samedi 20 avril 2024

COMPTE RENDU, critique, concert. PARIS, Auditorium du Louvre, le 15 nov 2019. MUSIQUE SECRETE DE LEONARD, Doulce Mémoire. D RAISIN-DADRE. Nouvelle production.

A lire aussi

COMPTE RENDU, critique, concert. PARIS, Auditorium du Louvre, le 15 nov 2019. MUSIQUE SECRETE DE LEONARD, Doulce Mémoire. D RAISIN-DADRE. Nouvelle production. Difficile de concilier dans la réalisation d’un seul spectacle, onirisme des peintures, surtout celles de Leonardo, et vitalité expressive de morceaux musicaux, choisis par affinités et par correspondance chronologique. Pourtant le génie de Vinci fut assez étendu pour embrasser les deux disciplines,- entre autres, dons exceptionnels qui justifient absolument un dialogue de ce type : Leonardo fut organisateur de fêtes somptueuses pour les princes qu’il servit ; il fut tout autant un instrumentiste virtuose, capable d’improviser comme personne, à la lira da braccio, instrument présent ce soir et remarquablement chantant sous les doigts de Baptiste Romain.

Au demeurant, le spectateur – auditeur, est charmé d’un bout à l’autre du programme par la complicité toute en nuances et précision expressive des instrumentistes et des deux chanteurs très sollicités (Clara Coutouly, soprano / Matthieu Le Levreur, baryton) dont l’éloquence des accents comme des gestes servent le souci d’évocation du spectacle. Voix maternelle, de séduction, de drôlerie piquante pour elle ; présence noble et virile pour lui. Dans la tendresse émerveillée, mariale ; dans la douleur languissante, digne et contenue (Mille regretz de Josquin) ; dans l’ivresse amoureuse ; dans enfin, un pittoresque comique plus dramatique (« tante volte si si si / Tant de fois oui, oui, oui » de Marchetto Cara)… sans omettre la séduction rythmique d’airs et de mélodies au caractère manifestement dansant et chorégraphique : savant et inventif, Leonardo fut un exceptionnel ordonnateur de fêtes, selon les témoignages de l’époque.

Doulce Mémoire explore les musiques de Leonardo da Vinci

 
 

Syncrétisme artistique
LEONARDO musicien et poète

 

 

 doulce-memoire-leonardo-musique-secrete-paris-audi-louvre-critique-concert-classiquenews

Le choix visuel retenu privilégie le détail pour mieux s’immerger dans l’univers pictural du peintre – musicien. Ainsi l’Annonciation ou Ginevra Benci ne se révèlent ici qu’à travers le détail (époustouflant) de leur paysage respectif : frondaisons rendues vibrantes par la magie de l’image retraitée / animée ; bleus lointains et clochers d’église, esquissés en un geste fulgurant et précis. De même, La Vierge aux rochers se distingue non par la minéralité omniprésente de sa masse rocheuse qui lui sert d’écrin, mais bien par ce détail, jusque là ignoré, à torts, la plante perchée qui peut-être un jasmin et qui forme tonnelle pour la divine Marie en famille. Puis, le portrait d’un musicien portant comme un emblème et un rébus à déchiffrer la partition qui submerge la scène au dessus des instrumentistes, se révèle également tout autrement, à travers la mise en regard de deux airs d’une amoureuse nostalgie (« Mille regretz » de Josquin, puis « Les Miens aussi » de Tilman Susato, également en vieux français, qui sonne ici comme l’écho du premier, sans perdre l’intensité émotionnelle et pudique de son « modèle »)…

C’est un bain de pure poésie auquel les pièces musicales répondent dans la finesse et un climat de suggestivité heureuse. Se distingue aussi dans les passages purement instrumentaux, la flûte souveraine et facétieuse (ou plus exactement les flûtes) jouées par Denis Raisin Dadre, concepteur musical dont la digitalité et le souffle restituent à l’instrument, sa flexibilité lumineuse, prête à captiver, saisir, enivrer… y compris dans une joute de plus en plus rapide avec la lira.

Dès lors des images marquantes s’impriment définitivement, comme débordant du cadre de projection où l’on pouvait en mesurer la magie : visage de Mona Lisa au velouté vaporeux des ombres sur le visage énigmatique ; matière soyeuse de la chevelure idéalement peignée de la Belle Ferronnière à laquelle Denis RD associe la plainte d’une jeune beauté que l’on force à la …patience comme un Pénélope obligée et contrainte (superbe texte d’un anonyme : « Patienza ognum mi dice ». / Tout le monde me dit « patience »)…

Aux couleurs maîtrisées de Leonardo, répondent les nuances et les accents des musiciens qu’une pénombre propice caresse, dessinant sur leur vêtement tout de blanc, la matière même de ce sfumato dont Leonardo a désormais le secret. Le spectacle onirique inscrit la musique dans un éloge de l’ombre et du mystère ; mais un mystère qui s’incarne dans une tendresse complice et une certaine sensualité, à la fois savante et imaginative comme l’atteste le splendide texte de Bartolomeo Trombocino sur le thème aquatique et qui accompagne la contemplation du dessin perforé pour le portrait d’Isabelle d’Este (« Non va l’acqua al mio gran fuoco » / L’eau ne sert à rien pour mon grand feu) ; le dispositif scénique renouvelle et questionne aussi l’incroyable diversité expressive des musiques ainsi sélectionnées, leur faculté à danser, parler, éblouir aussi car la Renaissance est une période de grand raffinement comme d’innovation organologique que l’ensemble créé il y a 30 ans par Denis Raisin Dadre, ne cesse toujours et encore d’explorer.

leonardo-da-vinci-musique-secrete-livre-cd-alpha-critique-annonce-cd-par-clasiquenews-compte-rendu-critique-cd-livre-classiquenews-musique-classiqueComplément magistral à l’actuelle rétrospective LEONARDO au Louvre, la proposition de Doulce Mémoire enchante littéralement par sa finesse et son onirisme, la justesse des correspondances. L’auditeur peut retrouver chaque tableau et les pièces musicales choisies pour lui correspondre dans l’excellent livre cd paru chez Alpha : LEONARDO DA VINCI : La Musique secrète dont la couverture reproduit l’autre fleuron des collections nationales, aux côtés de la Joconde, la sublime Sainte-Anne, l’Enfant et la Vierge… La nouvelle production marque aussi les 30 ans de Doulce Mémoire en 2019.
http://www.classiquenews.com/doulce-memoire-musique-secrete-de-leonardo-da-vinci-2/

________________________________________________________________________________________________

LIRE aussi notre présentation annonce du programme Musique secrète de Leonardo par Doulce Mémoire :
http://www.classiquenews.com/louvre-doulce-memoire-musique-secrete-de-leonard-de-vinci/

Illustrations : © studio classiquenews 2019

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

OPÉRA DE NICE. LE ROSSIGNOL, LES MAMELLES DE TIRÉSIAS, les 28, 30 mai, 1er juin 2024. Olivier Py, Lucie Leguay

L’Opéra de Nice affiche en une soirée, deux ouvrages lyriques du XXè, créés à 30 ans d’intervalle, où la...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img