mardi 19 mars 2024

CRITIQUE CD événement. TRIFONOV : BACH : The Art of life (2 cd / 1 Blu-ray – Deutsche Grammophon, oct 2021) – La Famille Bach

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CRITIQUE CD événement. TRIFONOV : BACH : The Art of life (2 cd / 1 Blu-ray – Deutsche Grammophon, oct 2021) – CLAN LUMINEUX : La Famille Bach, père & fils  –  CD1 – D’abord saluons l’agilité et sensibilité dont le jeu liquide, transparent, d’une tendre douceur très articulée et jamais creuse, indique l’essence prémozartienne du premier Bach ici, Johann Christian (1735 – 1782) qui fusionne virtuosité enivrante, élégance racée et sous les doigts inspirés de Daniil Trifonov, délicatesse, flexibilité, sobriété. Beau contraste avec la pudeur mélancolique de la Polonaise de Wilhelm Friedemann (170- 1784). Un pas est franchi avec l’éloquence dramatique, plus nuancée encore avec le Rondo de CPE Carl Philip Emanuel (1714-1788) qui touche davantage par sa profondeur et sa justesse de ton. Trifonov complète tel tableau déjà plus que contrasté, à la palette émotionnelle très diverse.
Cette approche libre comme spontané, désormais éloquente et simple, touche encore par ses cadences fougueuses puis pudiques, continument souples grâce au jeu précis et volubile qui incarne chacune des 18 Variations d’après « Ah vous dirai je Maman de Mozart », sublimé par l’esprit de l’élégance de Johann Christoph Friedrich (1732 – 1795).

 

 

 

Subtil et profond, tendre et contemplatif

Daniil Trifonov se surpasse
Pour l’amour des BACH

Puis s’accomplissent les équilibres du Livre d’Anna Magdalena / Notenbüchlein du père fondateur, Johann Sebastian (1685-1750) dont Trifonov éclaire le « classicisme » intrinsèque ; la juste proportion de chaque séquence qui annonce tous les éléments repris séparément par chacun de ses fils : les 2 premiers Menuets exposent sans aucun maniérisme, volubilité ornementée, flux mélodique, pudeur, élégance, voire gravité pour le second. Les Polonaises sont comme en apesanteur grâce à la délicatesse de l’énoncé. La 2è Polonaise in D minor (plus développée, presque 4mn) fait émerger une pudeur secrète inédite. Là encore magnifique contraste avec la bonhommie joyeuse et simple, lumineuse et naturelle de la Musette au caractère paysan, rustique, direct et sobre.
Tout fait sens car la virtuosité digitale est d’une franchise absolue, au service d’une sensibilité qui écarte le tapage et cultive l’intériorité… Menuet d’une délicatesse extrême, énoncé, simple, droit, objectif.
Le dernier Menuet in C minor dit cette maturité lumineuse qui éblouit par sa justesse ; sans omettre la gravité et la noblesse, ceux d’un chemin parcouru, toute une vie contenu dans le « testament » aux allures de choral, serein, doux de « Bist du bei mir BWV 508 » – Bach sait exprimer de la mélodie initiale de Stöltzel dans la retenue préclassique, l’unité et la profondeur entre croyance et certitude, sérénité et accomplissement, douceur et gravité.
La Chaconne qui peut être qualifiée de « grande » (15mn, d’après la partita pour violon BWV 1004) développe les mêmes vertus de la pondération articulée, pour la main gauche : sobriété et clarté, digitalité enivrée et limpidité constamment olympienne ; l’édifice étant gravi pas à pas, dans la ciselure sobre de chaque nuance. Jusqu’à édifier en vagues successives, ascensionnelles, une architecture qui peu à peu à mesure qu’elle s’accomplit (et qui s’enracine profond dans le clavier), impressionne par ses dimensions et sa hauteur d’inspiration, jusqu’à la mélodie finale qui sonne comme une délivrance miraculeuse, inespérée et superbement chantante.

CD2 – Dès le premier Contrapunctus de l’Art de la fugue, la douceur élégiaque du jeu, sa limpidité filigranée, d’une tranquillité absolue fait chanter chaque ligne du contrepoint avec une articulation magicienne accordant clarté, précision, nuance, chant. La conception est d’une tendresse désarmante, sa profondeur égalant sa délicatesse.
La sensibilité chantante du pianiste échafaude plusieurs constructions mentales, comme des divagations nées d’une improvisation libre et nuancée. Les 19 sections dévoilent la science et l’imagination sans limite d’un Bach, génie du contrepoint architectural qui touche à l’abstraction la plus enivrante. La créativité, la ductilité de la soie sonore ainsi tissée enchantent, fascinent, envoûtent littéralement. Superbe réalisation où la texture sonore conduit vers une extase contemplative. Après ses offrandes à l’âme russe (destination Rachmaninov qui a occupé sa précédente inspiration, les BACH de Trifonov touchent tout autant par leur vérité et leur sincérité. Daniil Trifonov, concepteur de programmes excellemment construits, confirme qu’il est bien le pianiste le plus convaincant de sa génération, aussi virtuose que très subtile interprète : aux côtés des Yuja wang ou Yundi Lee, Alice Sara Ott ou son égal pour nous, Benjamin Grosvenor chez Decca, Daniil Trifonov, poète du verbe pianistique et concepteur magicien de programmes personnels s’affirme comme le pianiste majeur de l’écurie DG Deutsche Grammophon. Et probablement plus interprète qu’acrobate, à la différence de ses confrères/sœurs qui sacrifient trop souvent la justesse et la sincérité pour l’affichage et la démonstration. CLIC de CLASSIQUENEWS

 

 

 

 

 

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CRITIQUE CD, événement. The Art Of Life : BACH, père et fils. DANIIL TRIFONOV, piano. Enregistré en déc 2020, janv-fév 2021 (cd1 et 2) – Berlin oct 2021 (Blu-ray) – 2 cd, 1 blu ray DG Deutsche Grammophon

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