Compte-rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France-Occitanie-Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, le 27 juillet 2017, 20 h. Finlandia, (Sibelius, Langgaard et Nielsen) Emmanuel Pahud, flûte, et l’Orchestre National Montpellier Occitanie dirigé par Michael Schønwandt. Ce n’est pas tout à fait le dernier jour, mais c’est le dernier grand concert symphonique du Festival. La Finlande moderne est née de son indépendance, en 1917. Pour commémorer cet événement, et profiter pleinement de l’amour que porte le chef permanent de l’Orchestre National de Montpellier aux musiciens de la Baltique, un programme idéal nous est offert. Deux Danois, ses compatriotes, l’un illustre, l’autre méconnu, occupent la place centrale, encadrés par deux œuvres majeures de Sibelius.
Merci Monsieur Schønwandt !
Le plateau est occupé par une très grande formation, huit contrebasses, dix violoncelles et le reste à l’avenant. En dehors du délicieux Concerto pour flûte de Nielsen, ce sont ces forces, exceptionnelles qu’animera Michael Schønwandt.
Tout à la fois chant de guerre et cantique, le célèbre Finlandia, opus 26, de Sibelius. De la férocité des accords initiaux, des épisodes tumultueux, de révolte, à la noblesse, aux accents quasi religieux de l’hymne par excellence, lyrique, vibrant et lumineux, le bonheur est bien là, à travers un propos nerveux, animé à souhait, méditatif aussi, jusqu’à l’énergique péroraison finale, en forme d’apothéose.
Rued Langgaard paraît comme le musicien danois maudit, rejeté dans l’ombre par Nielssen. Si Sfinx, poème pour orchestre (BVN 37, 1900, rév.1913) que nous écoutons ce soir est son œuvre la plus jouée, force est de reconnaître que c’est une réelle découverte. « L’enfance de Langgaard se passa sous le piano du père, élève de Liszt à Weimar » nous rappelle Michael Schønwandt au cours d’un entretien. L’ignorerait-on que la filiation paraît évidente. La personnalité paraît complexe, étrange, tout comme l’œuvre, admirée de Ligeti. L’extraordinaire science de l’instrumentation d’un adolescent de 15 ans surprend. L’écriture originale et expressive des cordes, tout particulièrement, autant de climats sombres, inquiétants, avec de fréquentes pédales impressionnantes des trombones et tubas basses. Plus qu’une curiosité, une révélation.
De Carl Nielssen, après sa 4ème symphonie « l’Inextinguible » retrouvée en 2014 (Casadeus/Orch. Nat. de Lille), nous avions découvert l’an passé, au cours de ce même festival, Aladdin, dirigé également par Michael Schønwandt à la tête de son orchestre de Montpellier. Brillant, nerveux, chargé d’humour, avec son concerto pour flûte, nous retrouvons des terres familières. L’espièglerie, l’humour, le grotesque des interjections du trombone basse, le raffinement et l’agilité de la flûte, un orchestre transparent, où les solistes (la clarinette spécialement) rayonnent, tout est là pour séduire l’amateur exigeant. L’animation constante comme la grande douceur, la poésie d’une brève séquence, les traits virtuoses, la fluidité du discours, Emmanuel Pahud, dans une forme exceptionnelle, nous ravit par son timbre, son articulation, une projection puissante comme les sons filés les plus ténus, et toujours la volubilité.
L’orchestre retrouve sa très grande formation pour la deuxième symphonie, la plus populaire des sept que nous lègue Sibelius, réservée aux grandes occasions. Monumentale par ses proportions, on oublie parfois la richesse de l’invention et du travail thématique tant son courant nous emporte. Renvoyons les curieux à l’analyse richement documentée de Marc Vignal (Jean Sibelius, Fayard, 2004). L’œuvre, sous la baguette inspirée de Michael Schønwandt, cherche la lumière, la respiration. Ayant toujours mené de pair le lyrique et le symphonique, qui s’enrichissent mutuellement, il gratifie les œuvres les plus ambitieuses d’une dimension dramatique naturelle qui les rend attachantes. Sans pathos ajouté, il donne tout son sens, ses racines et sa sève à cette musique qui lui est si familière. Des épisodes les plus frais, pastoraux, retenus, avec la petite harmonie aux déferlements herculéens, la couleur est toujours évidente. La direction fouillée, toujours soucieuse de la clarté polyphonique, des équilibres, du modelé de chaque partie, invite à la respiration, à la vie. Le discours se renouvelle, admirable. Oublié ce son trop souvent compact, épais pour la transparence comme la puissance, avec, toujours la souplesse. La conduite du discours, les respirations, les phrasés, les suspensions et les silences soutiennent en permanence l’intérêt.
La salle est conquise, et les longues ovations, debout, sont récompensées par le plus beau des bis : la célébrissime Valse triste, ravissante, magnifiée sans affectation, naturelle, émouvante.
Michael Schønwandt a hissé son orchestre dans la cour des grands, et ses musiciens, plus motivés que jamais, s’en montrent parfaitement dignes. Quelle chance pour Montpellier que s’être attaché celui que l’on découvrait à la Monnaie, dans la grande époque de Gérard Mortier, et que l’on retrouvait à Bayreuth pour Les Maîtres-chanteurs, comme ailleurs dans tant de productions ! Merci, Monsieur Schønwandt, pour le bonheur que vous prodiguez avec largesse.
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Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France-Occitanie-Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, le 27 juillet 2017, 20 h. Finlandia, (Sibelius, Langgaard et Nielsen) Emmanuel Pahud, flûte, et l’Orchestre National Montpellier Occitanie dirigé par Michael Schønwandt. Illustration : Emmanuel Pahud et l’Orchestre Montpellier-Occitanie, dirigé par Michael Schønwandt © Pablo Ruiz