vendredi 29 mars 2024

Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 3 novembre 2016. Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann. Ramon Vargas, Stéphanie d’Oustrac, Nadine Koutcher, Ermonela Jaho… Choeurs de l’Opéra. José Luis Basso, direction. Orchestre de l’Opéra National de Paris, Philippe Jordan,, direction. Robert Carsen, mise en scène.

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C’est « LA » production-phare des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, signée Robert Carsen, remontant à 2000, et qui revient cet hiver à l’Opéra National de Paris. S’il n’y a plus Jonas Kaufmann en protagoniste pour des raisons de santé, Ramon Vargas vient sauver le bateau, se joignant à un quatuor de voix féminines principales de qualité, avec la délicieuse Stéphanie d’Oustrac, Nadine Koutcher, Ermonela Jaho et Kate Aldrich. Philippe Jordan dirige l’orchestre maison avec une étonnante attention aux détails et une bonne dose de courage comme de liberté. Un spectacle qui se veut spectaculaire et qui l’est, mais dont les coutures (et les clichés!) commencent à devenir quelque peu rébarbatifs.

 

 

 

Offenbach version Carsen : du sérieux, de l’humour, de l’intelligence

 

 

Œuvre posthume et presque composite par laquelle Offenbach rêvait d’être finalement accepté comme autre chose qu’un compositeur de musique «légère », la partition des Contes d’Hoffmann est en réalité un phénomène de son temps, non sans relations avec l’antisémitisme rampant de l’époque ; c’est un défi musical et scénique. Si l’aspect inachevé peut se résoudre facilement dans des mains habiles, la question de l’exigence musicale demeure délicate, notamment en ce qui concerne la distribution des rôles féminins (une cantatrice pour les trois, ou bien trois différentes?). Le livret de Jules Barbier d’après Michel Carré, est inspiré de trois contes de l’auteur et musicien romantique allemand E.T.A Hoffmann, célèbre entre autres pour avoir proclamé Haydn, Mozart et Beethoven comme les trois maîtres de l’esprit romantique. L’histoire est celle d’un Hoffmann imaginé, amoureux d’une prima donna et dont l’obsession devient un empêchement créatif qui le poussant à l’ivresse. Il désire cet idéal féminin incarné par la soprano, à la fois « artiste, jeune fille, courtisane ». Sa Muse artistique s’empare de son ami Nicklausse pour l’accompagner ; elle tente de lui rappeler sa mission en tant qu’artiste.

vargas ramon contes hoffmann opera bastille compte rendu critique classiquenewsEn Niklausse justement, la mezzo-soprano française Stéphanie d’Oustrac ouvre et ferme l’œuvre avec les qualités qui lui sont propres : une articulation sans défaut, un timbre polyvalent, flexible, une capacité remarquable à habiter un rôle par la force de son art vocal bien mûri, ses indéniables dons d’actrice… Nous avons été emballés dès son entrée au prologue où elle se montre Muse parfaite, sensuelle ; ensuite à chaque acte, elle compose un compagnon sincère d’un Hoffmann voué à l’échec affectif (mais il se trouve que ceci va le rapprocher de… son Art, sa Muse! Le lieto-fine est donc quand même là, latent). Ramon Vargas s’absente de ses répétitions aux Etats-Unis pour remplacer Jonas Kaufmann souffrant. Si la diction du français laisse parfois à désirer, il impressionne par son investissement musical et scénique, une voix souple dans les aigus redoutables et ce je ne sais quoi de touchant qui sied magistralement au jeune personnage romantique et sincère, qu’il interprète.
Les trois sopranos brillent toutes par leurs qualités individuelles. L’Olympia de Nadine Koutcher faisant ses débuts à l’Opéra de Paris, est pyrotechnique, même drôlissime à souhait ; elle campe l’archi-célèbre air de l’automate « Les oiseaux dans la charmille » sans difficulté, tout en se donnant à fond au niveau de la mise en scène, en un 1er acte très comique. L’Antonia du deuxième acte est toute émotion, grâce au bel investissement et au sens du drame d’Ermonela Jaho. La Giulietta du troisième est plus théâtrale que musicale dans l’interprétation de Kate Aldrich. Remarquons l’excellente et courte prestation de Doris Soffel dans le rôle de la mère d’Antonia. Si leurs prestations sont tout aussi minces, les performances d’un Yann Beuron, d’un Paul Gay et d’un François Lis ne passent pas inaperçues, surtout par rapport au premier, avec un art du langage délectable.

Les Contes d’Hoffmann composent ainsi un événement digne d’enthousiasme, non seulement par les difficultés inhérentes à la production d’une œuvre posthume, mais plus particulièrement grâce à l’éventail des sentiments mis en musique avec panache par Offenbach, dont l’aspect théâtral est spécofiquement mis en valeur dans la mise en scène désormais « historique » de Robert Carsen. A voir et revoir à l’Opéra Bastille encore les 6, 9, 12, 15, 18, 21, 24 et 27 novembre 2016.

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