samedi 20 avril 2024

Les Caprices de Marianne d’Henri Sauguet

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Tours, Opéra. Sauguet : Les Caprices de Marianne. Les 13, 15 et 17 février 2015. Oriol Tomas, mise en scène. Claude Schnitzler, direction. Théâtre des passions et des sentiments contrastés, l’opéra d’Henri Sauguet (1901-1989), créé en 1954, marque les esprits par sa langue ciselée, dévoilant en contrastes soulignés, les vertiges du cœur. Souffrance, jalousie, voire folie, les protagonistes de la comédie qui est aussi un drame tragique, suivent l’intrigue de la pièce originelle de Musset (1833). L’auteur lui-même en couple avec George Sand, impétueuse maîtresse, connut les affres de la passion amoureuse digne de ses héros fictionnels. 

sauguet-franceL’œuvre a été créée au festival d’Aix en Provence. Inspirée de Musset, elle permet aux classes et leurs professeurs d’approfondir un travail spécifique sur l’adaptation des oeuvres littéraires à l’opéra. En l’occurrence il s’agit de voir comment le librettiste de Sauguet, Jean-Pierre Grédy, a adapté le texte de Musset pour la scène lyrique. Sauguet fut un habitué de ce genre de transposition : La Contrebasse d’après Tchekov (livret de Henri Troyat), La Chartreuse de Parme d’après Stendhal créé à l’Opéra de paris, puis La Gageure imprévue d’après Sedaine en 1943, précède l’expérience des Caprices.  Suivra encore en 1978, Boule de suif d’après Maupassant… Comment expliquer la mise à l’écart dont souffre toujours Sauguet, comme Honegger ou Milhaud ? La résurrection des Caprices met en valeur l’efficacité d’une écriture dramatique, polytonale, d’une superbe concision harmonique sachant caractériser chacune des très nombreux épisodes de l’action. Le travail des répétiteurs dès les premières sessions se concentrent sur l’articulation du français, un élément clé de l’opéra à cette époque.

 

 

 

A quoi sert la mort de Cœlio ?

 

autoportrait degas Degas_Edgar_21_autoportrait_maxLa tension dramatique s’inscrit dans les choix scéniques du metteur en scène : imaginé dans le texte originel de Musset «  sous le règne de François Ier », le drame s’inscrit dans cette nouvelle production à Naples, la menace du Vésuve, élément sourd et permanent qui annonce la mort de Cœlio, ce jeune homme amoureux qui n’a de cesse de conquérir le cœur de Marianne : l’indice tragique y colore jusqu’à la fin cet opéra du drame amoureux. Allusivement, c’est une guerre politique et sociétale qui se joue, un conflit de générations et d’esthétiques : les vieux bourgeois détenteurs du pouvoir contre la jeunesse rebelle et romantique… Le décor reproduit pour partie la fameuse galerie urbaine et bourgeoise Umberto I à Naples : formidable parabole du carcan social qui recouvre et étouffe avec son dôme en verre. La perspective accentué évoque aussi le labyrinthe du théâtre Olympique de Vicence et ses dédales impossibles où se perd la raison des héros. Ici règne le soupçon délirant et la jalousie criminelle, ceux de l’époux de Marianne (le juge Claudio) qui sent tout autour de la maison conjugale, une épouvantable et pourtant irrépressible « odeur d’amants ». Le ton est donné. Il est vrai que Cœlio entreprend divers stratagème pour séduire la belle Marianne, utilisant tour à tour la vieille Ciuta, puis surtout le cousin du juge, Octave, dépravé libertin auquel Marianne finira par faire quelques avances… Au final, à quoi sert l’amour non partagé de Cœlio pour Marianne ? Car celle-ci lui préfère le cœur d’Octave. Musset ajoute à la tragédie, le poison du cynisme. En Cœlio, il faut avoir ce héros romantique que sa jeunesse et ses aspirations rendent décalé, un inadapté dans le monde réel. Si Marianne est froide et indifférente, seul Octave son ami, renonce à l’amour de Marianne ça dil ne veut pas trahir son ami. La verve et les délices de la langue imaginé par Musset, transcrits dans l’opéra de Sauguet concernent surtout les confrontations entre Marianne et Octave chez qui bouillonnent et tempêtent des sentiments contradictoires mais qu’unit un vrai sentiment amoureux, avoué ou refoulé.

Qu’en sera-t-il sur les planches des théâtres accueillant la production ? Réponses à travers les différentes dates de la tournée, en France et en Suisse. A l’Opéra de Tours, pour 3 dates : les 23, 15 et 17 février 2015. 

sauguet henri sauguet les_caprices_de_marianne_770 opera de tours tournee france 2015La production en tournée en France, est portée par les jeunes chanteurs lauréats des auditions organisées par le Centre Français de Promotion Lyrique, avec une équipe de production canadienne. Saluons l’initiative qui permet de défendre une perle lyrique française méconnue, de la faire connaître d’un large public en la programmant dans une dizaine de théâtres d’opéra : au total 14 salles françaises accueillent la production. Soit 40 représentations jusqu’en 2016 (deux distributions en alternance). Avant Les Caprices de Marianne, le CFPL avait inauguré un tel projet lyrique collégial avec le Voyage à Reims de Rossini en 2009-2010.

 

 

Les Caprices de Marianne à l’Opéra de Tours
les 13, 15 et 17 février 2015
Opéra-comique en deux actes
Livret de Jean-Pierre Grédy, d’après la pièce d’Alfred de Musset
Création le 20 juillet 1954 à Aix-en-Provence

Direction : Claude Schnitzler
Mise en scène : Oriol Tomas
Assistant mise en scène : Emilie Martel
Décors : Patricia Ruel *
Costumes : Laurence Mongeau
Lumières : Etienne Boucher *

Marianne : Zuzana Markova *
Hermia : Sarah Laulan *
Octave : Philippe-Nicolas Martin *
Coelio : François Rougier *
Claudio : Norman Patzke *
Tibia : Raphaël Bremard
L’aubergiste : Jean-Christophe Born *
Le chanteur de sérénade : Guillaume Andrieux *
La Duègne : Julien Brean *

Orchestre Symphonique Région Centre-Tours
Présenté en français, surtitré en français

* débuts à l’Opéra de Tours

 

En savoir + sur Henri Sauguet 

 

 

Illustration : Autoportrait d’Edgar Degas : Cœlio, le portrait du jeune héros romantique, sacrifié dans le drame de Musset.

 

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