, s’affirme ici grâce à la direction toute en finesse du chef, et l’éloquence coulante, organique des instrumentistes du RPO Royal Philharmonic Orchestra, le collectif londonien fondé par Sir Thomas Beecham au lendemain de la guerre, en 1946. Chantant, amoureusement, le piano d’Elizabeth Sombart s’accorde idéalement à l’accord précédent des bois, caressant, d’une retenue toujours très nuancée, le jeu de la pianiste  exprime au plus juste la blessure, le chant de grâce d’une âme atteinte qui porté par l’élan de l’exil, quitte sa terre natale pour n’y plus venir, une traversée sans retour ; la Romance qui est son épicentre et le second mouvement se déploie comme une caresse (Larghetto), ample réminiscence d’une rêverie évidemment amoureuse, mais comme le précise le compositeur, crépusculaire, nocturne, lunaire. De fait, Elizabeth Sombart l’inscrit naturellement dans sa connaissance des Nocturnes (futurs)  mais dans l’esprit d’un songe pour l’aimée (toujours sa tendre Constance Gladowska qui fut au Conservatoire de Varsovie, une jeune cantatrice secrètement et ardemment désirée, comme l’être inaccessible de Berlioz) ; mais la pudeur extrême de Chopin lui interdit tout épanchement appuyé : voilà pourquoi le toucher d’Elizabeth Sombart se fait d’une douceur secrète et mystérieuse qui semble éclairer chaque détail de ce paysage intérieur, sur un tempo suspendu comme un rêve qui ne voudrait jamais se conclure.

sombart-elizabeth-piano-concert-classiquenews-review-critique-cd-classiquenews-CLIC-de-classiquenewsLe Concerto n°2 écrit et conçu avant le n°1, fait valoir un dramatisme plus âpre, premier, primitif et direct dans son surgissement épique, mais d’une activité continue que les interprètes chef et soliste principalement doivent canaliser en préservant l’architecture et tout autant l’expression naturelle et vive du rubato de l’instrument soliste. Dès le premier mouvement Maestoso, chant d’une indicible blessure tragique, le jeu de la pianiste française écoute toute la liberté du rêve intérieur au-delà de la carrure imposante de l’orchestre ; même chant singulièrement chantant et d’une tendresse pudique éperdue dans le mouvement qui suit, le plus suspendu entre tous : Larghetto où la cantilène amoureuse secrètement dédiée à l’aimée d’alors à Varsovie où fut créé le Concerto (le 17 mars 1830) : toujours l’inévitable Constance Gladowska  (comme Mozart, le prénom de l’être chéri entre tous). Elizabeth Sombart exprime au plus juste et sans affèterie ni surjeu artificiel, le chant ému naturel d’un cÅ“ur à l’autre. Voilà certainement, la confession la plus intime d’un Chopin qui d’une élégance nerveuse et toujours d’une grâce infinie, affirme un tempérament d’une absolue certitude y compris dans le témoignage personnel, celui d’une extase intime. Cette ligne claire et incisive, d’une finesse Bellinienne, d’un bel canto caressant, marqueront fortement et Liszt et Schumann : l’accord entre pudeur et murmure éveillé entre piano et orchestre est ici à son sommet. Inspirée par une tendresse permanente, le sens d’une continuité organique d’un mouvement l’autre, d’un Concerto à l’autre, au point d’en réaliser un volet entier parfaitement cohérent, Elizabeth Sombart fait surgir l’essence caressante, mozartienne, du chant chopinien. Le chef, tout en délicatesse et ardeur suit la pianiste jusque dans le moindre accent de chaque mesure : un travail d’un fini prodigieux.  CLIC de classiquenews de décembre 2015

CLIC D'OR macaron 200CD, compte rendu critique. The Art of Chopin. Concertos pour piano n°1 et 2 (1830) de Frédéric Chopin. Elizabeth Sombart. RPO Royal Philharmonic Orchestra. Pierre Vallet, direction. 1h17mn. Enregistrement réalisé à Londres, Studio Abbey Road, mai 2014. 1 cd. Le dvd complémentaire récapitule les conditions, la préparation, les enjeux esthétiques de l’enregistrement de 2014.

Elizabeth Sombart : Gala de la Fondation Résonnance

sombart-elizabeth-piano-concertos 582 594Berne (Suisse). Concert Résonnance, Elizabeth Sombart. Mardi 8 décembre 2015. Concert événement donné par la pianiste Elizabeth Sombart et les élèves et directeurs des filiales Roumanie, Espagne… de la Fondation Résonnance (étudiants pianistes des filiales Résonnance et étudiants piano / chant du CIEPR : Centre International d’Etude de la Pédagogie Résonnance). Fondatrice de la Fondation Résonnance, la pianiste Elizabeth Sombart a à cœur de diffuser et transmettre ce qu’elle a appris auprès du chef Sergiu Celibidache (principes phénoménologiques de la musique)… Un souci particulier sur le sens profond des partitions, une philosophie particulière fondée sur l’écoute et la cohérence  interne inspirent aujourd’hui une approche particulièrement des oeuvres. La démonstration en sera faite lors de ce concert de gala où les pédagogues de la Fondation Résonnance présentent le travail de leurs élèves. Place aux accords romantiques. Au programme : Schumann, Liszt, Rachmaninov, Fauré (Nocturne), sans omettre, le Concerto pour piano n°2 en fa mineur de Frédéric Chopin (sujet d’un récent album paru sous étiquette Résonance : Elizabeth Sombart joue les 2 Concertos pour piano de Frédéric Chopin avec le Royal Philharmonic Orchestra. Pierre Vallet, direction), que la pianiste aborde à Berne dans sa version chambriste, avec les musiciens du Quatuor Résonnace.

 

 

 

BERNE, Suisse. Elizabeth Sombart joue Frédéric Chopin

 

Elizabeth Sombart avec les membres du Quatuor Résonnances, heureux interprètes des Concertos pour piano de Frédéric Chopin (DR)

 

 

boutonreservationConcert de Gala de la Fondation Résonnance
Berne (Suisse), Yehudi Menuhin Forum
Mardi 8 décembre 2015, 19h30

Programme

Schumann, Liszt, Rachmaninov, Chopin par
Izabela Voropciuc,
(jeune élève roumaine des masterclass du CIEPR);
Nino Kupreishvili,
(étudiante géorgienne des masterclass du CIEPR);
Lavinia Dragos,
(Directrice de la filiale Roumaine).

Fauré : Nocturne
Jean-Claude Dénervaud,
(Directeur du CIEPR)
Berne (Suisse). Concert Résonnance, Elizabeth Sombart. Mardi 8 décembre 2015. Concert événement donné par la pianiste Elizabeth Sombart et les élèves et directeurs des filiales Roumanie, Espagne… de la Fondation Résonnance
Isaac Albeniz : El Albacin
Pilar Guarne,
(Directrice de Résonnance Espagne)

Rameau, Mozart
Fumi Kitamura, soprano, étudiante des Masterclass de Vincent Aguettant.

Chopin : Concerto pour piano n°2
(version piano et quatuor à cordes)
Elizabeth Sombart, piano
avec le Quatuor Résonnance.

Toutes les infos et les modalités de réservation sur le site de la Fondation Résonnance
Réservation :
Tel : +41 (0)21 802 64 46
Mail : reservation@resonnance.org

Fondation Résonnanceresonnance elizabeth sombart concert frederic Chopin novembre 2015
Reconnue de pure utilité publique – Elizabeth Sombart, Présidente
Avenue de Plan 9A – 1110 Morges – Tél. +41.21.802.64.46 – fax +41.21.802.64.47 ccp 17-652192-9 – UBS Morges, cpte 243-G2220993.0 e-mail : info@resonnance.org – site internet : www.resonnance.org

 

 

VOIR notre reportage Elizabeth Sombart joue auprès des patients en souffrance…

 

Elizabeth Sombart, piano, la musique à l'hôpital, récital, RésonnanceLa musique à l’hôpital. La pianiste Elizabeth Sombart se dédie totalement à la diffusion de la musique classique hors des salles de concerts. En témoigne son récital offert aux résidents de la Maison Saint-Jean de Malte (Paris 19ème ardt). Le programme est choisi par les résidents ; le partage, la rencontre sont au coeur d’une expérience intense, profondément humaniste et fraternelle. Reportage vidéo exclusif CLASSIQUENEWS.COM (réalisé en novembre 2013). VOIR notre reportage vidéo complet

 

Elizabeth Sombart joue les 2 Concertos pour piano de Chopin

SOMBART_NB_260_clavier_elisabeth_sombartParis, salle Cortot. Récital Chopin. Elizabeth Sombart, le 15 novembre 2015, 17h30. Pianiste engagée, soucieuse de transmettre et de rendre accessible au plus grand nombre, la musique classique, Elizabeth Sombart aborde à Paris, un compositeur qu’elle sert avec passion et profondeur, Frédéric Chopin.  Etre légendaire, d’une tendresse mozartienne qui ouvrit des perspectives inédites, crépusculaires et intimes, alors à l’époque où Liszt enflammait par son brio virtuose voire pétaradant, les audiences européennes, Chopin a néanmoins traité la forme concertante d’une virtuosité cependant introspective et même passionnée. En témoignent ses deux Concertos de jeunesse, composés en Pologne avant sa départ pour Vienne et la France. D’une subtilité allusive dont elle a le secret, la pianiste Elizabeth Sombart, créatrice de la Fondation Résonance depuis 1998, ne cesse de s’impliquer dans l’explicitation généreuse et limpide du pianisme chopinien. Concentré et inspiré, son jeu témoigne d’une quête permanente, exigente et sincère, que stimule une sensibilité étonnante aux champs intérieurs. Son Chopin toujours fraternel et hypnotique ne laisse pas de nous captiver. Le 15 novembre, l’interprète s’intéresse à nous offrir sa propre version des deux Concertos pour piano de Chopin, avec la complicité de musiciens qui partagent avec elle, cet amour du jeu et du don collectif. Concert à Paris, Salle Cortot, incontournable. La version défendue est d’autant plus marquante que jouée dans une transcription pour piano et quatuor à cordes, il s’agit d’en souligner les nuances intimes, la trame délicatement concertante, expressivement plus intense et caractérisée en format “réduit”.

 

 

 

sombart-elizabeth-resonance-concert-piano-classiquenews

 

 

 

Le Concerto pour piano n°1 est dédié au prodige Kalkbrenner qui le créée à Varsovie le 11 octobre 1830. Chopin y signe sa dernière offrande encore juvénile mais très inspirée (comme le souligne Ravel contre les détracteurs qui le tiennent pour une maladresse, fruit de l’inexpérience…), avant son départ pour Vienne puis Paris, où ne rejoignant jamais Londres comme il en avait fait le projet, il meurt précocément en 1849 (à l’âge de 30 ans). Plan : Allegro maestoso, Romance (larghetto), Rondo vivace. La Romance centrale est celle qui dévoile déjà le mieux ce qu’est le caractère intime et profond de Chopin : elle annonce ses futurs Nocturnes, inscrits voire ensevelis dans plis et replis d’une vie intérieure secrète mais riche et active.

chopin_frederic portrait chopin classiquenewsLe Concert pour piano n°2 est créé à Varsovie lui aussi mais avant le n°1, c’est à dire le 17 mars 1830 à Varsovie, en hommage à la Comtesse Potocka. Il est plus contrasté voire impétueux que le Concerto n°1. Plan : Maestoso. Larghetto puis Allegro vivace. Le larghetto est en fait une longue cantilène à l’italienne : allusivement dédiée à une femme aimée, Konstanze Gladowska, la pièce suit les méandres d’une douce déclaration amoureuse à peine masquée dont Chopin aime cultiver la ligne suspendue, étirée. Son impact se ressent jusqu’à Schumann et Liszt qui s’en souviendront dans leurs Concertos respectifs (en mi bémol majeur pour le second). Loin d’être ses esquisses maladroites voire inabouties, qu’on a bien voulu écrire et répandre, les deux Concertos polonais de Chopin expriment au plus près, l’âme ardente, éprise du Mozart romantique, né pour faire chanter le piano et exprimer l’indicible de l’âme.
Elizabeth Sombart en révèle à Paris, la tendresse éperdue, juvénile, ardente, dans une version chambriste pour piano et instruments à cordes. D’autant plus passionnante qu’elle est rarement jouée et pourtant mieux révélatrice du tissu émotionnel sous jacent à chaque mouvement.

 

 

 

Concertos de Chopin (version pour quatuor)
Concerto n°1 en mi mineur, op. 11
Concerto n°2 en fa mineur, op. 21

Elizabeth Sombart, pianosombart-elizabeth-piano-concert-classiquenews-review-critique-cd-classiquenews-CLIC-de-classiquenews
et le Quatuor Résonance
Fabienne Stadelman, alto
Lucie Bessière, violon
Nathanaëlle Marie, violon
Christophe Beau, violoncelliste

 

 

boutonreservationEn concert à la Salle Cortot
Le 15 novembre 2015 à 17h30
78, rue Cardinet – 75017 Paris
Tarifs: de 16 à 25 euros
Location: 01 43 37 60 71

 

 

Scherzos de Chopin

logo_france_musique_DETOUREchopin_arte_200-ans_soiree_speciale_television_arte-Frederic_ChopinRadio.Scherzos de Chopin. France Musique, dimanche 4 octobre 2015, 14h. La tribune des critiques de disques. Composées entre 1831 et 1842, les Quatre Scherzos de Frédéric Chopin expriment par leurs volutes enfiévrées la quête toujours insatisfaite d’une âme possédée, révélant sous le masque doucereux et rêveur du Chopin crépusculaire, ses aspirations et son tempérament plus éruptifs. Comme il le fait de la matière traditionnelle des Nocturnes, Polonaises ou Etudes, Chopin sublime la forme classique du Scherzo vers une fantaisie débridée d’un caractère souvent exacerbé, non dénué d’extrêmes nuances. L’élan de la danse, atteint une transe personnelle habile en audaces harmoniques et passages vertigineux : le Scherzo chopinien dévoile les brûlures et les facettes fantastiques / diaboliques, inquiétantes et étranges du créateur démiurge (premier épisode du Scherzo n°1, composé selon la légende pendant une nuit d’angoisse dans la cathédrale Saint-Etienne de Vienne, dès 1830). Le Scherzo n°2 dédié à la Comtesse Adèle de Furstenstein, est composé à Paris en 1837.Chopin y excelle dans la balancement fascinant, exigeant de l’interprète des prouesses de technicité habitée, foudroyantes et jamais creuses : les triolets du début devant être joués pianissimi : véritable énoncé du mystère auquel répondent par quatre fois, de majestueux accords. Jamais Chopin ne s’est montré plus proche de Liszt que dans ses Scherzos qui ont l’intimité d’une pensée recueillie et pudique, l’emportement fulgurante d’un génie du piano orchestral. Composé entre Paris et Majorque (1838-1839), pendant le périple du couple éphémère Sand/Chopin, le Scherzo n°3 en do dièse mineur opus 39 est notre préféré : il y distille une pensée musicale entre éclairs et syncope, traversé par ce ruissellement central qui réconcilie comme Schumann, vitesse, mouvement et nostalgie.
Le Scherzo n°4 en mi majeur opus 54, composé à Nohant et Paris entre 1841 et 1842, est dédié aux soeurs Caraman, deux élèves de Chopin. Plus proche du songe maîtrisé et enfin rasséréné, le dernier Scherzo est d’une forme libre qui confine à l’improvisation, expression pudique et directe d’une âme attendrie, et finalement baignée par une douce mélancolie.

CD. Compte rendu critique. Chopin : 24 Préludes. Maxence Pilchen, piano (1 cd Paraty).

Chopin 24 preludes critique compte rendu classiquenews Maxence Pilchen piano 1 cd PARATYCD. Compte rendu critique. Chopin : 24 Préludes. Maxence Pilchen, piano (1 cd Paraty). Voici une nouvelle lecture des 24 Préludes de Chopin qui va compter.  Allusif et pudique, le pianiste franco-belge Maxence Pilchen inscrit la matière musicale dans l’intime, révélant de nouvelles perspectives émotionnelles dans le jaillissement contrasté des séquences enchaînées. Versatile, volubile mais puissamment intimiste, le jeu ouvre tous les champs de la conscience et de la mémoire en retissant les liens profonds et les images souterraines qui font des 24 Préludes, ce fond miroitant des sentiments les plus secrets.  En plongeant dans les eaux de la psyché, le pianiste franco belge rétablit la part prodigieusement humaine du cycle. Magistral.  Le disque de Maxence Pilchen renouvelle notre enthousiasme suscité par le disque dédié au Chopin historique (sur claviers Pleyel) réalisé par Knut Jacques, enregistrement également publié aussi par Paraty.

CLIC_macaron_2014Une vision d’ensemble s’impose d’abord. Traversons le cycle de Prélude en Prélude. L’Agitato initial est un lever de rideau idéalement énoncé comme un rêve ou un songe qui vient de naître (1) : la douceur suggestive du toucher s’y montre irrésistible.  Même réalisation parfaite pour le lento (2) en forme de marche nocturne aux résonances à la fois lunaires et lugubres d’une profondeur hypnotique grâce à un jeu d’une tendresse articulée enivrante (quel sens de l’indicible et des respirations) ; puis c’est un génial contraste avec le Vivace qui suit, abordé comme le vol d’une libellule ou du papillon le plus léger, sachant faire valoir au soleil ses couleurs scintillantes  (3) ; l’énoncé du 4 – Largo, qui est l’une des mélodies les plus célèbres et mémorables du cycle,  sombre dans l’épanchement le plus investi comme une confession douloureuse et intime : là encore l’interprète sait éviter tout pathos trop démonstratif. A l’inverse, – emblème de la lecture du cycle entier-, le jeu s’enracine dans le terreau d’une psyché tenue secrète comme préservée.

Puis, le 5 (Allegro molto) est tout désir, à son amorce, vivifiant qu’atténue dans la continuité, le 6 (Lento assai),  expression d’une réserve où s’épanouit l’intime en une pudeur souveraine, bouleversante.
Le 7 (Andantino)  résonne comme une réitération du Grand Maulnes, produisant la résurgence d’une valse enfouie, pure, soudainement révélée, affleurante : là encore le geste toute en pudeur et suggestivité nuancée de Maxence Pilchen saisit par sa justesse poétique.
Le 8 (Molto agitato) montre outre la sensibilité aux climats et aux atmosphères ténues, picturales, l’aisance digitale emperlée du pianiste : fluidité aérienne au service d’une sensibilité millimétrée et naturelle.
Le 9 (Largo), plus démonstratif, est porté par une certitude qui contraste avec toute la pudeur qui précède.

Emperlé, allusif, le jeu de Maxence Pilchen régénère l’approche des 24 Préludes de Chopin

Chopin réinventé : Préludes magiciens…

Le 10 (Allegro Molto) se fait jaillissement liquide. Le 11 (Vivace) ivresse accordée au tempérament rêveur du début. Le 12 (Presto) sonne telle une mécanique échevelée sur un tempo trépidant. Le 13 (Lento) a la noblesse intime d’un solo de danseuse riche en arabesques diaphanes et elle aussi, envoûtantes.
Le 14 (Allegro) plonge plus grave dans une activité souterraine … pour mieux préparer  au rêve d’enfance du 15 (Sostenuto),  véritable immersion rétrospective et le plus long des Préludes – plus de 4 mn. La lecture plonge  dans ce climat d’innocence des premières années de tout âme terrestre : saluons l’intonation et la précision stylistique parfaites du pianiste qui inscrit davantage le cycle dans l’intimité et la puissante d’une psyché de longue mémoire avec ici le souffle d’une tragédie intime prégnante et tenace. Cette richesse et cette épaisseur émotionnelle accrédite la lecture dans son ensemble.

Par effet de contraste, dont dépend la vitalité rythmique du cycle, le 16 (Presto con fuoco), affirme une ivresse échevelée où le sens de la syncope et du rebond magistralement maîtrisé, enchante et captive. Le 17 (Allegretto) saisit par sa fraîcheur absolue servie par un toucher de rêve soyeux et allusif.

Après la fulgurance du 18 (Allegro molto), tout syncopes et feu,  les 6 derniers Préludes , à part le 22 (Molto agitato de moins d’une minute), présentent une même duré moyenne d’1mn20, offrant une ultime succession équilibrée dans ses développements.

Ainsi le 19 (Vivace) est délié, bavard comme la libération du secret  primordial. Le
20 (Largo) a l’ampleur d’une formidable arche, -ouverture et fenêtre vers un recommencement qui s’appuie sur la conscience pleine et assumée d’une gravité intime assumée. Le 21(Cantabile) devient enchantement : le rubato poétique et dansant suscitant un chant enivré, se distingue nettement.  Le 22 (Molto agitato) exprime première et animale,  l’énergie agitato de forces telluriques jusque là insoupçonnées. Enfin le 23 – Moderato-, à l’inverse est un rêve liquide d’une douceur infinie qui de l’ombre retourne à l’ombre. La pudeur poétique dont est capable Maxence Pilchen, chopinien idéal, s’affirme ici dans toute sa justesse, ses nuances pudiques, ses résonances secrètes et intimes.

 

Dans l’ultime séquence, le 24 (Allegro appassionato), le jeu est porteur d’une tragédie intime jamais  résolue. Chopin exprime dans son dernier Prélude, une énergie sombre, – véritable houle inquiète, et psychiquement instable, associée à la volonté inextinguible et viscérale de renaître.

 

 

La richesse émotionnelle, le jeu qui nous parle de l’intime et fait surgir souvent en éclats scintillants idéalement mesurés, l’activité de la psyché affirment l’impressionnante maturité de l’interprète. Sa sensibilité féconde qui s’inscrit sans pathos dans l’intime et la pudeur, force l’admiration. Outre la formidable digitalité du pianiste,  c’est sa profondeur et son absolue subtilité qui touchent immédiatement. Voici un immense tempérament à suivre de près. Le disque décroche naturellement le CLIC de classiquenews de juin 2015. Voilà qui confirme l’activité du label Paraty tel un formidable tremplin de tempéraments actuels du clavier (clavecin, pianoforte, piano) : Natalia Valentin, virtuose au pianoforte (Bagatelles de Beethoven, 2009), Ivan Ilic (Debussy et Godowski), le déjà cité Knut Jacques (autre chopinien audacieux révélateur des sonorités originelles sur claviers historiques: Pianos Pleyel et pianino ; Ballades, Sonate n°2, Nocturne…) : et plus récemment simultanément au Chopin de Maxence Pilchen, les superbes Sonates de Württemberg de CPE Bach au clavecin par Bruno Procopio (CLIC de classiquenews de février 2015)… Autant de titres, révélant interprètes et répertoires choisis, à connaître d’urgence.

 

 

CD. Compte rendu critique. Chopin : 24 Préludes. Maxence Pilchen, piano. 1 cd Paraty 115131. Parution : le 16 juin 2015. Durée : 34 mn. Enregistré en juin 2014.
Visiter le site du label indépendant PARATY

 

MAXENCE PILCHEN en CONCERT
Le 30 juin 2015, Paris, salle Gaveau, 20h30
Programme : « De Majorque à Nohant ». Les 24 Préludes de Chopin.
Ballade opus 52, Scherzo opus 54, Polonaise opus 53.

 

 

Maxence Pilchen, piano.

Portrait de Vladimir Horowitz

Vladimir_Horowitz_portraitArte. Portrait : Vladimir Horowitz, dimanche 14 décembre 2014, 16h50. Un portrait fascinant couronné par deux Emmys, du pianiste ukrainien légendaire  Vladimir Horowitz. En 1985, Peter Gelb l’actuel patron du MET alors directeur de CAMI Video et producteur, réussit à convaincre Vladimir Horowitz d’ouvrir la porte de son appartement de New York et de se laisser filmer par les frères Hayes. Ainsi se réalise une occasion unique pour un voyage émouvant et divertissant dans l’univers musical et intime du virtuose. Dans son anglais à jamais “russisant”, avec un goût inné pour la mise en scène, un indéniable talent d’acteur, un humour facétieux et allusif d’une élégance perdue, Horowitz explique et célèbre en paroles et au piano tour-à-tour le recueillement d’un choral de Bach, la noblesse d’un prélude de Rachmaninov, l’héroïsme d’une Polonaise de Chopin. Sous l’oeil vigilant, tendre et autoritaire de Madame Wanda Toscanini-Horowitz depuis le canapé à fleurs… Séducteur, doué d’un intelligence malicieuse, voici Horowitz moins dernier romantique que réel funambule prodigieux du clavier.
Horowitz à un an près est l’exact contemporain du maestro Karajan, mort comme lui en 1989. Rival de Rubinstein, meilleur technicien que lui, Horowitz savait taire les rumeur en se déclarant différent et meilleur “musicien”.  De fait moins monstre puissant à la Liszt comme Rubinstein, Horowitz cultive une musicalité à part, rayonnante par sa malice, son imagination, ses nuances résolument “proustiennes” ou plus pianistiquement correctes, “chopiniennes”. En dépit d’une légèreté affichée, ce bienheureux enjoué traversa des périodes difficiles, rompant soudainement avec l’élan des grandes tournées et pris comme par la nausée qu’un trop plein de concerts ne manquait pas de susciter.

arte_logo_2013Arte. Portrait : Vladimir Horowitz, dimanche 14 décembre 2014, 16h50. Horowitz, le dernier romantique ?

 

 

 

puis même chaîne à 18h30 :
Horowitz à Vienne : extraits du concert mémorable que le pianiste donna en mai 1987 dans la Goldener Saal du Musikverein de Vienne. Au programme : Scarlatti, Rachmaninov, Scriabine, Liszt, Schumann et Chopin.  Ponctuant les morceaux, des extraits d’entretiens avec le virtuose montrent comment il s’est inscrit dans l’histoire de son temps ; une large place est aussi laissée à l’émotion, notamment lorsque le musicien évoque des souvenirs d’enfance avec Scriabine et Rachmaninov.

 

 

 

Saintes 2014. Récital Chopin, Schumann par Beatrice Rana, piano

Rana Beatrice Rana pianoSaintes. Récital Beatrice Rana, piano. Chopin, Schumann, le 17 juillet 2014, 22h. Schumann démiurge. Chopin était roi de l’intime suscitant une nouvelle approche dans l’écoute et la réceptivité du concert, Schumann fut celui de l’introspection libre, d’une versatilité protéiforme fascinante. Celui qui souhaitait être le Paganini du piano explore et trouve les nouvelles expressions d’un clavier libéré, prolongement de sa pensée musicale si riche et bouillonnante. Car ici, l’éclatement de la forme selon les tentations de l’humeur n’empêche pas un développement précis, cohérent d’une irrépressible logique interne. Schizophrène impuissant, incapable de développement comme d’accomplissement abouti, rien de tel pour Schumann. Son caractère double, Janus fécond-, Robert revendique une double, voire une triple sensibilité aux facettes plus complémentaires que contradictoires. Schumann prend et relève le défi de chanter ce qui ne peut être dit. Une claque à la démence. Un élan irrépressible que l‘on retrouve, vivace, lumineux dans ses Symphonies à venir.  Qu’il soit Eusébius (instrospectif et sombre) ou Florestan (vif, solaire, conquérant), saturnien ou appolonien, Schumann exprime par le piano un jaillissement unique de la pensée et de l’esprit d’une fraîcheur et d’une vitalité exceptionnelle.

 

 

schumann_robertEclairs et murmures du piano romantique. Les études symphoniques (1834-1852) réalisées sous la forme de 12 variations à partir d’un thème originel de 16 mesures reflètent cet équilibre souverainement romantique où le feu de l’inspiration remodèle à mesure qu’il se déploie, les canevas formels les plus classiques. A mesure qu’il exprime, se dévoile, Schumann réinvente, expérimente. Le motif lui aurait été fourni par le père de sa fiancée d’alors, Ernestine von Fricken (l’Estrella du Carnaval à laquelle il était fiancé – avant Clara, en 1834), une marche funèbre dépouillée d’une beauté franche, immédiate. Relisant, affinant encore ses chères Etudes, miroir musical de ses intimes aspirations- éditées finalement en 1852, Schumann nous laisse l’une des ses partitions les plus personnelles.
Le doucereux Chopin se révèle aussi dans l’écriture musicale : ses Scherzos sont d’une âpreté imprévue, la révélation d’un tempérament plus passionnés et révolté qu’on l’a dit souvent. Le déséquilibre, les forces dépressives, l’attraction du lugubre et de l’anéantissement sont aussi inscrits dans le terreau de la fertile pensée chopinienne. Ce récital romantique en fait foi. Même la forme plus classique de la Sonate a séduit le Chopin ténébreux et rageur : la 2ème Sonate fait souffler un vent de liberté où l’émotion sait plier les contraintes d’un canevas strict. C’est le génie des grands compositeurs que de réinventer toujours… N’écoutez que le contraste qui naît de la chevauchée haletante du Scherzo auquel succède le gouffre lugubre de la célèbre marche funèbre : des visions fulgurantes, pourtant d’une simplicité et d’une économie de moyens, saisissantes. Grand récital romantique sous la voûte de l’église abbatiale de Saintes.

Illustrations : B Rana © Ralph Lauer/The Cliburn

 

 

Jeudi 17 juillet, 22h
Abbaye aux Dames
Beatrice Rana, piano
concert n°26

Frédéric Chopin
(1810-1849)
Scherzo n°3 opus 39
Sonate n°2 opus 35 en si bémol mineur
grave – doppio movimento scherzo
marche funèbre : lento finale : presto

Robert  Schumann
(1810-1856)
Études symphoniques opus 13

 

 

Compte rendu, récital de piano. Toulouse. Halle aux Grains, le 26 mai 2014. Récital Frédéric Chopin. Grigory Sokolov, piano

SOKOLOV grigory grigorysokolovsokolo-18h0Grigory Sokolov est bien connu des Toulousains et chaque invitation rassemble un public nombreux. Schubert et Schumann puis Bach et à présent Chopin. Chaque fois le pianiste russe fait sienne les partitions et en rend la quintessence comme personne. Si son Bach nous avait paru discutable en 2011, nous avons retrouvé avec son Chopin le sublime de son concert Schubert et Schumann de 2009.  Le programme est magnifique. Chopin est en pleine maturité avec la Sonate n°3 de 1844. De construction très claire, cette partition offre tout ce que Chopin a apporté techniquement au piano tout en se refusant aux excès. L’émotion peut être funèbre mais le tendre et l’élégant ne sont pas oubliés. La beauté des phrases mélodiques est belcantiste ; les rythmes complexes s’allient à des harmoniques rares allant jusqu’à  l’abandon des tonalités. Sokolov aborde l’allegro maestoso dans un large tempo qui permet d’assoir un discours tout fait de profondeur. Cette manière si particulière de prendre possession du temps et de l’espace permet à l’immense artiste de captiver l’attention de son public. Les phrasés sont d’une infinie variété permettant de passer par des moments de récitatif, de bel canto ou de rhétorique. Les nuances sont subtilement définies et les couleurs fusent comme dans le plus riche des arc en ciel. Mais avant tout, c’est la clarté et l’évidence qui dominent cette interprétation. Peu de pédale probablement explique cette haute définition du son, jamais flou ou brumeux. Même dans les ténèbres la lumière est présente. Les derniers accords du premier mouvement sont posés avec art et la méprise commence.

Le sublime face au public

Une partie du public ressentant avec exactitude le génie de l’interprète se permet d’ applaudir ignorant l’usage qui aujourd’hui demande d’attendre la fin de la sonate pour s’oublier. Ce ne serait pas si grave si les dernières vibrations de l’accord n ‘étaient noyées sous ces manifestations rustiques. La concentration de l’artiste n ‘a pas semblé en souffrir et c’est tant pis pour la partie du public trop sensible que ce bruit entre les mouvements, terrasse… Le Scherzo est abordé en un tempo également retenu ; c’est la précision de chaque note insérée dans le flux dansant enchanteur qui surprend. Tant de précision des doigts dans une construction si franche du mouvement permet une écoute d’une grande intelligence, les imbrications subtiles de Chopin sont toutes mises en valeur sans excès de vitesse. C’est le troisième mouvement, largo, qui atteint un sommet d’émotion. La grandeur de l’interprète est face au génie du compositeur qui offre son âme au piano. Gregory Sokolov  d’une voix tonitruante débute puis à mi voix, avec une infinie délicatesse, chante comme une diva romantique avec une nostalgie déchirante. Les jeux de question-réponses sont habités et l’évanouissement est au bout des doigts. Toute la sensibilité artiste de Sokolov peut s’exprimer laissant le spectateur suspendu  aux reprises si merveilleuses et embellies du thème principal. Le final est plein de force et d’ énergie retrouvée dans une mise en lumière  proche de l’aveuglement. Toute la technique est mise au service de cette énergie créatrice qui avance avec impétuosité. Les applaudissements irrépressibles fusent avec puissance mais toujours sans respecter la finitude du dernier accord…   La deuxième partie consacrée aux plus délicates Mazurkas, elle sont toutes choisies avec art en fonction des tonalités et des ambiances. Le public saura se faire plus discret en ce qui concerne les applaudissements, car ces pièces sont moins spectaculaires, mais des téléphones portables rallumés à l’entracte et “oubliés” apportent leur note de vulgarité qui attaque plus ou moins les oreilles sensibles. Quel merveilleux voyage nous a proposé Gregory Sokolov en ces Mazurkas sublimes !  Les décrire chacune serait indélicat. Nous avons pu gouter des moments de  beautés nostalgiques et même sombres comme fugacement heureuses. Ces pièces parmi les plus personnelles de Chopin trouvent en Sokolov, un interprète inoubliable capable d’une délicatesse inouïe. Choisies dans les opus tardifs, l’écriture si maitrisée de Chopin se concentre sur l’essentiel d’un rapport à la beauté par et pour le piano dans une fidélité absolue à la terre de ses origines. Sokolov nous fait percevoir cet accord si rare et précieux. Le monde musical dans lequel le grand musicien russe nous a entraîné ne pouvait s’arrêter ainsi et dans une série de bis qui suspendent le temps, le même monde de délicatesse et de beauté nous est offert. Schubert, en âme soeur avec trois Impromptus dont le si délicieux  n°3.  Ni le Klavierstück D 946 ni une autre Mazurka ne permettront au public de se sentir rassasié et d’attendre le fin du son pour applaudir frénétiquement.  C’est au sixième bis, de composition  moins sublime, que le public saura faire silence jusqu’au silence qui termine le musique. Enfin ! Le moindre génie de Sokolov aura été sa patience et sa pédagogie. La musique s’écoute jusqu’au silence qui la referme. Nul ne croise sur son chemin un génie sans en apprendre quelque chose…

Toulouse. Halle aux Grains, le 26 mai 2014. Frédéric  Chopin (1810-1849) : Sonate n°3 en si mineur, opus 58 ; 10 Mazurkas  (La mineur, opus 68 n°2, Fa majeur opus 68 n°3, Do mineur opus 30 n°1, Si mineur opus 30 n°2, Ré bémol majeur opus 30 n°3, Ut dièse mineur opus 30 n°4, Sol majeur opus 50 n°1, La bémol majeur opus 50 n°2, Ut dièse mineur opus 50 n°3, Fa mineur opus 68 n°4). Grigory Sokolov, piano.

CD. Chopin : 21 Nocturnes par Elizabeth Sombart, piano

CD. Chopin : 21 Nocturnes par Elizabeth Sombart, piano (2 cd Résonnance)   …    Subtile interprète des chants intérieurs d’un Chopin aussi spirituel que suggestif, la pianiste Elizabeth Sombart dédie ce nouvel album aux oeuvres qui certainement lui parlent le plus (avec Schubert très probablement). Pour la pianiste qui ne cesse de pratiquer son art dans le sens du partage et de la compréhension profonde, intime, personnelle de chaque Å“uvre, Chopin serait comme un accomplissement toujours recommencé grâce à l’humilité et au naturel qui transparaissent dans ce nouvel enregistrement (le “ dernier ” dit-elle en relativisant de fait l’apport d’une musique ” en boîte ” versus l’expérience irremplaçable de la musique vivante). Elizabeth Sombart est depuis longtemps connue et reconnue pour sa conception très originale et spécifique de la musique : l’interprète se met au service des oeuvres dont elle restitue l’unité structurelle, réalisant le lien ténu qui communique aux êtres présents autour de l’instrument : instant profond, intense, vécu en une communion dont la vibration harmonique permet d’atteindre cette paix et cette unité essentielle dont nous parle seule, la musique.

 

 

 

 

Nocturnes enchanteurs …

 

 

Sombart_chopin_21_nocturnes_cd_resonnanceLes Nocturnes sont à Chopin ce que la Petite musique de nuit est à Mozart, un doux murmure, le chant très personnel qui parle directement au cÅ“ur, bouleversant en ce qu’il fait re-surgir des souvenirs depuis l’enfance. Une musique qui nous révèle à nous mêmes, réconciliant ainsi passé, présent, futur, comme chaque partition ainsi ressuscitée dévoile le propre cheminement spirituel et intime de Chopin, depuis le premier Nocturne, écrit à 17 ans (n°20) avant de quitter sa Pologne natal, jusqu’aux pièces de l’âge mûr liées à sa relation avec Sand …
De tous les Nocturnes composés, Chopin en écrit 7 à Nohant, entre 1839 et 1846, pendant l’été aux côtés de son amie amante infirmière mère, dans l’écrin préservé de sa propriété toute entière dévolue à l’art et à la correspondance des disciplines : musique évidemment, mais aussi littérature et poésie, peinture et arts plastiques …

Fidèle à l’éthique musicale défendue par Elizabeth Sombart, chacun des 21 Nocturnes ici réunis, réalise comme une guérison intérieure et profonde qui ne cesse de soigner, bercer, apaiser… D’où l’activité de la musicienne si engagée auprès de tout ceux pour lesquels la musique est un baume pour le corps, l’âme, l’esprit.
Dans cette écoute privilégiée des chants multiples (polyphoniques) que chante la main gauche, d’une admirable et très éloquente fluidité, la pianiste sait caresser les arabesques mélodiques de la main droite ; elle en révèle les bénéfices sonores, cet apport hautement spirituel et salvateur qui rétablit l’harmonie et la sérénité pour ceux auxquels sa démarche pédagogique (phénoménologie du geste et du son) fait sens.

D’une façon plus poétique et esthétique, une telle approche accuse la langueur bellinienne et crépusculaire de chaque opus ; c’est une immersion sincère et simple, donc éminemment accessible, vers cette extase sonore, à la fois libération, plénitude, révélation que les proches de Sand à Nohant frappés par le jeu enchanteur de Chopin soi-même, appelaient ” note bleue “. Enchantement, aspiration, élévation… tout ici réconforte et hypnotise sous les doigts d’une musicienne très inspirée.

Frédéric Chopin (1810-1849) : 21 Nocturnes, intégrale des Nocturnes. Elizabeth Sombart, piano (Fazioli). Enregistrement réalisé en 2012. 2 cd

 

 

En 2013, Elizabeth Sombart joue en concert les Nocturnes de Chopin tout en évoquant la vie du compositeur. ” La vie de Chopin à travers ses Nocturnes “, avec Jean-Marc Aymon, historien de la musique. Prochain concert dimanche 17 novembre 2013, 17h30. Paris Salle Cortot.

 

Tarifs :
 Normal : 25€ – 
Moins de 25 ans : 16€
Nouvel Album :
 21 Nocturnes de Chopin
Acheter le cd Chopin : 21 Nocturnes par Elizabeth Sombart, piano
Boutique Résonnance

 

Réservations :
Tél. : 06 12 34 32 60
www.autourdupiano.com
Fnac, Virgin, Galeries Lafayette, réseau Ticketnet

 

Elisabeth Sombart, piano

SOMBART_NB_260_clavier_elisabeth_sombartElisabeth Sombart, piano. Nocturnes de Chopin. Paris, salle Cortot, le 17 novembre 2013, 17h30.  Elisabeth Sombart est une pianiste d’exception qui recherche et exprime le sens profond de la musique. L’interprète développe depuis plusieurs années une affinité privilégiée avec les mondes sonores de Frédéric Chopin dont elle a enregistré l’intégrale des oeuvres pour piano seul. Le travail de la pianiste réalise aussi un approfondissement personnel des oeuvres choisies ; pour Elisabeth Sombart, la musique est une formidable porte d’entrée pour l’accomplissement que chacun ambitionne d’atteindre, de vivre, de partager… un accord magique entre l’âme et le corps. Au sein de sa fondation établie en Suisse, Résonnance, la pianiste développe un cycle de concerts gratuits afin que la musique classique touche ceux qui en ont le plus besoin, dans les hôpitaux, les maisons de retraites, les prisons… Elisabeth Sombart est aussi une pédagogue recherchée, soucieuse de partager sa propre conception de l’enseignement fondée sur la phénoménologie du son et du geste, une approche originale et formatrice qui est la synthèse de sa formation auprès de deux maîtres, Sergiu Celibidache et Hilde Langer-Rühl.

A Paris, salle Cortot, le 17 novembre 2013, Elisabeth Sombart donne un récital Chopin choisissant ses Nocturnes pour éclairer la vie du compositeur romantique et partager l’immense bonheur que ses partitions procurent.

 

 

la quête de l’invisible …

 

chopin_arte_200-ans_soiree_speciale_television_arte-Frederic_ChopinA contrario de la virtuosité pyrotechnique et spectaculaire de son contemporain Liszt, Frédéric Chopin cultive les mondes intérieurs, la quête d’une vérité enfouie qui plonge dans le monde de l’enfance, du souvenir, de la suprême nostalgie. Polonais expatrié, Chopin a la mélancolie de sa terre natale, une intensité rétroactive qui embrase sa langueur suggestive. Il souhaitait se fixer en Angleterre, c’est à Paris qu’il s’installe ; Chopin y découvre le bel canto éthéré, suspendu et crépusculaire comme lui d’un Bellini. Si l’homme reste énigmatique, son Å“uvre seule parle pour sa fascinante complexité où tout a été conçu pour le piano.

Peu de concerts publics, surtout des récitals confidentiels donnés pour des proches et des amis, Chopin favorise le repli, l’intimité, le murmure. Et s’il aima la voix, seuls comptèrent les divines cantatrices évanescentes belliniennes (incarnées par Pasta ou Malibran), et surtout Adolphe Nourrit, Orphée romantique, – créateur du Comte Ory, Arnold, Robert le Diable, Raoul et Éléazar-, immense chanteur qui s’associa à Paris avec Frédéric pour révéler aux parisiens, les mondes inaccessibles de Schubert grâce à ses lieder. Mais de tous les chants incarnés, c’est celui de La Sonnambula (La Somnambule) de Vincenzo Bellini qui inspire profondément et fraternellement ses Nocturnes.
Le récital d’Elisabeth Sombart propose un voyage intérieur à travers les Nocturnes de Chopin.  Programme événement.

Elisabeth Sombart, piano
Récital La vie de Chopin
à travers ses NocturnesDimanche 17 novembre 2013, 17h30
Paris, salle Cortot
78, rue Cardinet 75017 ParisRéservations, informations :
06 12 34 32 60
www.autourdupiano.fr

Prix des places
Tarif normal : 25 €
Tarif réduit (- 25 ans) : 16 €
Frais de réservation : 1 € par place
Téléphone : + 33 (0)1 43 71 60 71

CD. Chopin. Knut Jacques (2011,Paraty)

CD. Chopin par Knut Jacques, Pleyel 1834 & 1848 (1 cd Paraty)

Le pianiste Knut Jacques joue Chopin sur instruments d’époque dans le salon Pleyel de la rue Cadet… à la vérité historique se joint la finesse allusive de l’interprétation… cd événement
cd événement

Enigmatique, intérieur: un Chopin révélé

Carter Chris Humphray – mercredi 3 octobre 2012
chopin_knut_jacques_cd_paraty_cd_pleyelLabel des démarches exigeantes sur instruments d’époque (entre autres), Paraty (dirigé par le chef et claveciniste Bruno Procopio) marque un grand coup avec ce disque choc dont l’attrait spécifique révise totalement notre connaissance du monde sonore de Chopin; en un jeu nuancé et intérieur, le pianiste Knut Jacques restitue ce rapport ténu entre pianiste,clavier,public; jamais la résonance et la couleur n’ont paru plus ciselées; jamais lecture n’a semblé mieux réussir le pari délicat et souvent suicidaire du jeu sur piano historique. Il en sort un Chopin totalement inédit, surprenant, d’une infinie et presque étrange (étrangère) sensibilité; l’expatrié, en transit en France, trouve ici dans un jeu particulièrement évocatoire, une terre vierge et riche, un paradis de sensations et de sentiments préservés, … un eden proustien qui régalera les mélomanes, déjà conquis par Chopin. Disque événement. La Ballade en sol mineur opus 23 porte la richesse et le trouble d’un imaginaire vacillant à la croisée des expériences: Chopin commence la composition de cette pièce maîtresse à Vienne, la termine à Paris (1835); entre temps le Pologne s’est soulevée contre les Russes et l’auteur sait qu’il ne reverra jamais plus sa patrie: histoire d’un déracinement, chant d’une nostalgie ineffable, Knut Jacques réussit à exprimer les vacillements opposés d’une partition admirée par Schumann et Liszt: flux et reflux, eros et thanatos, désir et mort tout à la fois. Les mondes intérieures de Chopin surgissent en un vertige très subtilement maîtrisé.

Le chant d’un Chopin fraternel

Même lecture tout en envoûtements mesurés pour le Nocturne en si bémol mineur (dédié à Marie Pleyel, épouse de Camille): mystère d’une intériorité secrète dont la contradiction essentielle est certainement de s’adresser à l’autre sans jamais sacrifier les moindres replis et joyaux indicibles d’une identité préservée… le balancement se fait même douce hypnose et langueur atemporelle qui est un vrai défi à toute idée de narration, de temporalité, de dramaturgie; nous sommes bercés dans un monde flottant, au coeur d’un climat personnel, au centre de la sensation la plus cachée. Knut Jacques fait surgir de l’instrument une voix d’enfance et d’innocence perdue, ce miracle musical qui se réalise au revers  et à rebours du temps, un instant de grâce qui fait toute la réussite de ce programme enchanté/enchanteur.

Le choix de l’instrument et l’approche toute en pudeur du pianiste ne cessent de convaincre. Saluons l’initiative du label Paraty, toujours soucieux de la sonorité, de l’organologie: les instruments d’époque sont ici l’indice d’une ligne artistique qui recherche le sens caché des oeuvres. Après le Mendelssohn de Cyril Huvé (couronné par une Victoire de la musique classique), ce Chopin par Knut Jacques sur instruments historiques s’impose par la même rigueur musicale, un engagement égal. Au scrupule du son, de la mécanique (si présente dans l’esthétique de ce disque exemplaire), les producteurs ajoutent aussi la couleur du lieu et la recherche de la mise en espace car l’enregistrement a eu lieu dans le salon Pleyel, première salle de concert situé à l’étage des premiers ateliers parisiens, dans l’actuel Hôtel Cromot du Bourg, (9 rue Cadet)… C’est là que le jeune Chopin, protégé de l’incontournable et suffisant Kalkbrenner, rencontre Camille Pleyel en novembre 1831. Très impressionné par le public, et comme “asphyxié par l’haleine de la foule” (il y a évidemment cette hypersensibilité palpable dans le jeu du pianiste), le jeune Chopin joue dans le salon Pleyel de la rue Cadet, le 26 février 1832.

Hypnose musicale

Superbe jaillissement éperdu d’un si prodigieuse franchise dans le Grave – Dopppio movimento, entrée en matière de la Sonate n°2: le Pleyel 1843 restitue le volume, les justes proportions et les couleurs d’origine avec une sensibilité magistrale. Accusant par ses aspérités magiciennes, ce balancement perpétuel du contraint et de la détente, de la tension et du rêve où se dévoile comme jamais un Chopin secret et pluriel. Sommet de la Sonate et coeur palpitant du cd, la marche funèbre saisit par ce glas martelé avec un abandon digital là encore somptueusement évocatoire. L’expression, la nuance, la richesse sont au coeur de l’écriture de Chopin; ses contrastes aussi, que l’approche de Knut Jacques sert avec un feu passionné d’un tact absolu. En quête d’une magie sonore que George Sand a pû évoquer (la note bleue), le pianiste trouve d’aussi justes accents dans le trio central qui par sa pudeur murmurée fait couler les larmes. Quelle magie et quelle ivresse !

Après Cyril Huvé dévoilant Mendelssohn, et Ivan Ilic défenseur d’un Godowsky oublié, ce Chopin par Knut Jacques prolonge le chemin parcouru par le jeune label français: il couronne aussi une ligne artistique d’une exceptionnelle finesse musicale. Ecouter ce Chopin sur deux instruments historiques reste la plus belle expérience discographique jamais vécue. On y retrouve comme une révélation qui s’adresse à l’intimité du coeur, ce Chopin confidentiel et fraternel, l’antithèse du Liszt rayonnant et mondain. Sublime récital.

chopin_knut_jacques_cd_paraty_cd_pleyelChopin: Nocturnes, Sonate n°2, Ballades. Knut Jacques, piano (Pleyel 1843, pianino 1834). Enregistrement réalisé 9 rue Cadet à Paris dans le salon Pleyel historique, en 2011. Voir le reportage vidéo Knut Jacques joue Chopin dans le salon Pleyel de la rue Cadet à Paris. 1 cd Paraty 112110. Durée: 1h04mn. Sortie annoncée: le 10 octobre 2012.

vidéos
Chopin chez Pleyel (1)
Chopin chez Pleyel… En octobre 2009, le pianiste et pianofortiste Knut Jacques enregistre pour le label Paraty, plusieurs pièces de Frédéric Chopin. L’enregistrement est réalisé dans le salon Pleyel à Paris, rue Cadet, où Chopin donna le 26  février 1832, son premier récital public. Le pianiste joue un piano Pleyel 1843 et un pianino de 1834. Reportage spécial (1/3)sommaire des vidéos
“CHOPIN CHEZ PLEYEL

Chopin chez Pleyel… En octobre 2009, le pianiste et pianofortiste Knut Jacques enregistre pour le label Paraty, plusieurs pièces de Frédéric Chopin (1/3)

Chopin chez Pleyel… En octobre 2009, le pianiste et pianofortiste Knut Jacques enregistre pour le label Paraty, plusieurs pièces de Frédéric Chopin (2/3)

Chopin chez Pleyel…  Reportage spécial (3/3). Entretiens avec Knut Jacques, Bruno Procopio, Adelaïde de Place… Présentation des instruments, des conditions de l’enregistrement, du salon Pleyel, au 9 rue Cadet à Paris… (3/3)