vendredi 19 avril 2024

Les Vénitiens à Paris

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Paris, festival Les Vénitiens à Paris, les 26, 28 mars 2014. Venise perle de l’âge baroque, ayant créé dans la lagune, l’opéra, la cantate, le concerto devait forcément influencer au delà de toute espérance la culture française. Ce fut déjà le cas au XVIè siècle quand les peintres Titien, Véronèse, Tintoret diffusaient partout en Europe leur raffinement et leur sens inégalé de la couleur… Le XVIIème n’est pas en reste … Ainsi à l’initiative de Mazarin, Paris accueille une colonie d’artistes italiens, en particulier vénitiens, entre 1645 et 1662 : Cavalli, Torelli et Balbi, entre autres, sans omettre le plus grand compositeur de l’heure après Monteverdi, Francesco Cavalli. Il ne s’agit pas simplement du nouvel épisode d’une mode fugace mais bien d’un échange décisif qui marque définitivement l’imaginaire du futur Louis XIV : pour son mariage, prend visage aux Tuileries l’opéra vénitien de Cavalli avec ses ballets et ses machineries. Jamais plus l’art français ne sera le même : les nouveautés de l’art vénitien favorise l’essor des arts en France. Les français apprennent un style, un métier, une science des arts de la scène… apprentissage utile pour que naisse l’opéra français dix années plus tard.

 

 

concert 28 marsLe nouveau festival Les Vénitiens à Paris raconte cette histoire flamboyante d’un échange permanent entre français et italiens, et plus précisément entre la Cité des doges et la Cour de France. Versailles, ses fontaines, ses miroirs d’eau, son grand canal adaptent l’idée d’une cité sur l’eau ; les cimaises des salons d’apparat des Grands Appartements comportent de nombreuses toiles de Véronèse et le dessin de la Chapelle royale reprend des motifs palladiens. En deux concerts et une journée d’étude sur le thème des Vénitiens à Paris, le nouveau festival évoque la richesse de la source vénitienne à laquelle les auteurs français se sont s’abreuvés. Il s’agit d’évoquer le 26 mars 2014 en un programme de musique sacrée les concerts hebdomadaires de Saint-André-des-Arts dans les années 1650, fondés par le curé Mathieu qui avait séjourné à Rome et décidé de faire chanter la musique italienne chaque semaine dans son église à Paris.
Le 28 mars, place à l’opéra vénitien, une pratique spécifique de la vocalità où la conception dramatique et la place des machineries occupent le premier rang (extraits des premiers opéras donnés à Paris : La Finta Pazza de Sacrati, l’Orfeo de Rossi, Xerse et Ercole amante de Cavalli). Le 28 mars également, une journée d’étude à l’Institut culturel italien, rassemble les chercheurs spécialisés sur la question des Vénitiens à Paris.

Passion Paris Venise
. L’opéra vénitien est à l’origine de l’opéra baroque français. Dès 1643, l’œuvre de Mazarin vise à importer et assimiler l’opéra italien à Paris. Comme François Ier, protecteur de Leonardo da Vinci qu’il fait venir en France, le cardinal ne cesse de puiser dans l’art italien, les germes de l’art français.
Les fastes du spectacle lyrique ses machineries et bientôt ses ballets spécifiques sont le meilleur véhicule pour diffuser la suprématie du pouvoir monarchique français. Les Vénitiens Balbi, Torelli, Sacrati, Cavalli et, indirectement, la leçon de Claudio Monteverdi, le plus grand créateur d’opéras à Venise (Le Couronnement de Poppée, Le retour d’Ulysse dans sa patrie-), inspirent les auteurs français.
La couronne de France depuis Henri IV est liée au raffinement de la culture italienne en avance sur les autres nations depuis la Renaissance florentine. Déjà, justement pour ses noces avec Marie de Medicis à Florence, Henri IV en 1600 assiste aux premières formes de l’opéra italien encore embryonnaire : les Euridice de Peri et de Caccini. œuvres de divertissement, pas encore drames lyriques cohérents. Convaincu, le roi Bourbon invite Caccini en France et témoin, Descartes écrit en 1618 : « la musique n’a plus pour finalité de refléter l’harmonie de la création, mais bien de plaire et d’émouvoir en nous des passions variées » rapporte Olivier Lexa, initiateur du festival Les Vénitiens à Paris.
Chanteur dans l’opéra Saint-Ignace de Kapsberger à Rome en 1622, le jeune Mazarin s’initie très tôt et de l’intérieur à l’art lyrique. Il en comprend les possibilités de propagande au service des grands. En 1639, le politique organise la production d’un opéra à l’ambassade de France à Rome dédié à Richelieu, louant les qualités de Louis XIII. Devenu premier ministre en 1643, Mazarin ne cesse d’organiser des spectacles d’opéras et de musique italienne à Paris à la gloire de la monarchie française.

 

 

Paris à l’heure vénitienne

Mazarin

Mazarin invite à Paris Leonora Baroni, soprano italienne réputée, le castrat Atto Melani acteur des fêtes royales françaises et aussi diplomate. En mars 1645, Nicandro e Fileno de Marazzoli est représenté au Palais Royal. Puis arrivent les vénitiens, créateurs du spectacle vénitien d’opéra : le chorégraphe et metteur en scène Balbi, l’ingénieur machiniste et grand sorcier de la scène, Torelli. Ainsi, de dernier aménage le Théâtre du Petit Bourbon en octobre 1645 pour y donner l’opéra La Finta Pazza, du vénitien Sacrati. Grand succès.

Les opéras de Sacrati, Monteverdi, Rossi à Paris. En février 1646, l’Egisto de Mazzocchi et Marazzoli est donné devant un cénacle restreint, en présence d’Antonio Barberini exilé à Paris avec son secrétaire l’abbé Francesco Buti. Sur la demande de Mazarin, leur ancien secrétaire à Rome, les Barberini font venir à Paris le castrat Marc’Antonio Pasqualini et Luigi Rossi. Buti assure le recrutement des musiciens : une troupe italienne s’installe à Paris en janvier 1647. Elle donne L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi à Paris, puis l’Orfeo de Luigi Rossi, le 2 mars 1647 au Palais Royal. Outre la musique, les création visuelles de Balbi et les machines de Torelli font sensation. En avril suivant, Le Nozze di Peleo e di Teti de Sacrati (livret de Buti) où paraît déjà le futur Louis XIV, incarnant l’éternité du politique est représenté.

Après la Fronde (février 1653), Mazarin veut consolider le pouvoir royal si outrageusement contesté. Le Cardinal renforce l’éclat et le raffinement des ballets et spectacles de cour pour affirmer la santé de la monarchie. Le ballet de la nuit réalisé par Torelli, est donné le 23 février 1653 au Petit Bourbon. Le jeune dauphin futur Louis XIV danse en costume du Soleil : tout un symbole politique est né alors. Le florentin Lulli devient le compositeur de la musique instrumentale de la Chambre. Jusqu’en 1660, Lully ne cesse de prendre de l’importance en concevant les ballets de cour. Mais l’apothéose de la politique artistique proitalienne de Mazarin se concrétise pour le mariage de Louis XIV avec l’Infante d’Espagne après la Paix des Pyrénées (9 juin 1659). Buti coordonne les travaux pour une immense machinerie dans le palais des Tuileries afin d’y donner un nouvel opéra …. vénitien. A l’œuvre, les italiens Gaspare, Lodovico et Carlo Vigarini imaginent une salle d’une ampleur inédite (7000 personnes) dont le chantier prenant du retard, s’achèvera en 1662.
Pour le mariage de Louis XIV, Mazarin invite l’immense Francesco Cavalli qui arrive à Paris en juillet 1660. Le plus grand compositeur vénitien après Monteverdi (son maître) avait donné un Te Deum à la basilique San Marco pour célébrer la Paix des Pyrénées. La machinerie des Tuileries n’étant pas prête pour un nouvel opéra, on donne un ancien ouvrage de Cavalli, Xerse, dans la galerie de peintures au Louvre, le 22 novembre 1660.

 

 

 

Concert 26 marsErcole Amante de Cavalli : la source de l’opéra de Louis XIV. Mazarin meurt le 9 mars 1661. Son grand œuvre se réalise postmortem le 7 février 1662, dans l’écrin achevé de la Salle des Tuileries : Cavalli peut y voir son nouvel opéra spécialement conçu pour la Cour française : Ercole Amante. Le thème d’Hercule est un autre symbole du Roi de France (voir la galerie d’Hercule de l’Hôtel Lambert) : Louis XIV paraît au cours du spectacle grâces aux ballets complémentaires de Lully (Pluton, Mars, Soleil). Dans son opéra, Cavalli prolonge le cynisme poétique du Couronnement de Poppée de Monteverdi où la figure de Néron inspire un portait particulièrement satirique et mordant des auteurs (Monteverdi et Busenello). Dix ans plus tard, à la source de cet opéra des origines, Lully allait donner enfin à la cour de France, la forme lyrique qu’elle attendait : « Ercole annonce ainsi la création de la tragédie lyrique française, qui à partir de Cadmus et Hermione de Lully en 1673, empruntera à l’opéra vénitien sa machinerie, son art du récit, l’emploi des ritournelles, les lamenti, les sommeils, les scènes infernales et autres tonnerres… « , précise encore Olivier Lexa.

Pour mesurer l’impact de la musique vénitienne à Paris au XVIIème siècle, le festival Les Vénitiens à Paris offre en deux concerts l’occasion de redécouvrir ce style vénitien qu’admirait tant Mazarin de son vivant.

 

 

agenda du festival Les Vénitiens à Paris : 2 concerts, 1 journée d’étude

Les Vénitiens à Paris

 

 

Mercredi 26 mars, 20h,
Eglise des Blancs Manteaux, Paris 4e
Ensemble Correspondances – Solistes, chœur et orchestre
Sébastien Daucé, clavecin, orgue & direction
« Le grand répertoire sacré » : œuvres de Monteverdi – Legrenzi – Lotti – Caldara – Melani – Giamberti – Charpentier
Vendredi 28 mars, 20h30,
Eglise Saint-Germain-l’Auxerrois, Paris 1er
La Cappella Mediterranea – Mariana Flores et Anna Reinhold, sopranos
Leonardo Garcìa Alarcòn, clavecin, orgue & direction
« Les opéras italiens à la cour de France » : Cavalli – Rossi – Sacrati

Vendredi 28 mars, 10h-18h, Institut culturel italien, Paris 7e
Journée d’étude « Les Vénitiens à Paris »

 

 

 

Festival Monteverdi Vivaldi 2014
Olivier Lexa et le Centre de musique baroque vénitien (www.vcbm.it) produisent aussi à Venise, un festival de musique baroque vénitienne chaque année, intitulée festival Monteverdi Vivaldi… prochaine édition, du 4 juillet au 4 octobre prochain à Venise, avec Jordi Savall et Hesperion XXI, Paul Agnew et Les Arts Florissants, Rinaldo Alessandrini, Leonardo Garcia Alarcon et La Cappella Mediterranea, Vivica Genaux et le Vox Ensemble, Marc Mauillon, etc. Programme détaillé disponible en mars 2014, sur le site du Centre vénitien : www.cvbm.it.

 

 

Illustration : Mazarin et sa collection de sculptures antiques à Paris (DR)

 

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