CRITIQUE, Festival OSTARA 2022. BOULOGNE SUR MER, les 19 et 20 mars 2022. Carine Tinney / Franco Pavan / Bertrand Cuiller / Alia Mens , Olivier Spilmont – La perle de la CĂ´te d’Opale brille de mille feux Ă l’orĂ©e du printemps naissant. Boulogne-sur-Mer, c’est un tout : les riantes façades colorĂ©es de la Grande Rue, les limbes du port et au loin, près des doux embruns bercĂ©s par les mouettes rieuses, les cĂ´tes verdoyantes du Kent d’Albion. Au coeur de sa citĂ© close, le passĂ© glorieux du fier berceau de Godefroy de Bouillon, de Jean Marant et de Sainte-Beuve, et le tĂ©moin silencieux de la nostalgie exilĂ©e du gĂ©nĂ©ral JosĂ© de San Martin. Boulogne-sur-Mer est riche dans son passĂ©, dans son prĂ©sent et dans ses rĂŞves d’avenir qui se concrĂ©tisent avec des belles initiatives.
FESTIVAL OSTARA
Les feux du printemps au coeur de la citĂ© d’opale
18 – 20 mars 2022 – 1ère Ă©dition – Boulogne-sur-Mer
Ostara, dĂ©esse des vivants, nordique divinitĂ© du renouveau et du retour Ă la vie, a inspirĂ© les fabuleux co-directeurs artistiques de cette belle première Ă©dition. Emilie Duvieubourg et Olivier Spilmont ont initiĂ© une aventure audacieuse, un week-end oĂą l’Ă©nergie Ă©quinoxiale allait Ă©veiller les rĂŞveries qui hantent le beau patrimoine bâti de la citĂ© close de Boulogne-sur-Mer. Construite tel un voyage, la première Ă©dition du festival Ostara a invoquĂ© les muses pour une incantation gĂ©niale, entre terre et mer, au grĂ© d’un beau soleil qui a accompagnĂ© sa naissance en grande pompe.
Le festival Ostara a Ă©tĂ© créé avec le soutien de la Mairie de Boulogne-sur-Mer, une belle initiative qui montre encore une fois le dynamisme de la rĂ©gion Hauts-de-France, dont le fleuron est le festival d’Hardelot. Gageons qu’Ostara aura une destinĂ©e aussi belle.
1 – Samedi 19 mars. 20h
HĂ´tel de Ville de Boulogne-sur-Mer
Carine Tinney, Soprano
Franco Pavan, Luth
Landscape of emotion
Oeuvres de Robert Johnson. William Lawes,
John Dowland, Thomas Morley, John Eccles
Le soir tombe au coeur de la citĂ© de Boulogne-sur-Mer, les promeneurs se font rares et l’enthousiasme grandit aux abords de l’HĂ´tel de Ville Ă l’imposant beffroi mĂ©diĂ©val tĂ©moin des siècles. La belle salle des fĂŞtes toute de lambris tendue, annonça l’intimitĂ© d’un programme riche en Ă©motions.
Les paysages Ă©motifs que les “songs” issues de la tradition britannique qui a couvert deux siècles, se dessinent par le rapport entre le texte et la voix. Le caractère sobre du dispositif, une voix et un luth, ne dĂ©naturent aucunement la complexitĂ© des affects et la beautĂ© des mĂ©lodies. On a remarquĂ© notamment la beautĂ© et l’Ă©quilibre du programme, quoiqu’un peu monochrome par endroits. Le choix des songs de Dowland et de Johnson est particulièrement magnifique. Ce rĂ©pertoire rarement interprĂ©tĂ© avec une telle finesse, ouvre l’esprit Ă la contemplation des tĂ©nèbres, comme dans une toile de Soulages : le noir est une invitation Ă une explosion de nuances.
Carine Tinney, soprano Ă©cossaise rĂ©sidant en Allemagne, est une diseuse incroyable. Chaque mot est dĂ©clamĂ©, articulĂ©, Ă©noncĂ© avec clartĂ© et une Ă©motion très juste. Son timbre est riche, sa technique solide et ses phrasĂ©s nous offrent une interprĂ©tation brillante. Carine Tinney nous passionne pour ce rĂ©pertoire, et on la suivrait dans les mĂ©andres de cette traversĂ©e au coeur de la Carte du Tendre, au coeur du baroque. L’accompagnant avec beaucoup d’Ă©lĂ©gance et de justesse, le luth de Franco Pavan sait laisser la place Ă la soprano et l’enrober d’une très belle texture.
Commencer la dernière nuit de l’hiver par des rĂŞveries pareilles annonçaient un magnifique printemps. Les belles fleurs du jardin Ă©motif de Carine Tinney et Franco Pavan ont laissĂ© dans la soirĂ©e, le parfum exquis des promesses d’Ostara.
2 – Dimanche 20 mars – 11h30
Palais Impérial de Boulogne-sur-Mer
Bertrand Cuiller, clavecin
L’Ă©ternel retour
Oeuvres de Johann Sebastian Bach
Le matin est venu dans un canevas d’azur qui a couvert du château des comtes de Boulogne aux rigoles argentĂ©es des rives de la Manche. Nos pas nous ont menĂ© des remparts au sein d’un bel hĂ´tel particulier blanc comme l’Ă©cume, ancien palais impĂ©rial de NapolĂ©on Ier, Ă l’Ă©poque oĂą il observait au loin les cĂ´tes qu’il souhaitait conquĂ©rir. Cette fois-ci, les dorures allaient faire rĂ©sonner, non pas les bottes cirĂ©es des marĂ©chaux et des aides de camp, mais les cordes pincĂ©es d’un clavecin.
Bertrand Cuiller, membre illustre d’une famille dĂ©vouĂ©e Ă la musique de patrimoine, remplaça Olivier Spilmont, souffrant, pour ce rĂ©cital intime au sein des lambris tendus de blanc immaculĂ©. En Ă©claireur de la gloire de la dĂ©esse Ostara, Bertrand Cuiller allait invoquer le maĂ®tre de Leipzig, Johann Sebastian Bach, qui a tellement bien illustrĂ© la rĂ©gĂ©nĂ©ration, la rĂ©silience et la beautĂ© de la nature.
Cette belle contemplation s’est ouverte avec une des suites anglaises interprĂ©tĂ©e avec Ă©nergie. Puis quelques extraits du Clavier bien tempĂ©rĂ© et un extrait du Concerto italien. MalgrĂ© quelques passages jouĂ©s avec une fougue parfois dĂ©concertante, Bertrand Cuiller a maintenu une justesse parfaite et une maĂ®trise totale de la technique surtout dans des pièces virtuoses.
A l’orĂ©e du zĂ©nith, l’Ă©ternel retour Ă Bach rend la journĂ©e plus belle et les rayons du soleil beaucoup plus vigoureux.
3 – Dimanche 20 mars 2022. 16h
HĂ´tel de Ville de Boulogne-sur-Mer
Ensemble Alia Mens
Olivier Spilmont, clavecin et direction artistique
Carine Tinney, soprano
En Attendant
Oeuvres de Marin Marais, Jean-Baptiste Bousset, Louis
Couperin, Gaspard Leroux, Michel Lambert, Jean-Baptiste
Lullv. Jacques Hotteterre.
16h, Ostara veille sur nous. Pour peu l’on sentirait la soie vermeil de son voile fleuri. L’Ă©quinoxe est proche et le public s’installe au coeur de l’HĂ´tel de Ville. La scène s’apprĂŞte Ă accueillir tous les artistes du festival intĂ©grant pour ce concert les rangs d’Alia Mens.
Cet ensemble, dirigĂ© par Olivier Spilmont porte une Ă©nergie particulière. La musique vit, palpite et surgit telle une source irrĂ©pressible dans toutes les rĂ©alisations de cette phalange. Alia Mens nous avait dĂ©jĂ envoutĂ©s par l’Ă©lĂ©gance et la finesse de son interprĂ©tation des cantates de Johann Sebastian Bach dans le disque “La CitĂ© cĂ©leste” (1 cd Paraty / CLIC de CLASSIQUENEWS de mai 2017 / LIRE notre critique complète : http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-cantates-de-weimar-js-bach-alia-mens-1-cd-paraty-bry-septembre-2016/
).
Quelle joie de retrouver cet excellent acteur de la scène des Hauts-de-France dans un programme aussi riche en contrastes. Centré sur la musique française au tournant des XVIIème et XVIIIème siècles, le programme est ciselé comme un écrin précieux pour mettre en valeur chaque musicien(ne) et chaque timbre.
Alia Mens dĂ©voile ainsi une rĂ©elle maĂ®trise du rĂ©pertoire. On aime entendre et rĂ©entendre certaines pièces ou airs de cour, mais on comprend aussi le travail d’orfèvre que chaque interprète a mesurĂ© pour construire une identitĂ©. Tel un jardin Ă la française dont les mystères se dĂ©couvrent en le parcourant d’un bout Ă l’autre. Olivier Spilmont Ă la direction et au clavecin nous ravit avec l’Ă©quilibre, la richesse des Ă©motions et les nuances. Quelle belle manière d’accueillir le triomphe des sens dans cette fĂŞte de lumière et de fleurs.
Ostara a regagnĂ© son trĂ´ne d’Ă©ther et embaume les soirĂ©es de la suave brise qui fait danser les derniers feux de sa fĂŞte. Gageons que l’annĂ©e prochaine, elle saura nous mener vers des contrĂ©es lointaines et nous apportera des nouvelles fleurs aux musiques enivrantes au coeur de la citĂ© Boulonnaise.