jeudi 18 avril 2024

Entretien avec Jacques-François Suzzoni

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Entretien avec Jacques-François Suzzoni
Créé en mai 2004, l’éditeur de dvd, BelAir Classiques affiche déjà un catalogue indiscutable, comptant de nombreuses captations d’opéras en provenance du Festival d’Aix en Provence (où paraît entre autres la soprano Mireille Delunsch), de l’Opéra de Paris, du Théâtre Bolchoï, de l’Opéra de Zurich, du Grand Théâtre de Genève et bientôt du Mariinski… Opéras, mais aussi ballets, sans omettre quelques perles indispensables à l’adresse des cinéphiles tel le Molière d’Ariane Mnouchkine… Jacques-François Suzzoni, responsable de l’édition, répond à nos questions.

Comment est née la collection de dvd Bel Air Classiques?

Notre label de dvd qui est né il y a trois ans à présent, en mai 2004, a l’avantage de s’adosser à une maison de production, Bel Air Media qui s’est imposé sur le marché de la production audiovisuelle depuis 15 ans. Notre directeur François Duplat, grâce à ses excellentes relations avec les directeurs d’opéra, les responsable culture des chaînes françaises, a pu immédiatement trouver les opportunités qui font aujourd’hui la richesse de notre catalogue. Nous cultivons avec nos partenaires des relations de confiance qui nous ont permis par exemple, de publier Cardillac de Paul Hindemith (auquel Gérard Mortier, directeur de l’Opéra de Paris tenait beaucoup), de proposer à Arte qui nous a suivi, le Ballet La Dame de Pique de Roland Petit par le Ballet du Bolshoï, ou encore de suivre les productions lyriques du Festival d’Aix en Provence dont nous offrons à présent une collection de documents vidéo, parmi les plus riches. Prenez par exemple, Le Tour d’Ecrou de Benjamin Britten qui fait partie de nos premiers volumes aixois. Filmé en 2001 à Aix, la production n’est parue en dvd qu’en 2005. L’année des représentations, critique et public ont été enthousiasmés par la mise en scène et le spectacle. Evidemment quand le dvd est sorti, il a bénéficié de l’engouement préalable suscité par les représentations et a récolté de très nombreux prix. Mais l’inverse peu aussi se vérifier: La Traviata (enregistrée en 2003) mise en scène par Peter Mussbach avec Mireille Delunsch, avait divisé la critique dans sa version « vivante ». Lors de sa parution au dvd, nombreux sont ceux nous avoir dit redécouvrir et finalement aimer le spectacle grâce à la magistrale réalisation de Don Kent. Voilà qui prouve combien la captation d’un opéra pour le dvd s’apparente à une réécriture. Il y a certes la production musicale mais il s’agit aussi d’un film qui offre son propre scénario et ses propres clés de lecture.

Comment décidez-vous d’enregistrer un opéra ou un ballet et comment éditez-vous ensuite le film en dvd?

Il s’agit d’un ensemble de paramètres qui permettent conjointement la réalisation de chaque titre. A l’origine, nous agissons en partenariat avec un diffuseur, le plus souvent une chaîne française telle Arte, France 2 ou France 3 qui diffuse à l’antenne le programme enregistré, avant sa parution en dvd.
Comme je vous l’ai dit, au démarrage il peut s’agir d’une proposition que nous faisons à l’adresse d’une chaîne de télévision qui nous suit. Il peut aussi s’agir d’un directeur d’opéra qui nous propose de filmer un spectacle auquel il tient beaucoup. Ce peut être également un projet au départ purement documentaire et filmique qui aboutit ensuite, à l’enregistrement du spectacle. Ainsi, le Tristan et Isolde de Wagner filmé à Genève s’est imposé dans la suite d’un documentaire autour du travail du metteur en scène Olivier Py. Avec le recul, et l’accueil réservé à ce titre, nous avons eu raison d’enregistrer l’opéra, d’autant qu’il s’agit aussi de la dernière production lyrique dirigée par Armin Jordan.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi, un dvd d’opéra est aussi un film disposant de sa propre écriture filmique?

C’est un aspect de notre métier qui est en définitive essentiel. Il ne s’agit pas pour nous d’enregistrer platement les spectacles choisis ou de constituer une base d’archives. Le métier de François Duplat, qui est un proche d’Ariane Mnouchkine et qui a travaillé très longtemps comme producteur et distributeur dans le cinéma notamment avec Louis Malle et Patrice Chéreau, veille particulièrement au choix des réalisateurs pour chaque enregistrement. Le film offre une relecture du spectacle ou en tout cas un angle nouveau d’approche de la production. Nous travaillons à présent avec Don Kent, Vincent Bataillon, Andy Sommer, Chloé Perlemuter, Denis Caiozzi… Chacun déploie une écriture propre qui s’appuie sur une connaissance approfondie de l’oeuvre et de la mise en scène. On oublie trop souvent l’approche spécifique du cinéaste: travail sur la partition, découpage des plans, place des caméras dans la salle, plans frontaux larges ou rapprochés… Evidemment, certains peuvent être heurtés par les options du réalisateur confronté au travail du metteur en scène. C’est justement tout ce qui fait par exemple l’intérêt du Tristan filmé par Andy Sommer, sa caméra offre une relecture de la mise en scène d’Olivier Py. De son côté, Chloé Perlemuter dans Cardillac ou L’Enlèvement au Sérail en provenance de Zurich, aime filmer les coulisses, le mouvement des décors ou des chanteurs, qui précèdent l’action sur la scène…

Réfléchissez-vous à renouveler ou du moins, élargir l’offre de votre catalogue, en dehors des spectacles enregistrés (opéras ou ballets)?
Absolument, d’autant qu’il devient de plus en plus difficile d’enregistrer comme producteur un spectacle d’opéra puis de l’éditer en dvd. Les contrats exclusifs des artistes connus avec leur maisons de disques rendent de plus en plus improbable l’édition du dvd par une maison autre que celle à laquelle ils appartiennent. Ceci d’autant plus qu’après s’être désintéressé totalement de l’image pendant des années, les maisons de disques pensent avoir trouvé une nouvelle manne avec le dvd. Nous avons de nombreux projets dans plusieurs directions. Nous avons entamé une collaboration durable avec Ariane Mnouchkine dans le cadre de notre collection Théâtre du Soleil. Après Molière et Le Dernier Caravansérail nous venons d’éditer Un Soleil à Kaboul, documentaire passionnant sur le voyage du Théâtre du Soleil en Afghanistan. Nous aimerions également réaliser une collection de documentaires consacrés aux grands lieux d’opéra: la Scala de Milan depuis sa réfection, le Bolchoï, le Mariinski… et aussi, une collection thématique sur les opéras de Giuseppe Verdi ou sur l’opéra italien… Dans le domaine de la danse, nous réfléchissons à un prochain coffret consacré à l’oeuvre du chorégraphe américain, Bill T. Jones.

Quelle est votre politique de prix? Comment s’inscrivent vos titres au sein du marché?

Nous sommes heureux de pouvoir maintenir un prix d’achat toujours le plus bas possible pour le consommateur. Pourtant les coûts de production, de fabrication, de distribution restent astronomiques. Au sein du catalogue BelAir Classiques, un dvd simple coûte environ 30 euros. Un double, moins de 40 euros: c’est le cas par exemple, d’Hercules de Haendel ou d’Aïda de Verdi… De tels prix restent exceptionnels si nous les comparons avec les catalogues des autres éditeurs.

Quelles sont vos meilleures ventes récentes?

Molière mis à part (vendu à 35 000 exemplaires en France) c’est sans hésitation, le ballet La Fille du Pharaon qui s’est vendu jusqu’à présent à plus de 13 000 exemplaires. Il s’agit d’un pic de vente remarquable mais qui peut s’expliquer s’agissant de l’enregistrement d’une partition rare, exceptionnellement donnée, composée par Cesare Pugni d’après le r
oman de la momie
de Théophile Gautier. Nous sommes les seuls à en offrir une version vidéo. La lecture qu’en développe le corps de Ballet du Bolshoï, d’après la révision de Pierre Lacotte à partir de la chorégraphie originale de Marius Petipa, est parfaitement classique. C’est un très bon programme, tout à fait conforme à ce qu’en attendent les amateurs de ballet.

Quels seront les prochains titres à venir à ne pas manquer d’ici début 2008?

L’Amour des Trois Oranges de Prokofiev sous la direction de Tugan Sokhiev, le ballet de Roland Petit « Proust ou les intermittences du coeur », un « Concert du Nouvel An » et un « Gala au Mariinski » sous la direction de Valery Gergiev. Nous travaillons aussi à un coffret Zizi Jeanmaire et à l’édition du « Gala Rameau » donné par Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre au Châtelet.

Et demain quel avenir pour le dvd?

La période 2008/2009 devrait voir s’imposer les nouvelles normes Haute Définition (HD). Aujourd’hui, tous nos enregistrements sont réalisés en Haute Définition. Avec l’avènement de ce nouveau format qui favorise la qualité optimale de l’image et du son, le marché du dvd devrait assurément connaître un nouveau souffle.

Propos recueillis par Alexandre Pham
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