Montpellier, Opéra Comédie. Chabrier : L’Étoile. Les 29 et 30 mars 2014. Nouvelle production. Entre facétie et raffinement, Emmanuel Chabrier (1841-1894) cultive en toute liberté et avec un génie personnel très affirmé, le fantasque et le poétique : du bain béni pour l’opéra. Son ouvrage L’Etoile en témoigne : à chaque production, l’étonnement surclasse l’enthousiasme face à une partition brillante, jamais creuse ni strictement décorative. L’opéra fait partie des rares œuvres terminées par l’auteur : le succès est immédiat comme l’indique la quarantaine de représentations qui suit la création, aux Bouffes Parisiens (le théâtre du drame léger, temple parisien du Second Empire, créé en 1855 par Offenbach), le 28 novembre 1877. Danses furtives, mélodies entraînantes, cocasserie festive… la recette est connue et fait les délices d’un genre qu’a marqué avant Chabrier, Offenbach bien sûr ou Charles Lecocq.
Dans un climat propre au conte à la fois féerique et absurde, Chabrier se délecte musicalement à ciseler les climats de l’Etoile. Le titre reprécise l’accomplissement d’une destinée protectrice : alors qu’il a ravi le coeur de celle qui devait épouser le Roi Ouf Ier, la princesse Laoula, le colporteur Lazuli auquel était destiné le supplice du pal, se voit anobli et élevé à la dignité de prince, depuis que l’astrologue de la cour Siroco confirme que le destin des deux hommes sont liés. Le ciel a révélé l’impensable : le destin du roi Ouf et du pauvre Lazuli sont indissociables : si le miséreux meurt, le roi aussi. Fauré, Messager, Duparc et Reynaldo Hahn expriment leur admiration pour l’oeuvre d’un génie. 3 ans après la création de L’Etoile, après l’écoute de Tristan une Isolde de Wagner, Chabrier cesse sons activité de fonctionnaire et décide en 1880 de se consacrer à la musique. Suivent des chefs d’oeuvre : España, l’opéra Gwendoline (1886, au wagnérisme explicite), Le Roi malgré lui (1887)… Rongé par un mal incurable, Chabrier le plus original de compositeurs de la fin du XIXè en France, meurt trop tôt, laissant un œuvre atypique, saisissant voire fulgurant dont on commence seulement à mesurer l’unicité fascinante.
La mise en scène de Benoît Bénichou exploite l’occasion offerte à l’ouvrage d’être revisité par une joyeuse troupe de jeunes interprètes. L’homme de théâtre prend prétexte de la juvénilité et de la curiosité des interprètes d’Opéra Junior pour favoriser l’éclat, l’imaginaire, l’inventivité… autant de caractères qui innervent le tissu de la partition et l’inscrivent ici dans le monde des enfants – adolescents toujours prêts à vivre ou à imaginer de nouvelles aventures. Dans cet univers infantile mais pas innocent, la figure de Ouf, traitée comme un tyran violent et barbare garde sa verve satirique, un pied de nez à tous les pouvoirs qui sur le mode du conte, dénonce l’inhumanité d’une société soumise à la cruauté d’un seul être. Ainsi, dans la bouche des jeunes dénonciateurs, le metteur en scène aime à déclarer : « arrêtons les extrémismes, arrêtons les dictatures, arrêtons la violence, il faut rallumer les étoiles ». De sorte que dans ce nouveau regard, la poésie esthétique de Chabrier et son insolence filigranée ressuscitent à propos sur la scène de l’Opéra de Montpellier.
Emmanuel Chabrier (1841-1894)
L’Étoile
Opéra-bouffe en trois actes sur un livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo
créé au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 28 novembre 1877
Samedi 29 mars 2014 – 15h
Dimanche 30 mars 2014 – 15h
Opéra Comédie
Jérôme Pillement direction musicale
Benoît Bénichou mise en scène
Amélie Kiritzé -Topor scénographie
Anne Lopez chorégraphie
Vincent Recolin chef des chœurs
Bruno Fatalot costumes
Thomas Costerg lumières
Samy Camps Le Roi Ouf 1er
Héloïse Mas Lazuli
Nina Le Floch / Marie Sénié La Princesse Laoula
Lisa Barthélémy / Apolline Raï Aloès
Guillaume René Hérisson de Porc-Epic
Camille Poirier Tapioca
Clara Vallet Siroco
1h30 sans entracte
Nouvelle production
Opéra Junior / Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon