vendredi 19 avril 2024

CD.Tchaikovski : Symphonie Manfred, opus 58 (Pletnev, 2013)

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tchaikovski_pentatone-pletnev-manfred cdCD.Tchaikovski : Symphonie Manfred (Pletnev, 2013). Pletnev, chef pianiste, à la tête de son orchestre (Symphonique russe) convainc immédiatement par son intelligence de l’écriture tchaïkovskienne : fine, mesurée, détaillée mais intensément dramatique aussi, la lecture est superlative. Dans cette Manfred Symphonie de 1886, c’est un Tchaïkovski profond, humain, jamais épais ni emplomblé par un pathétisme outrancier… Soulignons d’emblée la superbe activité des cordes qui impriment partout, en axe structurant, un climat de vitalité nerveuse parfois inquiète.  Dès la première séquence (premier mouvement lui-même structuré en trois volets :  lento lugubre, moderato con moto, andante), la puissance du fatum,  poigne de fer inexpugnable accable le héros par sa coupe terrifiante, trompettes, trombones et hautbois mordants, sardoniques bataillent sur une face quand flûtes et vagues de la harpe préservent de l’autre, l’élan d’une irrépressible plénitude lyrique. Tout cela est parfaitement caractérisé,  dévoilant les visages multiples du compositeur, les tiraillements incessants d’une âme soumis à la houle de sa propre agitation. Le déséquilibre psychique menace et cette présence pulsionnelle vacillante échevelée confère à la lecture sa vérité,  sa justesse irrépressible et irrésistible… car derrière la figure de Manfred , c’est bien le destin de Tchaikovski qui semble vivre un épisode propre, un nouvel avatar, éprouvant et les morsures du destin et les aspirations supérieures d’une âme torturée : cette assimilation du héros et du compositeur ne peut être écartée pour une juste compréhension de la partition. Piotr-Manfred se dévoilent ici. La valeur de la présente lecture est bien dans la hauteur d’un geste remarquablement sûr et mûr capable d’exprimer une vision terriblement incarnée et pourtant dans sa réalisation orchestrale saisissante par sa finesse et sa transparence.

CLIC_macaron_20dec13Car le chef relève les défis expressifs du vaste poème symphonique, véritable symphonie à part entière tant Tchaikovski imprime à la trame littéraire et au profil du héros légué par Byron,  une étoffe originale puissante et dans l’extraordinaire dernier mouvement, son souffle faustéen; jusqu’à la fin et le final haletant viscéralement inscrit dans le sang du champion,  le chef insuffle l’esprit indépendant d’une fatalité âprement contestée… c’est une lutte de longue haleine et qui exige toutes les forces vives de l’orchestre. Mystérieux,  fiévreux,  le dernier épisode  (Allegro con fuoco) sonne comme une épreuve où tout se joue. L’accomplissement esthétique est certainement possible grâce à la complicité évidente du maestro et de ses musiciens. La sonorité est riche, pro active à la fois hédoniste et d’une fabuleuse expressivité. La prodigieuse orchestration y gagne un relief, un détail,  ce raffinement des alliances de timbres qui ailleurs est souvent évacué.  S’il y a bien un caractère proprement russe dans la musique de Tchaikovski, l’apport du Symphonique national russe s’avère des plus bénéfiques et des mieux inspirés. Lecture incontournable pour qui veut connaître un son profond ciselé idéalement expressif chez Tchaïkovski.

Tchaikovski : Symphonie Manfred, opus 58. Orchestre national russe. Mikhail Pletnev, enregistrement réalisé à Moscou en avril 2013. 59mn. 1 cd Pentatone.

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