vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu, Opéra. TCE, le 26 mars 2017. Giordano : Andrea Chénier : Kaufmann / Harteros. Omer Meir Wellber.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Compte-rendu, Opéra. Opéra, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2017. GIORDANO : Andrea Chénier. Jonas Kaufmann/Anja Harteros/Luca Salsi. Omer Meir Wellber (direction). Entre deux représentations scéniques à l’Opéra de Bavière, c’est au Théâtre des Champs-Elysées qu’Andrea Chénier était proposé, dans une version de concert « améliorée » (les chanteurs évoluent sur les quelques mètres carrés laissés vacants par l’orchestre placé sur scène), mais avec le même duo vocal qui fait délirer les salles du monde entier : Jonas Kaufmann et Anja Harteros. De fait, pas le moindre strapontin de disponible : les tickets s’étaient tous arrachés dès le premier jour de la location… et avouons que le traumpaar des scènes lyriques internationales n’a pas déçu nos attentes.

kaufmann-jonas-homepage-582Jonas Kaufmann prête à la figure centrale de Chénier une force de conviction et une vitalité électrique peu communes, à l’engagement ardent et à l’héroïsme incandescent. Certes, de très passagères incertitudes de justesse se font entendre, séquelles de ses récents ennuis de santé, mais le lyrisme inouï de « Ora soave » au II et de « Come un bel di » au III ravissent l’âme au plus haut point. Idéalement accordée, sa Madeleine, première grande triomphatrice de la soirée au milieu d’un plateau qui a déchaîné, à maintes reprises, les plus bruyants enthousiasmes, offre les qualités qu’on lui connaît : chaleur et douceur d’une voix du plus subtil métal, une palette de nuances irisées et ses légendaires pianissimi. Tragédienne hors-pair, le personnage lui convient merveilleusement bien aussi, pour cette alliance de volonté et de douceur, de tendresse et d’énergie, et sa grande beauté en scène. Avec ses deux figures d’une intense présence vocale et dramatique, le duo final rayonne de toute sa splendeur, l’un et l’autre ayant su intelligemment su préserver leurs forces. Auparavant, Anja Harteros aura atteint au maximum d’émotion, dans une remarquable performance d’actrice, à sa grande scène de l’acte II (« La Mamma morta », d’une expressivité et d’une sobriété admirable), où elle trouve à nouveau, avec le Carlo Gérard de Luca Salsi, un partenaire parfaitement complémentaire. Puissant, noir, et en même temps d’un raffinement psychologique inattendu, son Gérard est un des plus saisissants que nous ayons entendus.

Mais Andrea Chénier est un opéra éminemment théâtral dans la mesure où il implique un certain nombre de comprimari, destinés à faire partie du mécanisme avec une autonomie fonctionnelle précise, et garantissant par leur présence le succès de l‘œuvre. De ces emplois « secondaires » proviennent de bien belles satisfactions vocales aussi. On en détache en premier lieu l’extraordinaire Elena Zilio, véritable légende du chant, qui, dans le rôle de Madelon, continue d’impressionner par la profondeur des graves et l‘émotion qu‘elle suscite dans le bouleversant air « Son la vecchia Madelon ». Déception, en revanche, pour La Comtesse de Doris Soffel dont les ans n’ont pas épargné un timbre désormais dur et rêche. De leurs côtés, J’Nai Bridges incarne une piquante Bersi, Christian Rieger un incisif Fouquier-Tinville, Kevin Conners un Incroyable efficace et Andrea Borghini un solide Roucher.

A la tête d’un Orchestre et d’un Chœur de la Bayerische Staatsoper dans une forme olympique, le chef israélien Omer Meir Wellber impose une lecture d’un superbe raffinement, très attentive à l’opulence et aux détails chatoyants de l’orchestration de Giordano. On perçoit son constant souci d’équilibrer les différents pupitres, même s’il verse parfois dans la surenchère dans les débordements orchestraux, ce qui permet néanmoins au tableau final de baigner dans une jouissance sonore absolument irrésistible.

Aux saluts, triomphe : en cadence, le public si huppé des Champs-Elysées tape des mains et même des pieds, et offrira de très nombreux rappels aux héros de cette mémorable soirée.

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Compte-rendu, Opéra. Opéra, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2017. Avec Jonas Kaufmann (Andrea Chénier), Anja Harteros (Maddalena di Coigny), Luca Salsi (Carlo Gérard), J’Nai Bridges (Bersi), Doris Soffel (La Comtesse de Coigny), Elena Zilio (Madelon), Andrea Borghini (Roucher), Kevin Conners (L’Incroyable), Christian Rieger (Fouquier Tinville), Nathaniel Webster (Pietro Fléville), Tim Kuypers (Mathieu), Ulrich Ress (L’Abbé). Orchestre et Chœur de la Bayerische Staatsoper de Munich. Omer Meir Wellber (direction).

DVD. LIRE aussi notre critique du dvd Andrea Chénier par Jonas Kaufmann (Londres, Pappano, janvier 2015)

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