vendredi 11 octobre 2024

Recréation de Chimène de Sacchini par l’Arcal

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Antonio_SacchiniSt-Quentin (78): les 13, 14 janvier 2017. Sacchini: Chimère par l’ARCAL. Bien que né Florentin, le jeune Antonio Sacchini est remarqué par le napolitain Durante qui souhaite en faire le plus grand compositeur de son siècle. Rien de moins. Défi relevé et en France principalement. Passé par Venise, professeur de chant pour Nancy Storace, la soprano vedette si tendrement aimé de Mozart…, puis en Allemagne, surtout à Londres où il se rapproche de Tratetta (autre napolitain), Sacchini ne tarde pas à s’imposer par son éloquence européenne, une écriture brillante, raffinée qui s’autorise comme chez Mozart, une profondeur préromantique, présente aussi dans son opéra Renaud– premier opéra parisien de Sacchini (également créé en 1783), qu’a révélé le jeune chef Bruno Procopio à Rio de Janeiro en 2015, avec la sensibilité et l’ardeur expressive dont a rendu compte alors classiquenews.com : VOIR notre reportage vidéo RENAUD de Sacchini par Bruno Procopio (juin 2015).

 

SACCHINI A PARIS… Endetté à Londres, Sacchini à 51 ans, en 1781, l’invitation de la Cour de France afin d’y affirmer la supériorité des Napolitains contre Gluck : de fait Sacchini bénéficie des intrigues des défenseurs de son confrère Piccinni, autre Napolitain invité par Marie-Antoinette, qui avait auparavant développer les arguments de l’opéra italien en France. Renaud comme Chimène créés tous deux en 1783 devant la Cour, illustrent cet éclectisme virtuose, brillant, néo classique et donc préromantique qui germe et croît en France dans les dernières années de la monarchie.
Audacieux voire expérimental, Sacchini « ose » proposer une nouvelle mouture du Dardanus de Rameau : échec retentissant. Puis c’est Œdipe à Colone en 1786, porteur de la même ampleur émotionnelle aux côtés de son style international post gluckiste : nouvelle échec. Mais dès sa reprise en 1787, l’ouvrage ultime de Sacchini d’après le mythe antique saisit l’audience et est joué sans faiblir jusqu’en 1844, soit 583 fois : un record absolu qui enthousiasme encore Berlioz, lui-même ardent Gluck. Triomphe posthume car Sacchini était mort brutalement en 1786 (à 56 ans).

 

 

La tragédie lyrique telle que l’a souhaitée Marie-Antoinette

 

 

Gluck à Paris (1774-1779)UN ITALIEN RENOUVELLE LA TRAGEDIE LYRIQUE… L’ARCAL choisit de ressusciter Chimène de 1783, chanté en Français. Ouvrage majeur comme Renaud, révélant le métier d’un compositeur à la fois raffiné et brillant, invité à régénérer les vieilles formes théâtrales françaises. Sacchini traite d’une forme conventionnelle à bout de souffle, la tragédie lyrique, héritée de Lully au XVIIè (un Florentin comme lui). Le genre es tle plus ambitieux en France car il exige de fusionner les disciplines du théâtre en un seul spectacle : chant, danse, machinerie,… Sacchini apporte la virtuosité italienne au format lyrique français, répondant ainsi au goût de la jeune Marie-Antoinette, devenue reine de France en 1774, 9 années auparavant : entretemps, le germanique Gluck a réalisé une réforme totale de l’opéra français, imposant la nécessité dramatique et la seule cohérence comme esthétique, contre les dérives de la pure virtuosité. L’imagination de Sacchini réécalire le mythe des amours maudites entre Rodrigue « Le Cid » et son aimée Chimène : l’opéra s’inspire de la pièce de Pierre Corneille, créée un siècle avant Sacchini, en janvier 1637.

marie antoinette versailles France royaute marie-antoinetteL’OPERA en France après Gluck, favorisé par Marie-Antoinette… La production portée par l’Arcal apporte ainsi un éclairage particulier sur les transformations du spectacle en France à la fin du XVIIIè : époque charnière dite des Lumières et « néoclassique », ou encore préromantique, propre aux années 1780, où à l’époque des futures convulsions historiques, révolutionnaires (fin de la monarchie et des Bourbons au XVIIIè), le genre lyrique s’enrichit considérablement à la Cour de France de la venue des « étrangers », depuis Gluck. Une présence étrangère, cultivée par la reine Marie-Antoinette, l’autrichienne à Versailles. La production 2017 de l’Arcal profite de l’engagement des interprètes : le chef et violoniste Julien Chauvin (créateur malheureux de son orchestre sur instruments anciens : Le Concert de la loge, qu’il avait intitulée avant le recours juridique du Comité Olympique, La Loge Olympique). Ayant perdu son identité Olympique sous des pressions juridiques aberrantes – on ne voit bien comment un orchestre intitulé « Olympique » pourrait faire de l’ombre à l’Olympisme sportif…, l’orchestre reprend donc du service pour l’Arcal, compagnie lyrique nationale, après avoir défendu les délices d’Armida de Joseph Haydn. C’est aussi la metteure en scène Sandrine Anglade dont la spécialisation reconnue du théâtre de Pierre Corneille devrait apporter une vision spécifique sur le mythe de Chimène et du Cid… en particulier dans l’opéra de Sacchini qui opère une réduction / simplification de la pièce originelle, passant de 5 actes (Corneille) à 3 actes (livret de Guillard). La compagnie nationale ARCAL confirme son engagement dans l’exploration du théâtre lyrique en France, à l’époque des Lumières, entre baroque, néoclassicisme et préromantisme, c’est à dire dans la période riche en mutations propre aux années 1780.

 

 

 

SYNOPSIS

 

 


Acte I. Devoir et amour à Séville : le dilemme étreint le coeur des deux amoureux : Rodrigue et Chimène. Le premier a tué le père de la seconde, son aimée. Ainsi l’amour raille les enjeux politiques : et quand Rodrigue devant Chimène lui demande de le frapper pour qu’elle se venge la mort du père, la jeune femme s’écroule. Et le chasse.
Acte II. Contre les Maures musulmans, Rodrigue mène les troupes du roi. Il triomphe. Mais blessée, inconsolable, Chimène désigne son nouveau défenseur, celui qui tuera puisqu’elle en est incapable, Rodrigue, Don Sanche (qui aime aussi Chimène).
Acte III. Le pardon. Rodrigue ne peut vivre sans l’amour de Chimène. Il lui promet de se soumettre et de mourir de sa main. Le duel Rodrigue, Sanche a lieu : en voyant à son issue, Sanche revenir vivant, Chimène croit à la mort de son aimé. Rien de tel : Rodrigue a épargné le vaincu. Chimène qui a avoué ses vrais sentiments pour Rodrigue, peut s’unir à lui car elle avait promis d’épouser le vainqueur du combat.

La force du drame tient au tiraillement cornélien : amour contre devoir. Rodrigue a tué le père de Chimène (Don Gomès) pour répondre au voeu de son propre père (Don Diègue). Mais Chimène par devoir pour son père en symétrie, souhaite la mort de Rodrigue qui l’a tué. La fille et le fils pourront-ils se défaire de la loi des familles et du code de la vengeance ? La situation pose aussi l’opposition entre liberté personnelle et soumission à la loi familiale et à ce qu’impose la filiation.

Ce qui fait aussi la valeur de la pièce, c’est la beauté des vers de Corneille :

Va, je ne te hais point.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort  / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port.
Et le combat cessa faute de combattants.
L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir.
Le trop de confiance attire le danger.
Aux âmes bien nées, La valeur n’attend point le nombre des années.
Tu t’es, en m’offensant, montré digne de moi ; Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.

L’opéra de Sacchini en propose une transformation, selon le goût des contemporains de Marie-Antoinette, dictée par les règles de la prosodie spécifique au chant lyrique. Il en découle un ouvrage d’une virtuosité lyrique habile, servant le drame resserré du librettiste.

 

 

 

_______________________

 

 

 

sacchini-antonio-582Antonio Sacchini : Chimène ou le Cid, créé à Fontainebleau en 1783
Livret de Guillard d’après Corneille — recréation présentée par l’ARCAL, compagnie national de théâtre lyrique et musical (direction : Catherine Kollen)

Le Concert de la Loge. Julien Chauvin, directio
Mise en scène : Sandrine Anglade
Durée : environ 2h – spectacle sans fosse
Opéra chanté en Français

 

 

5 représentations

 

 

Saint-Quentin en Yvelines (78).
Théâtre nationale : les 13 et 14 janvier 2017 :

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Puis,
Massy, Opéra. Le 14 mars 2017
Herblay, Théâtre R. Barat. Les 25 et 27 mars 2017

 

 

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