jeudi 18 avril 2024

Compte rendu critique, concert. POTSDAM, Nikolaïsaal, le 22 juin 2018. Récital Primadonnen & Kastraten, Genaux / Sabadus

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

classiquenews postdam festial baroque juin 2018 classiquenews csm_MPS_Logo_zweizeilig_sw_58e31fc3bfCompte rendu critique, concert. POTSDAM, Nikolaïsaal, le 22 juin 2018. Récital Primadonnen & Kastraten, Vivica Genaux et Valer Sabadus. Dans le bel écrin de la Nikolaïsaal, Vivica Genaux et Valer Sabadus, qui remplaçait David Hansen initialement prévu, ont donné un programme consacré à l’art des castrats, dans un déroulé immuable : une pièce instrumentale, un air chacun et un duo, répartis dans quatre blocs consacrés respectivement à Haendel, Hasse, Haendel et Vivaldi. Mis à part quelques raretés du « Caro Sassone » (tirés de l’ultime Ruggiero et du fameux Artaserse), le choix des morceaux ne brillait pas par leur originalité folle (on retrouvait les sempiternelles « Lascia ch’io pianga », « Scherza infida », « Gelido in ogni vena ») ; les airs de Hasse étaient en revanche plus judicieux quand on sait l’importance largement sous-évaluée de ce compositeur dans le genre de l’opéra seria, qui fut le règne et le triomphe des castrats, malgré la résurrection récente de quelques titres bienvenus (Siroe, Didone abbandonata ou Artaserse). À l’issue du concert, l’impression est très mitigée : autant la performance de Vivica Genaux impressionne, son abattage insolent, sa technique impeccable et ses graves de bronze font merveille dans un répertoire qu’elle maîtrise à la perfection. Si le récital de Gaveau le mois dernier nous avait laissé sur notre faim, en raison d’un chant par trop monocorde, à Potsdam elle se surpasse et imprime mille nuances aux airs qui lui sont dévolus. Le « Scherza infida » est superbe, riche en pathos et en fureur contenue, tandis que l’interprétation du « Lascia ch’io pianga », bien plus convaincante qu’à Gaveau, transcende la relative simplicité de la ligne mélodique. Magistrale version également du « Gelido in ogni vena » vivaldien, à faire frémir les esprits endoloris, qui résisteront encore moins à la virtuosité ébouriffante du « Son qual misera colomba » du Cleofide de Hasse.
L’interprétation de Valer Sabadus, dont le timbre séraphique fait merveille dans le répertoire du XVIIe siècle, nous a semblé ici à contre-emploi. S’il parvient la plupart du temps à surmonter les difficultés terrifiantes de virtuosité, c’est presque toujours au détriment de l’élocution qui passe littéralement à la trappe. Les consonnes ont disparu, et le chant se réduit à une vocalité pure, au sens premier du terme. Dans les airs pathétiques, les dégâts sont limités, comme dans « Lo seguitai felice » ou les duos « Son nata a lagrimar » et « Nei giorni tuoi felici », dans lesquels les deux voix s’épousent à merveille.
Une mention spéciale à l’orchestre Academia Montis Regalis, superbe de bout en bout, grâce à la direction vigoureuse et d’une précision métronomique d’Alessandro De Marchi.

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Compte-rendu. Postdam, concert. Primadonnen & Kastraten. Vivica Genaux et Valer Sabadus (airs de Haendel, Hasse et Vivaldi). Orchestre Academia Montis Regalis, Alessandro De Marchi (direction).

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