samedi 20 avril 2024

Paris. Festival baroque de Paris, Eglise des Billettes, le 24 novembre 2012. Milano, Kapsberger, Holborne, Dowland: Pièces pour le luth. Hopkinson Smith, luth

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Concert Paris, Hopkinson Smith, luth

Hopkinson Smith à Paris est toujours un événement en soi, car il est certainement l’un des interprètes les plus sensibles de l’instrument des poètes et des princes, le luth (ndlr: son disciple Miguel Yisrael, récemment élu « prince du luth » par la rédaction de classiquenews, perpétue la flamme aujourd’hui).

On aurait presque envie d’écrire, si cela avait un sens, l’instrument roi, tant il nous parle et nous apaise, créant une musique du silence comme aucun autre instrument ne sait le faire. C’est dans le cadre du 1er festival Paris Baroque, que nous l’avons retrouvé pour un concert donné dans la charmante église des Billettes au cœur du Marais. Ce lieu sans être totalement idéal pour ce type de concert, -on aurait préféré se retrouver dans les salons de l’hôtel de Lauzun ou du Musée Carnavalet-, est un lieu bien connu des amateurs de musique baroque dans la Capitale. Son cadre assez intime et son acoustique agréable, permettent d’apprécier un instrument aussi discret que le luth.

Poésie de l’instant


Le programme composé en deux parties, nous offre un double regard sur deux écoles du luth, « deux univers assez dissemblables » comme les définit Hopkinson Smith dans le trop court livret qui accompagne le concert. En miroir se présentent à nous les écoles italiennes et anglaises du luth de la Renaissance et de la période baroque.

Dans la première partie, Hopkinson Smith nous fait entendre, Francesco da Milano et Giovanni Girolamo Kapsberger dont l’essentiel de leur activité musicale se déroula à Rome. De la poésie onirique du premier au caravagisme musical du second, le luthiste américain nous révèlent les couleurs et les nuances, la tendre déclamation comme les contrastes avec une virtuosité humble et chantante. Pour la seconde partie, il a choisi des pièces d’Anthony Holborne et John Dowland, deux anglais aussi différents l’un que l’autre tant par le style que par la variété des sentiments que leur musique évoque. Sous les doigts « du divin » Hopkinson, ils apparaissent subtils et pétillants, d’une intense mélancolie, parfois un rien frivole.

Hopkinson Smith semble replier dans son univers nous invitant à l’y suivre, ciselant les notes et les silences, faisant de chaque pièce jouée, un univers fascinant et unique. L’intensité des nuances, l’harmonie des lignes, un toucher subtil où s’expriment les affects de l’intimité comme la détresse, les larmes, mais aussi ce petit rien qui amuse, nous atteint, nous bouleverse, comme une tâche de lumière, un mouvement imperceptible. Tout dans son interprétation est un art de magicien.

Le public silencieux et extrêmement concentré se laisse emporter, ballotter loin très loin, à la limite de l’inconscience, comme dans la Toccata Arpeggiata de Kaspberger. Cessant d’exister, il peut apercevoir un paysage, un homme ou une femme qui danse, chante ou pleure, un enfant qui rit ou joue. Qu’importe, le luth a un pouvoir magique, qu’Hopkinson Smith maîtrise en maître. Les tableaux qu’il peint, les scènes qu’il joue sont si vivants qu’ils effacent la réalité. L’humour est également très présent, comme chez Dowland lorsqu’il décrit en musique ce roi du Danemark si bon vivant. Il nous surprend par son sourire et son impertinence.

Chaque pièce est évocatrice pour chacun de nous de quelque chose de très intime. Ce concert est un instant d’apaisement dans le monde qui au-dehors continue de s’agiter. Deux bis de Dowland qu’Hopkinson Smith nous annoncent avec beaucoup de malice, concluent ce concert hors du temps et de l’espace, véritable enchantement, instant d’accalmie unique.

Paris. Festival baroque de Paris, Eglise des Billettes, le 24 novembre 2012. Francesco da Milano (1497-1584). Giovanni Girolamo Kapsberger (vers 1575-1641) ; Anthony Holborne (vers 1545-1602). John Dowland (1562-1626) : Pièces de luth. Hopkinson Smith, luth

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