vendredi 19 avril 2024

CD. Nemanja Radulovic, violon : Paganini Fantasy

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CD. Nemanja Radulovic, violon : Paganini Fantasy (1 cd Deutsche Grammophon). Le jeune prodige serbe développe ici une question critique sur son propre métier, avec raisons … la facilité peut souvent brûler et gâcher le goût et le style d’un acrobate musicien. Presque trentenaire, maturité oblige, Nemanja Radulovic en rendant hommage au plus diabolique des compositeurs violonistes, Niccolo Paganini fait aussi son autoanalyse et fait rimer haute technicité avec … musicalité.

 
 

Radulovic_nemanja_deutsche_grammophon_cd_paganini_fantasy_cdLe trop  plein de virtuosité laisse un goût de superficialité : écoutez comme je joue bien et mieux que tout autre instrument… Paganini, d’un panache diabolique, d’une facilité ahurissante aurait-il eu le souci de la justesse et de la subtilité ? A trop vouloir démontrer, beaucoup de violoniste autoproclamés prodiges oublient souvent la mesure, ce mépris  salvateur de la performance pure qui fait les grands musiciens … De toute évidence, ces interrogations ont inspiré le violoniste contemporain Nemanja Radulovic que la sensibilité si proche de la voix écarte d’une facilité creuse.
Certes souvent l’éclat et la surenchère sont inscrits dans l’écriture paganinienne, et le monologue du violon supersoliste devient acrobatie mécanicienne, d’une fluidité sans âme.
Toute la question et donc la valeur de ce programme intelligent est contenue ici, entre prouesse et sincérité. Avec l’ensemble de cordes Les Trilles du diable (Cantabile), avec la pianiste Laure F-Kahn (Sonate n°12), et dans le Concerto n°1 en ré (avec le Symphonique national de la RAI), le violoniste serbe né en 1985 semble incarner tout ce qui s’impose douloureusement ou simplement à tout instrumentiste immensément doué : que faire avec un tel talent technicien ?

 

 

Technicité critique

 

Le Concerto n°1 donne la clé de cette ambivalence profitable en ce qu’elle révèle les interprètes véritables qui ne se servent pas de la musique mais la servent avec l’humilité et la profondeur requises. Pour démontrer ses remarquables talents, le violoniste ouvre donc les festivités par le Caprice n°5, d’une volubilité imprévisible, puis s’accorde une semi profondeur dans le Concerto au brio bien souvent rossinien car tout y œuvre pour mettre en avant le feu ardent d’un violon incandescent qui cependant sait dans les pianissimi subtilement maîtrisés enfin respirer avec une grâce intérieure (cadences finement tressées de l’Adagio), emblème d’un bon goût que l’on n’attendait plus …

L’élève de Patrice Fontanarosa a semblé recueillir les fruits d’une profonde réflexion sur les enjeux de son style. Si les visuels de la pochette, en couverture comme intérieurs  (Nemanja en transe expressive ou par terre dans des poses toujours contorsionnées … ) laissent plutôt songeur sur la capacité à murmure comme à suggérer, pourtant …  l’équilibre réussi entre intériorité et surenchère est objectivement maîtrisé ; même si le tempérament tout feu tout flamme de l’interprète l’oriente toujours vers plus de pathos romantique, une théâtralité pas toujours suggestive en effet, l’approche est sincère et gagnera encore dans les prochaines années à plus de pudeur. Très beau récital d’un tempérament qui se pose les bonnes questions , au bon moment, et fait espérer des lendemains tout aussi chantant, et nous l’espérons… mieux suggestifs.

Nemanja Radulovic, violon : Paganini Fantasy. 1 cd Deutsche Grammophon

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